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Thursday, November 16, 2023

Génération Cowboys en berne - Le Soleil

Je suis de cette génération qui voulait aller retrouver le bonheur dans un trip au Canada, qui apprenait sur le tas que la vie est parsemée de p’tites misères-faut-pas-t’en-faire.

Je suis de cette génération qui regardait passer Octobre en coup de vent, réalisant qu’une autre année venait de passer sans que je n’aie pris le temps.

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Ma génération, elle tente autant que possible de s’indigner devant la surabondance surgelée shootée suremballée… même si elle continue de s’acheter des 5000 pieds carrés dans un quartier flat comme le fond d’une bouteille où les maisons sont toutes pareilles.

C’était un soir, à Musique Plus, dans un reportage franchement énergique avec une caméra beaucoup trop oblique que j’ai entendu parler des Cowboys Fringants. Toune d’automne allait devenir l’hymne officiel de la fin de mon Cégep. Depuis, à chaque moment de ma vie, cette musique a su m’accompagner, me faire rire, me consoler, me faire réfléchir, me rentrer dedans comme un coup de poing dans le front.

C’était ça, la force des Cowboys Fringants : arriver à te faire danser ta vie tout en te rappelant à quel point la société dans laquelle on évolue est imparfaite. Enchaîner les vers d’oreille et les classiques tout en demeurant pertinent face aux défis que l’on peut croiser au détour de chaque petite crotte sur le cœur.

Au centre de cette scène, le grand Karl. Celui qui arrivait à faire lever le plafond de n’importe quelle salle de spectacles dès qu’il entonnait En berne.

Le grand Karl et sa bande qui manifestaient toujours un énorme respect pour leur public, qui avaient compris depuis longtemps que d’aller dans un show des Cowboys Fringants, c’était la même chose que de se faire un grand party de famille. Une grosse famille qui partageait toujours cette envie de réfléchir, de dénoncer, mais d’avancer quand même dans cette vie imparfaite et pourtant si belle dans ses petits détails.

Lorsque la pandémie a frappé, j’étais parfois bien démunie à la maison, avec deux petites filles qui n’arrivaient pas trop à comprendre l’ampleur de ce que nous étions en train de vivre. Pendant plusieurs semaines, notre plus gros divertissement de la journée était d’aller faire un tour d’auto. On a sillonné les campagnes de toute la Mauricie pour passer le temps et chercher à se changer les idées.

« Maman, on peut mettre les Cowboys Fringants? » C’est ainsi que l’album Les Antipodes est devenu la trame sonore de mon confinement, incarnant le bonheur que j’avais de mettre le nez dehors et d’entendre mes deux cocottes rire de nouveau et ne plus trop penser à cette période un peu sombre de nos vies. Avec toute l’Amérique qui pleure dans mon rétroviseur, avec Suzie Prud’homme, avec l’envie incalculable d’aller visiter Saint-Profond-du-Nowhere!

Avec le besoin de sentir qu’elles pouvaient mettre leur tête sur mon épaule, parce que nous n’étions pas seules au monde.

Parce que malgré les merdes, les revers, les choses qui nous échappent, les p’tits, les grands tourments, on arrivait toujours à s’accrocher les pieds ici-bas.

Cet été, j’ai vu pour une dernière fois Karl entrer sur scène. D’un pas lent, visiblement affaibli par le cancer, on voyait bien que l’amour de sa gang et le bonheur de retrouver son public étaient ce qui pouvait lui insuffler la plus belle des énergies pour aller jusqu’au bout de son spectacle.

Sous le ciel de Drummondville, ce soir-là, nous avions écouté chaque parole avec un mélange d’espoir que ce ne soit pas la dernière fois, et de réalisme que nous n’avions peut-être plus beaucoup de temps devant nous pour lui faire entendre à quel point on l’aimait.

À quel point il avait marqué nos vies. À quel point il nous avait fait du bien.

L’espoir d’une guérison, l’espoir d’un retour à la santé, pour ses filles, pour sa famille. Pour toutes ces chansons qui restaient à écrire et qu’on aurait tant voulu entendre. L’espoir a cédé sa place aux larmes mercredi soir.

Karl Tremblay est parti. Et moi je ne trouve pas les mots.

Bon voyage, belle étoile filante! C’est toute ta génération qui se sent un peu orpheline ce soir…

À LIRE AUSSI, une version de ce texte pour les enfants par les As de l’info.

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