Rechercher dans ce blog

Sunday, July 23, 2023

Terminés, les feux d'artifice? - La Voix de l'Est

Il y a un contexte particulier cet été. Les célébrations de la Saint-Jean et du 1er juillet tombaient dans une période où la qualité de l’air était mauvaise, où un smog enveloppait une bonne partie du pays, avec une interdiction de feux partout. Dans ce contexte, présenter des feux d’artifice aurait été un peu incohérent.

Pour les mêmes raisons, d’ailleurs, plusieurs personnes à Sherbrooke critiquent la Fête du lac des Nations de quand même présenter des feux cet été. Je cite une publication de Deborah Davis qui a reçu plusieurs appuis sur les réseaux sociaux : « J’ai honte quand j’entends les feux exploser et que je pense à la qualité de l’air que nous déplorons depuis quelques semaines. »

Le contexte actuel est particulier. Cet été est un concentré de tout ce qu’on annonçait comme impacts des changements climatiques. Mais ça fait quelques années que les feux d’artifice sont montrés du doigt comme source de pollution.

Question importante avant de poursuivre : les feux d’artifice, est-ce si polluant que ça? Comme le principe d’un feu d’artifice est de faire exploser des affaires dans le ciel, il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour dire que ça ne pollue pas. Qui dit explosion dit boucane et résidus.

Un mémoire publié en 2018 à l’Université de Sherbrooke s’intéresse justement à l’impact environnemental des feux d’artifice. Dans ce mémoire, Gabrielle Lajoie souligne que les feux émettent beaucoup de particules fines dans l’atmosphère et que la qualité de l’air est le plus touchée.

Selon le Service de l’environnement de la Ville de Montréal, l’International des feux Loto-Québec de Montréal est toujours suivi de plusieurs journées de mauvaise qualité de l’air. On peut aussi lire dans le mémoire que « les célébrations du millénaire ont causé un épisode de pollution atmosphérique mondiale ». Il faut dire que presque toutes les grandes et moins grandes villes ont mis le paquet, le 31 décembre 1999, pour illuminer le ciel. On a pété le millénaire solide.

Les personnes qui sont plus vulnérables ou qui ont des maladies respiratoires peuvent ressentir des effets négatifs. Une exposition répétée peut augmenter les risques de cancer du poumon ou d’autres troubles de santé cardio-vasculaire.

Mais ce n’est pas tout, pour que ça ne soit pas juste de la poudre noire qui explose bêtement, on y ajoute différents éléments, comme du zinc, du cuivre, du titane. C’est de là que viennent toutes les belles couleurs qui illuminent le ciel. Tout ça retombe au sol après. Ou au fond d’un lac lorsque c’est fait au-dessus d’un plan d’eau.

Les surfaces d'eau font souvent de magnifiques lieux pour les feux d'artifice, mais c'est malheureusement au détriment de la santé du lac ou du fleuve, puisque les résidus des explosions retombent ensuite au fond de l'eau.

Donc oui, les feux d’artifice ont un impact environnemental. Après, ça ne signifie pas qu’on ne peut pas réduire ces impacts. Faire les feux au-dessus d’un lieu qu’on peut nettoyer plutôt qu’au-dessus d’un lac, par exemple. Ou trouver des alternatives au zinc et à d’autres produits plus polluants.

Après, c’est sûr que si on fait un portrait global de la pollution au Québec, les feux d’artifice ne sont pas au sommet. Puisque ce sont souvent des évènements courts et isolés dans le temps, ce n’est évidemment pas aussi lourd et problématique que les alumineries, les papetières, les transports ou les minières. Mais ce n’est pas sans impact pour autant et ça ne peut pas servir d’excuse pour ne pas en tenir compte.

Drone sceptique

C’est là qu’arrivent, entre autres, les drones. Un drone dans le ciel, ça ne pollue pas. On pourrait calculer l’impact environnemental de sa fabrication divisé par sa durée de vie et le nombre de fois qu’il sera réutilisé, mais je n’ai pas le temps ni la capacité de calculer ça.

Le recours aux drones n’est pas si nouveau. On retrouve les premiers spectacles de drones dans le ciel en Autriche en 2012 et en France en 2014. Peut-être avez-vous vu le spectacle d’ouverture des Jeux de Pyeongchang de 2018, qui intégrait 1280 drones. En 2019, la ville de Shanghai a utilisé 2000 drones pour illuminer le ciel la nuit du 31 décembre pour célébrer l’arrivée de 2020, au lieu des feux d’artifice. Il faut dire que les problèmes de pollution de l’air sont assez élevés là-bas depuis plusieurs années.

J’ai souligné qu’il y avait 2000 drones, mais c’est loin d’être toujours autant. Après quelques recherches, je suis plus souvent tombé sur des spectacles réunissant 200 ou 300 drones. À la Fête du lac des Nations, une centaine d’engins volants étaient prévus. La quantité influence le résultat.

Je ferais une comparaison avec le nombre de pixels dans une image, puisque chaque drone est un point lumineux dans le ciel, comme un pixel est un point lumineux sur un écran. Plus il y a de drones, plus l’image créée dans le ciel a des subtilités et de la fluidité. Un des spectacles que j’ai regardés, qui utilisait 200 drones, me rappelait plus le jeu Lite-Brite version géant que des feux d’artifice.

Il faudra plus que recréer un logo ou un cœur géant dans le ciel pour éblouir le public, pour que ça devienne un évènement qui déplace des foules.

Ceci dit, avec 2000 drones, là, ça peut devenir impressionnant. Il y a sans aucun doute un potentiel de féérie, mais surtout une forme d’art à peaufiner. Parce que oui, même si c’est un jeu d’algorithmes, je crois que le codage est un art. Mais encore faut-il que l’artiste ait du talent et de l’imagination!

En 2018, Intel a utilisé un peu plus de 2000 drones pour créer un spectacle lumineux dans le ciel californien.

Il faudra peut-être quelques années avant que des artistes réussissent à vraiment s’approprier cette nouvelle technique et en fassent quelque chose d’éblouissant, de poétique et d’émouvant.

Mais même lorsque l’art dronique – aucune idée comment appeler ça – sera rendu-là, est-ce que ça va vraiment remplacer les feux d’artifice?

Les feux d’artifice, ce n’est pas juste des couleurs dans le ciel, au même titre qu’un feu de camp ce n’est pas juste une source de lumière ou de chaleur. Un feu a quelque chose d’hypnotisant qu’une lanterne n’a pas. Les drones ne pourront jamais recréer l’effet de l’explosion ou la magie d’une flamme. Il y a quelque chose de profondément instinctif d’être attiré par quelque chose qui pète.

N’allez pas croire que je défends nécessairement les feux d’artifice. Ça fait des années que je ne me déplace plus pour en voir. Sans les bannir définitivement, c’est une activité qu’on devra inévitablement davantage circonscrire avec les changements climatiques.

Je ne pense pas que les drones vont les remplacer. Si cet art se développe, ce sera une autre façon d’animer le ciel, de captiver, mais ça sera différent – et c’est correct.

Pour réagir à cette chronique, écrivez-nous à opinions@latribune.qc.ca. Certaines réponses pourraient être publiées dans notre section Opinions.

Adblock test (Why?)


Terminés, les feux d'artifice? - La Voix de l'Est
Read More

No comments:

Post a Comment

Québec changera ses lois pour rehausser le contenu québécois sur les plateformes en ligne - Le Devoir

Le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, veut voir et entendre davantage de contenu d’ici sur les plateformes en ligne à la Netflix et ...