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Saturday, June 25, 2022

Fonderie Horne: L'Abitibi pourrait s'en passer, estime Richard Desjardins - Le Journal de Montréal

Lorsqu’il parle de la Fonderie Horne, anciennement la Noranda, plein de souvenirs reviennent à la mémoire du plus célèbre enfant de l’Abitibi, l’auteur-compositeur-interprète Richard Desjardins.

• À lire aussi: Fonderie Horne: «Les gens de Rouyn-Noranda ne veulent pas qu’on ferme l’entreprise», dit Legault

• À lire aussi: Cancer à Rouyn: le Dr Arruda se défend d'avoir caché des informations

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« Quand j’étais petit, je pensais que les nuages étaient créés par les cheminées de l’usine. J’étais pas tout seul, les parents disaient ça à leurs enfants », relate le poète lors d’une entrevue avec Le Journal.

Les paroles de la chanson Et j’ai couché dans mon char de Richard Desjardins ont été immortalisées dans un graffiti sur ce mur d’une bâtisse du quartier Notre-Dame, juste à côté de la fonderie.

Photo Olivier Bourque

Les paroles de la chanson Et j’ai couché dans mon char de Richard Desjardins ont été immortalisées dans un graffiti sur ce mur d’une bâtisse du quartier Notre-Dame, juste à côté de la fonderie.

Dans le quartier Notre-Dame où est né Desjardins en 1948, les gamins savaient bien qu’il fallait se cacher lorsque l’usine, juste à côté, crachait ses nuages toxiques vers la ville.

« Aussitôt qu’il y avait un rush de souffre, on se garrochait en dessous des galeries. On étouffait. On arrêtait la game de hockey. On rentrait chez nous. C’était une puff qui enveloppait toute la ville », se rappelle Desjardins.

Pour les citoyens vivant tout près de l’usine, le malheur était de voir « les nuages de boucane » altérer la peinture de leur voiture, une scène forte du documentaire Noranda (1984), dans lequel Desjardins assure le texte de la narration et la musique.

« Ça faisait lever la peinture des chars. Il fallait amener ça au garage. Ils refaisaient la peinture et les gars envoyaient le bill direct à la mine », raconte le chanteur.

Partisan de la fermeture

Si la situation s’est améliorée au cours des dernières décennies dans la ville et le Vieux-Noranda, les émissions toxiques sont toujours là.

Selon une étude, l’usine, propriété de la multinationale Glencore, émettrait par moments dans l’air des concentrations d’arsenic – un cancérigène reconnu – 33 fois plus élevées que la norme québécoise.

C’est pourquoi l’usine devrait être mise sur pause et même cesser complètement ses activités, et ce, pour la santé des citoyens, croit Desjardins. Une position contraire à celle de François Legault qui croit que les gens de Rouyn ne souhaitent pas une fermeture.

« Qu’ils ferment leurs portes ! Moi je suis partisan d’arrêter cette usine-là, tant qu’ils n’auront pas réglé le problème », lance-t-il.

Selon lui, la fonderie a un impact économique beaucoup moins important qu’avant et Rouyn « serait capable de s’en passer ».

Omniprésente

« La ville est devenue autre chose qu’une affaire de mines. Je comprends qu’il y a 30-40 ans, il y avait plus de 2000 hommes qui travaillaient là », lance-t-il.

« Aujourd’hui, c’est pas cela. La ville est beaucoup plus administrative, c’est la capitale régionale des services sociaux, Hydro-Québec est installée, les PME sont beaucoup plus développées », énumère Desjardins.

« Il reste maintenant 400-500 jobs, donc c’est envisageable... En plus, ils n’ont jamais payé les dommages qu’ils ont faits... Tu vas à Rouyn-Noranda, c’est pas drôle, ça fait longtemps que ça dure », se désole-t-il.

Il croit d’ailleurs que l’industrie minière est omniprésente et prend trop de place en Abitibi, ce qui limite le potentiel de développer d’autres secteurs de l’économie.

« Rouyn voudrait étaler la ville à cause de la crise du logement, ils ne peuvent pas développer plus loin, car c’est tout claimer [droits miniers]. Ils n’iront pas mettre des infrastructures municipales à un endroit où ils vont se faire jeter dehors parce qu’il y aura quelqu’un qui aura pensé trouver une mine », explique-t-il.  

Loin d’être étonné des dernières révélations   

Richard Desjardins est loin d’être surpris par les manchettes entourant la Fonderie Horne, anciennement la Noranda. « Ç’a pas changé, c’est la continuation de la même histoire que je connais depuis que je suis tout petit. Rien ne m’étonne là-dedans », lance-t-il. 

L’usine est revenue à l’avant-plan après les révélations de Radio-Canada selon lesquelles la publication de données sur le cancer à Rouyn-Noranda avait été repoussée de plus de deux ans à la demande du Dr Horacio Arruda, l’ex-directeur national de la santé publique. 

Cette semaine, ce dernier s’est défendu et soutient qu’il a retiré une annexe afin de réaliser des études « plus robustes » sur le cancer du poumon. 

Mais Richard Desjardins croit que les pouvoirs publics ont assez tergiversé et que la situation est connue depuis très longtemps. 

« Arruda a reporté des études... Il y a une étude qui a été reportée depuis 40 ans, on l’a démontré dans le film Noranda, que la présence d’arsenic dans le corps augmente à mesure que tu vas vers l’usine. Il y a une tolérance zéro pour le corps humain face à l’arsenic. Ç’a pas changé, ça », dit-il, avec émotion, lors d’une entrevue avec Le Journal

Données alarmantes

Le film Noranda paru en 1984, travail des réalisateurs Daniel Corvec et Robert Monderie, et narré par Michel Garneau et écrit par Desjardins lui-même, porte un regard sur les conséquences de la pollution industrielle produite par l’usine, propriété de la famille Bronfman et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) à l’époque. 

Selon une étude relayée dans le film, les morts par maladies respiratoires à Rouyn étaient deux fois plus importantes chez les hommes et trois fois plus chez les femmes par rapport à la population québécoise. 

« On avait aussi suivi une étude du Mont Sinaï de New York sur la présence de métaux lourds. À l’intérieur de l’usine, le taux d’arsenic montait à mesure que tu t’approchais du réacteur. Ils avaient aussi examiné 500 travailleurs et ils avaient trouvé cinq cancers du poumon », rappelle Desjardins. 

Les données de mai démontrent que l’espérance de vie dans la région est plus basse à Rouyn-Noranda qu’ailleurs au Québec. Les bébés y naissent aussi plus petits que dans le reste du territoire québécois.

Plus de 20 ans après l’Erreur boréale   

Le chanteur Richard Desjardins prend rarement la parole, mais ses interventions sont toujours remarquées. Son documentaire L’Erreur boréale qui dénonçait le régime forestier au Québec avait créé une onde de choc. Cette fois-ci, l’enfant de Rouyn-Noranda dénonce la pollution créée par la fonderie Horne. Il a accordé une entrevue au Journal. 

En activité depuis 1927, la Fonderie Horne est située à Rouyn-Noranda, au Québec.

Photo Olivier Bourque

En activité depuis 1927, la Fonderie Horne est située à Rouyn-Noranda, au Québec.

UNE AIDE À GLENCORE POUR MOINS POLLUER ?

Lorsqu’on rappelle à Richard Desjardins que le gouvernement caquiste veut aider l’entreprise Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne, à moins polluer, le chanteur n’en revient tout simplement pas.

« Incroyable ! C’est incroyable, dit-il, en riant de dépit. J’ai essayé de calculer les profits de la compagnie Noranda depuis 1927, je n’y arrive pas... On parle de milliards de milliards... Et qu’est-ce qu’on a eu ici ? », se demande-t-il.

À la fermeture des marchés jeudi, l’entreprise valait plus de 58 milliards $, plus que la capitalisation boursière de Couche-Tard.

Malgré tout, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a ouvert la porte à une aide publique afin d’aider la Fonderie Horne à réduire ses émissions d’arsenic.

« J’ai eu des discussions très préliminaires avec l’entreprise pour voir ce qu’ils sont prêts à faire et en fonction de la somme d’argent qui est requise », a souligné le ministre au Journal cette semaine.

L’auteur-compositeur-interprète s’interroge aussi sur les effets durables de la présence d’une grosse fonderie à Rouyn.

« On n’a pas été aussi diversifiés que Sudbury (une autre ville minière) qui a maintenant 150 000 habitants. Ça fait longtemps qu’on devrait avoir atteint 150 000 habitants... Si on avait eu un peu de transformation », regrette-t-il. 

LÉVESQUE COMPRENAIT LES TRAVAILLEURS

René Lévesque

Photo d'archives

René Lévesque

Au fil de l’entrevue, Richard Desjardins évoque ses souvenirs d’un politicien fort populaire, venu à Rouyn-Noranda, pour rencontrer les travailleurs de l’usine. « Avec mon père, on était allé à un meeting de René Lévesque », relate-t-il.

« Je me rappelle une chose. René Lévesque avait dit : cette compagnie-là, cette gang-là, il les pointait du doigt, la Noranda, on l’appelait la Noranda à l’époque, eux autres, on va les civi-liser », relate Desjardins.

Il affirme qu’à ce moment, les travailleurs de l’usine avaient ressenti une grande émotion face au discours de Lévesque.

« Je me souviens très bien dans l’assistance qui était là, c’était dans le basement de l’Église Saint-Joseph, je regardais les hommes alentour de moi, ils avaient tous les yeux mouillés », dit-il.

« C’était la première fois qu’ils se faisaient parler de même, qu’ils entendaient une chose pareille, ce qu’ils avaient jusqu’au plus profond de leur cœur. Ce qu’ils ressentaient plus ou moins consciemment ». 

QUI EST GLENCORE ?

Glencore est une multinationale anglo-suisse présente notamment dans l’extraction des matières premières. Au Québec, l’entreprise possède la Fonderie Horne, l’unique fonderie de cuivre au Canada fondée en 1927, la mine Raglan au Nunavik et l’affinerie de cuivre CCR à Montréal-Est. L’entreprise vient tout juste de plaider coupable à des accusations de corruption portées contre elle en Afrique.

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