L’historienne, journaliste et écrivaine Micheline Lachance a succombé à un cancer dans la nuit de mercredi à jeudi. Elle avait 78 ans.
« Micheline fait partie de la famille de Québec Amérique depuis très longtemps, donc pour nous, c’est un choc, un grand choc, une grande perte. Personnellement, pour moi, c’était un modèle, Micheline, donc je suis un peu bouleversée », a déclaré la directrice générale de Québec Amérique, Caroline Fortin. « Micheline a été la précurseure du roman historique avec Le roman de Julie Papineau. »
Micheline Lachance a remporté de nombreux prix littéraires et journalistiques au cours de sa carrière. Journaliste à L’actualité, auteure d’un essai et d’une biographie du frère André, elle a été rédactrice en chef du magazine Châtelaine de 1989 à 1994.
Elle a ensuite quitté ses fonctions pour se consacrer à l’écriture du Roman de Julie Papineau, l’un des plus grands succès de la littérature québécoise, paru en 1995 et vendu à des centaines de milliers d’exemplaires. A suivi la parution de romans historiques où les femmes sont souvent tirées de l’ombre (Les filles tombées, Lady Cartier, La saga des Papineau, Rue des Remparts…). En 2021, elle a publié un dernier roman plus personnel, Ne réveillez pas le chagrin qui dort, dans lequel elle s’inspire de son métier de journaliste dans les années 1980.
Mélanie Thivierge, directrice principale au développement stratégique à La Presse, a connu Micheline Lachance au début de sa carrière, alors que celle-ci travaillait comme éditrice des magazines Clin d’œil, Femme Plus et Filles d’aujourd’hui. Elle se souvient d’une femme « très cultivée, généreuse, mais [également] très rigoureuse ». Elle se rappelle, des années plus tard, avoir vu sur son bureau l’esquisse du quartier où se déroulait son prochain roman, afin de pouvoir retracer fidèlement le parcours de ses personnages et l’ambiance des lieux dans ses descriptions. « L’historienne était toujours là, avant la journaliste et la romancière », a-t-elle souligné.
Sa grande amie Monique Roy, chroniqueuse littéraire à Châtelaine, a évoqué dans un hommage publié jeudi en ligne une femme « de convictions, de fidélités, de dignité », ainsi que d’une « grande élégance morale ». « D’autres diront la journaliste engagée dans sa société, l’historienne méticuleuse, l’écrivaine ardente. Moi, je ne veux ici que me souvenir de ma précieuse amie, lui dire merci d’avoir enrichi ma vie », a-t-elle écrit.
Historienne dans l’âme
Micheline Lachance a partagé sa vie avec Pierre Godin, biographe de René Lévesque et de Daniel Johnson père. Elle avait dit de son mari, dans une entrevue avec le site Pause Lecture, qu’il était son mentor et son lecteur « le plus impitoyable, le plus critique aussi ».
« Le soir, on soupait avec nos personnages. Papineau et Lévesque, je vous dis qu’ils s’entendaient bien, ces deux-là ! Et on peut tout se dire. Quand j’ai écrit mon premier tome sur Julie Papineau, c’était effrayant de voir ce qu’il m’écrivait dans la marge, des choses comme : “Là, elle a l’air d’une belle tarte.” J’ai tellement pleuré ! Et son deuxième tome sur René Lévesque, il était tellement long, ça n’avait pas d’allure : je pense que j’ai dû enlever 150 pages », avait-elle confié à la revue Les libraires en 2008.
Lors d’une entrevue avec L’actualité, pour la parution de Lady Cartier (en 2004), Micheline Lachance avait avoué vivre « avec la hantise d’un anachronisme », raison pour laquelle l’étape de la recherche était si importante dans ses écrits. Elle avait alors affirmé avoir « trouvé sa voie » dans le roman historique. « Moi qui aurais tant aimé vivre au XIXe siècle, j’éprouve un grand plaisir à raconter, à me mettre dans la peau de mes personnages », avait-elle dit.
C’est notamment après l’écriture du Roman de Julie Papineau et de Lady Cartier qu’elle a ressenti le besoin de se remettre en question, avait-elle confié à La Presse en 2008, ce qui l’avait poussée à retourner à l’université pour obtenir une maîtrise en histoire.
« Pour moi, le grand mérite des romans historiques est de donner aux gens le goût d’en savoir plus, d’allumer la flamme de l’histoire. Alors, il faut une recherche historique et archivistique solide. Si les fils pendent, les gens le ressentent », avait-elle déclaré à La Presse en 2017, lors de la publication de Rue des Remparts.
« Mettre les femmes à l’avant-plan de mes romans est un geste politique et féministe. Les femmes, dans notre histoire, ont été très influentes, mais ce fait est largement méconnu », avait également dit Micheline Lachance dans une entrevue à l’émission Les grands entretiens, en 2018.
La Société historique de Montréal lui a d’ailleurs remis une médaille en 2017 pour sa contribution à l’histoire.
La ministre de la Culture, Nathalie Roy, a écrit sur Twitter que « le Québec vient de perdre une grande dame de la culture ». « Je me souviendrai de la place qu’elle donnait aux femmes dans tout ce qu’elle faisait, notamment dans ses romans et à titre de rédactrice en chef de Châtelaine », a-t-elle publié.
L'auteure et historienne Micheline Lachance s'est éteinte - La Presse
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