Dans une France que l’on dit lasse et fracturée, Emmanuel Macron voulait un « grand moment de communion nationale ». L’entrée au Panthéon de Joséphine Baker, mardi 30 novembre, avec son cortège de solennité, devait offrir au chef de l’Etat l’opportunité de se présenter comme le rassembleur de ce pays meurtri par une crise sanitaire, économique mais aussi identitaire. En faisant entrer place des « grands hommes » le cénotaphe de la star du music-hall, femme, Noire, résistante, Française née Américaine, venait le temps de l’apaisement.
A cinq mois de l’élection présidentielle où, sauf coup de théâtre, le président de la République briguera un second mandat, l’artiste lui a donné l’occasion de vanter une France réconciliée autour de valeurs communes et consensuelles : l’humanisme d’une femme « noire défendant les Noirs, mais d’abord femme défendant le genre humain », a-t-il décrit, insistant sur « l’universalisme » et « l’égalité de tous avant l’Identité de chacun », que prônait Joséphine Baker.
L’affaire était entendue. Née dans la misère au sein d’une Amérique raciste, battue, mariée à 13 ans avant de devenir une star internationale et une héroïne de la résistance, Joséphine Baker, gaulliste de la première heure, incarnait la force de ceux qui refusent de capituler et choisissent de devenir maîtres de leur destin, malgré tout. « Plus politiquement correct, tu meurs », ironisait, en 2013, dans une tribune au Monde, l’écrivain Régis Debray, plaidant pour la panthéonisation de la star.
« Ma France, c’est Joséphine »
Peu importe que le président de la République n’ait pu réunir autour de lui ses prédécesseurs de gauche, François Hollande, et de droite, Nicolas Sarkozy, qui se sont tous deux fait excuser, Emmanuel Macron a, au travers de cet hommage, pu exalter ce qu’il présente comme les fondements de sa pensée : le dépassement, l’audace et la résistance. Et personne, pas même Eric Zemmour, désormais candidat au scrutin de 2022 et chantre du déclinisme, n’a osé contester ce choix. Interrogé au journal télévisé de TF1, quelques heures après la cérémonie, l’essayiste nationaliste l’a reconnu : « Joséphine Baker, c’est la France », quand le chef de l’Etat disait : « Ma France, c’est Joséphine ».
Pourtant, jamais le pays n’a semblé plus déchiré que ce mardi 30 novembre. La date du 84e anniversaire de la naturalisation de Joséphine Baker – prononcée lors de son mariage avec Jean Lion – était aussi celle de la déclaration de candidature à la présidentielle d’Eric Zemmour. Et si l’ancien chroniqueur de CNews et du Figaro, qui a fait sienne la thèse xénophobe du « grand remplacement » a adoubé l’entrée au Panthéon de la « Vénus d’ébène », c’est qu’il a vu en elle, plus qu’une combattante des libertés, un modèle d’intégration. « Vous savez, Joséphine Baker avait un prénom français. Surtout, c’est l’exemple même de la réussite du modèle d’assimilation à l’ancienne que je veux restaurer et que nos élites, et en particulier Emmanuel Macron, détestent et rejettent », a-t-il signifié lors de son entretien sur TF1.
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Joséphine Baker au Panthéon ou le rêve d'une France réconciliée pour Emmanuel Macron - Le Monde
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