Après 21 ans comme président et chef de la direction du Cirque du Soleil, Daniel Lamarre passera dès mercredi le flambeau à celui qui a été son bras droit pendant la pandémie, Stéphane Lefebvre. Mais le flamboyant président ne quitte pas les bureaux de l’entreprise pour autant, puisqu’il y restera à titre de vice-président exécutif du conseil d’administration.
« Plus tard, si on me le demande, je dirai que l’accomplissement dont je suis le plus fier, c’est d’avoir assuré la relève », dit Daniel Lamarre, qui a travaillé aux côtés de Guy Laliberté pendant plus de 15 ans.
Homme de vision, il a piloté au cours de deux décennies les nombreux projets d’expansion du Cirque, souvent avec succès, parfois moins. S’il a consolidé la présence du Cirque à Las Vegas et réussi à créer un spectacle permanent en Chine, ses tentatives d’implanter le fleuron québécois à New York sont par exemple restées infructueuses.
Alors que l’entreprise établie à Montréal vient de traverser la pire crise de son histoire – 44 spectacles annulés et 95 % du personnel mis à pied en mars 2020 –, Daniel Lamarre a senti le besoin de lui assurer une transition douce et harmonieuse. L’annonce a été faite officiellement mardi après-midi, mais nous avons pu le rencontrer dans les bureaux du siège social du Cirque du Soleil lundi.
« Vous parlez à un gars très heureux aujourd’hui », nous a dit l’homme de 68 ans, qui a activement préparé le terrain pour son successeur.
Je passe le flambeau parce que je pense au long terme. Il y a juste une façon d’apprendre la job de CEO, c’est de l’être. Pour assurer l’avenir du Cirque pour au minimum les 10 prochaines années, ça prenait quelqu’un pour prendre la pôle. Et je l’avais sous la main.
Daniel Lamarre
Embauché par le Cirque du Soleil en 2016 comme chef de la direction financière, après avoir occupé ce poste chez CAE où il a travaillé pendant 20 ans, Stéphane Lefebvre a travaillé étroitement avec Daniel Lamarre pour naviguer dans les eaux houleuses de la pandémie.
« On est allés à la guerre ensemble, illustre Daniel Lamarre. On a vécu les tranchées pendant des mois. »
Il y a un an, le patron a recommandé que Stéphane Lefebvre soit nommé chef de l’exploitation, ce qui envoyait « un message clair » au conseil d’administration quant à la « transition de leadership » à laquelle il réfléchissait déjà.
« Et il s’est vraiment démarqué. Alors à la dernière réunion du C. A., j’ai recommandé qu’il devienne le président et chef de la direction du Cirque du Soleil, recommandation qui a été acceptée. On a aussi convenu, à leur demande, que je resterais comme vice-président exécutif du conseil. Ce qui signifie que je demeure à temps plein pour le Cirque, et que mon rôle va servir à faciliter la transition. »
Le meilleur des deux mondes
L’entreprise se retrouve ainsi avec « le meilleur des deux mondes », estime Daniel Lamarre, « parce qu’ils vont avoir un nouveau président et chef de la direction énergique pour plusieurs années à venir, et en même temps je serai là pour l’appuyer ».
Daniel Lamarre mettra encore à profit son carnet de contacts bien garni partout dans le monde, et son sens de la créativité toujours aiguisé. Bref, on est loin d’une retraite.
« Je demeure là, dans le bureau voisin, et je serai toujours disponible pour Stéphane. »
« Daniel, il n’arrêtera jamais de bouger », laisse tomber Stéphane Lefebvre. « Le processus est clair, comme CEO, tu deviens responsable de la business, ajoute-t-il. Mais ça va être facile de traverser dans son bureau, comme je l’ai fait 1000 fois dans la dernière année, pour lui demander conseil. Je suis super content, je me sens choyé, c’est un honneur et un privilège de devenir le président d’une compagnie comme le cirque. Et une chance incroyable d’avoir Daniel Lamarre qui reste pour m’aider. »
« Nous avons la chance d’avoir mis en place un plan de transition harmonieux qui assure le succès à long terme de l’entreprise, », a déclaré dans un communiqué Gabriel de Alba, directeur général et associé de The Catalyst Capital Group inc. et coprésident avec Jim Murren du conseil d’administration du Groupe Cirque du Soleil.
« Stéphane Lefebvre, qui travaille au Cirque du Soleil depuis 2016, a fait preuve de solides connaissances et d’un grand leadership tout au long du processus de transition et de l’acquisition par notre groupe d’actionnaires. Il assume maintenant la direction de l’entreprise, avec le soutien de Daniel Lamarre, et a l’entière confiance du conseil dans sa capacité à diriger l’organisation. […] Nous sommes heureux que cette nouvelle ère de croissance soit dirigée par une personne déjà bien positionnée au sein de l’organisation, qui croit en l’extraordinaire vision artistique du Cirque du Soleil, et qui saura nourrir cette vision et la porter vers de nouveaux sommets. »
La suite
Une transition sans animosité « comme souvent ça arrive » dans ce genre de situation, menée par « deux gars qui ont une belle complémentarité » : Daniel Lamarre ne peut demander mieux. Et elle assure même, selon lui, le maintien du siège social à Montréal.
« Non seulement il est maintenu, mais réaffirmé par cette nomination, précise-t-il. C’est important de lancer le bon signal. Moi, je n’ai jamais eu de doutes là-dessus, et je trouve le fun d’envoyer un autre message de stabilité. »
Mais c’est maintenant le temps de « passer à la prochaine étape », dit Daniel Lamarre. Alors que la machine du Cirque est repartie et qu’environ 2000 employés ont recommencé à travailler, 2022 sera consacrée à la « suite de la relance ».
« Il y a encore beaucoup de spectacles à relancer et c’est notre priorité numéro un, dit Stéphane Lefebvre. Ça, c’est à très court terme. Mais nous voulons aussi réaffirmer le leadership créatif du Cirque du Soleil, qui est son essence, et il faut déjà commencer à préparer des créations pour 2023, 2024. »
Par exemple, on présentera l’été prochain sous le chapiteau du Vieux-Port le spectacle Kooza, qui avait été créé en 2007, puis on « reprendra la cadence des nouveaux spectacles à Montréal à partir de 2023 ».
Ce qui est clair pour Daniel Lamarre, c’est qu’après avoir été « fragilisé par la pire crise de son histoire », le Cirque du Soleil en est maintenant sorti.
« On n’est plus fragiles, et aujourd’hui on a l’appui de nos actionnaires, et les ressources financières. On a une belle solidité qui nous permet de voir l’avenir de façon optimiste. »
C’est quand même une page d’histoire qui se tourne, mais pour lui, par question de regarder en arrière.
« Je ne suis pas un nostalgique, je regarde plus vers l’avenir, et quand je dis ça, je regarde mon collègue. J’ai eu la chance de le trouver, de le choisir, de l’appuyer dans cette nouvelle page d’histoire, et en plus l’entreprise veut que je continue à contribuer. C’est formidable. »
Cinq réussites
Nous avons demandé à Daniel Lamarre de nommer et commenter cinq réalisations dont il est particulièrement fier. Voici ce qu’il nous a répondu.
Création de Varekai
« C’était le premier nouveau spectacle depuis mon arrivée. J’avais la chance d’observer aux premières loges le processus de création et d’apprendre du maître Guy Laliberté. C’était également le premier grand succès du Cirque du Soleil après le départ de Franco Dragone. Mise en scène de Dominique Champagne. »
Négociation avec les Beatles
« Ce long processus avec Guy et mon collègue Robert Blain m’a appris à ne jamais lâcher pour atteindre les plus grands. Une belle réussite ! »
La création de KÀ sous la direction de Robert Lepage
« Un théâtre et une production qui dépassent l’imaginaire. Plein d’obstacles à franchir pour atteindre de nouveaux sommets. »
Ma rencontre avec James Cameron
« Avoir la chance de travailler avec James Cameron, l’un des plus grands artistes de la planète, pour la production du spectacle Toruk inspiré par le film Avatar. »
L’ouverture du nouveau spectacle Drawn to Life
« Notre toute dernière production, Drawn to Life, à Disney Springs à Orlando, symbolise pour moi le retour sur scène retentissant du Cirque du Soleil. Quelle œuvre exceptionnelle réalisée par Michel Laprise ! »
Cirque du Soleil | Daniel Lamarre passe le flambeau - La Presse
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