Ce qui n’était rien de moins qu’un instant de grâce s’est produit vers 19 h, dimanche, lors de la troisième journée des retrouvailles d’Osheaga, quand Leah Fay, moitié féminine du duo de July Talk, s’est juchée sur la clôture qui la séparait de la foule.
Histoire de ne pas perdre l’équilibre, la chanteuse a dû donner sa main à un spectateur au pied de la scène de la montagne, au parc Jean-Drapeau.
Sur les écrans géants, les caméras montraient un gros plan des deux mains, solidement arrimées, qui ne voulaient pas se lâcher. Partout sur le site, les milliers de festivaliers ne voyaient que ça : la main d’une artiste dans celle d’un spectateur. Pas pour une seconde ou deux, mais pendant plus d’une minute…
C’est à ce moment que je me suis dit : OK, ça y est. Nous y sommes. Enfin!
. Aucune image vue en fin de semaine ne pouvait rivaliser avec celle-là. Rien ne pouvait être plus puissant, ni le mieux symboliser ces retrouvailles musicales et humaines.
Deux mains – de personnes inconnues doublement vaccinées – qui se touchent. C’était tout simple, et pourtant, il y avait quelque chose de grandiose dans ce moment.
Durant la demi-heure qui a suivi, Fay, son partenaire Peter Dreimanis et leurs collègues ont livré tout ce que le groupe de rock alternatif canadien avait de mieux à offrir : Beck + Call et Governess Shadow étaient fébriles au possible.
Je vous regarde au parterre et je me dis que je ne tiendrai plus rien pour acquis. On a tellement rêvé ce moment
, a lancé Dreimanis, aussi heureux qu’ému.
Quand Fay, qui sautillait dans tous les sens, a hurlé en succession les cheer up!
d’une Johnny + Mary proprement déjantée, quelque chose a explosé devant la scène. Quelque chose comme un abandon total et collectif. Lorsque le duo a bouclé sa prestation avec l’intense et décapante Push + Pull, tout le monde avait oublié la pandémie. Ou presque...
Même si, sans l’ombre d’un doute, la prestation de Charlotte Cardin a été le haut fait d’armes du week-end, cette dernière journée aura probablement été la plus satisfaisante.
Peut-être parce que ce fut celle où il y a eu le plus de monde plus tôt dans l’après-midi. Peut-être était-ce parce ce fut le retour en force des guitares après des soirées plus axées sur le R&B et le hip-hop. Je l’ignore et j’assume mon parti-pris. Mais plus encore que vendredi, on a ressenti dimanche tout ce que l’on doit ressentir dans ce genre de journée : plaisir, bonheur et complicité.
La numérologie des Shirley
Et cela a commencé dès la première prestation. Un concert à trois heures de l’après-midi un 3 octobre pour un trio de filles dont la bassiste Sarah Dion célébrait son 30e anniversaire… Pour un peu, on parlerait de numérologie, mais dans le cas du groupe Les Shirley, il s’agissait surtout d’une solide claque de rock de garage.
Dion, la guitariste et chanteuse Raphaëlle Chouinard et Lisandre Bourdages à la batterie ont assené une dose vitaminée de rock salvateur avec leurs Stuck in the Middle, Easy Target et autres Fuck It I’m In Love avec une fougue bienvenue.
Et il y avait aussi la Shirley automatisée, celle que l’on entendait entre les chansons nous apprendre qu’il y avait des t-shirts à vendre quelque part. Il faut être de son temps, même si on n’a pu s’empêcher de penser à The Runaways, à The Donnas, bref, à tous les groupes de rock féminin qui les ont précédées. Mais Les Shirley appartiennent au présent. Et on leur souhaite un bel avenir.
Les années 1990 d’Axlaustade
Images de Nintendo, du Stade olympique de Montréal, du Sony Discman et même de Pete (Francis Reddy), de Chambres en ville : Dumas, Francis Mineau (ex-Malajube) et Jonathan Dauphinais avaient pris soin de ramener sur écran l’esprit des années 1990 afin de présenter les instrumentales de leur album Axlaustade, dont le titre évoque l’émeute survenue au stade olympique avec Guns N’ Roses et Metallica en 1992.
Pendant 45 minutes, le trio – parfois accompagné de jeunes danseurs – a enchaîné les compositions et varié les ambiances. Années 1990? Disons que Axl au Stade, l’instrumentale, me semblait avoir autant d’affinités avec Helter Skelter qu'avec certaines chansons des années 1990.
Mais au-delà des réelles influences, durant de longs moments, rien n’était plus précieux que de voyager au gré des rythmes de la batterie de Mineau ou des guitares de Dumas et de Dauphinais. Par moments, je me disais que l’intention derrière ce projet collectif était similaire à celle des disques lancés par Dumas à la fin des années 2000 (Nord, Rouge, Demain, Au bout du monde) qui avaient servi de base de travail pour Traces.
La créativité, la découverte et l’expérimentation sont au rendez-vous au sein de cette aventure musicale qui ne s’adresse pas à tout le monde, mais qui n’est pas hermétique pour autant.
Cela noté, on se dit que les compositions pourraient être peaufinées. Vu qu’il s’agissait du premier concert du trio ensemble, on peut s’attendre à voir – et à entendre – l’évolution dans les prochains mois.
The Damn Truth
Avec certains groupes, on sait exactement à quoi s’attendre. Pour certains, cela pose problème. Où est la surprise?
, disent-ils Pour d’autres, c’est vu comme un gage de qualité. On sait à l’avance que ça va être bon.
Je soulève la nuance, car durant la prestation de Lee-la Baum et de ses collègues du groupe The Damn Truth, un ami croisé sur le site est venu me dire que leur musique était bonne, mais qu’il s’agissait de musique à numéros.
J’ai rétorqué que son commentaire tenait surtout du fait qu’il connaissait beaucoup trop leurs influences : Led Zeppelin, Hendrix, Janis Joplin et compagnie.
La p… de vérité – pour paraphraser l’appellation du groupe –, c’est que cette formation a développé sa propre personnalité en dépit d’influences archiconnues, que Lee-la Baum est une force vocale de la nature comme on en croise peu et que ça prend un groupe pour faire connaître ce glorieux passé aux jeunes générations, et ce, avec des compositions qui n’appartiennent qu’à eux. Bref, The Damn Truth a été égal à lui-même.
J’ai dû faire une croix sur Allan Rayman (rédaction oblige) avant de revenir pour une partie de la prestation de Geoffroy qui a été fort séduisante. Bonne voix, richesse instrumentale, apport percussif soutenu – on aurait parfois cru être à un concert de Imagine Dragons –, Geoffroy Sauvé et ses collègues ont navigué sans effort et avec une belle complicité.
Décontracté, le jeune homme… Arrivé avec son verre d’alcool dès le départ, il s’est allumé un gros joint sur scène durant Woke Up Late et il a terminé en beauté avec 21 Days.
Il ne restait à Half Moon Run qu’à conclure ce festival réduit qui aura néanmoins attiré 17 700 spectateurs en trois jours, avec deux soirées de 7000 festivaliers vendredi et dimanche, soit presque le maximum permis (8000) par la santé publique.
Half Moon Run en configuration trio, faut-il ajouter, en raison du départ d’Issac Symonds. N’empêche, nous étions en terrain connu, surtout quand tu amorces ton concert avec Judgement, qui remonte au premier disque (Dark Eyes), de 2012.
Forcément, Half Moon Run a perdu un petit peu de volume et d’enveloppe sonore avec un musicien de moins, mais rien pour dénaturer le groupe. Le chanteur Devon Portielje a eu un sourire accroché au visage en permanence et la complicité avec Connor Molander et Dylan Phillips était intacte.
Un quatuor à cordes est venu se joindre au trio pour I Can’t Figure Out What’s Goin On. C’était exquis. Ce mélange de pop, de rock et de folk sophistiqué fait mouche autant pour Razorblade et Narrow Margins que pour le succès Call Me in the Afternoon.
À défaut de faire sensation, Half Moon Run a offert exactement ce que les amateurs étaient venus chercher : une dernière dose de réconfort en ce week-end d’automne.
Chronique | Osheaga, jour 3 : Les guitares, July Talk et l'instant de grâce - ICI.Radio-Canada.ca
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