Sire Gauvain, aspirant chevalier rongé par le doute, relève le défi lancé par un énigmatique colosse vert venu interrompre un rassemblement de la Table ronde. Qu’un brave vienne porter un coup à l’être surnaturel ; il lui rendra la pareille un an plus tard. Mais ce qui est censé n’être qu’« un simple jeu » se révélera un périple balisé d’épreuves et de pièges tendus au jeune Gauvain, dans une quête où il fera surtout face à lui-même.
Pure coïncidence, deux productions mettant en scène la légende arthurienne partent à la conquête de nos écrans à quelques semaines d’intervalle. Même thème, mais traitements antithétiques : pendant que les spectateurs de Kaamelott se bidonnent en regardant les pitreries de la bande du roi Arthur, dans la salle voisine, ceux goûtant The Green Knight (Le chevalier vert) se retrouvent plongés dans une aventure contemplative et philosophique basée sur le célèbre poème narrant la quête de Sire Gauvain.
Déjà portée à l’écran en 1984 avec le navrant Sword of the Valiant, cette légende méritait amplement une mise à jour cinématographique, bien plus digne que la coiffure ridicule arborée par Miles O’Keefe à l’époque (il ressemblait davantage à He-Man qu’à un chevalier de la Table ronde). Surtout, de larges libertés avaient été prises par rapport au texte original pour mieux servir la formule « film d’action ». Et c’est là un des grands atouts de The Green Knight : le respect de l’œuvre littéraire, autant qu’une adaptation à l’écran puisse le permettre, tout en esquivant la tentation de concocter un film de cape et d’épée où duels d’escrime et cascades s’enchaînent.
Car la légende arthurienne, plus chargée qu’une charrette en symbolisme, ne peut être réduite à des faits d’armes ; porté par ce souffle, David Lowery (The Old Man and the Gun, A Ghost Story) livre ainsi un long métrage à l’ambiance de conte introspectif, mystérieusement grave, où le cœur du combat se déroule davantage sur le terrain psychologique. Une approche suggérée à merveille par l’envoûtante photographie, à grand renfort d’atmosphères brumeuses, sombres, indéchiffrables et oniriques, récoltées directement en terres irlandaises, en parfait écho avec les tourments d’un Gauvain plein de vulnérabilité.
On salue bien bas l’excellent – et moderne – choix de Dav Patel (Slumdog Millionaire, Lion) pour incarner ce chevalier torturé, traduisant avec brio ses états d’âme au fil des 125 minutes pendant lesquelles il reste le point de mire quasi exclusif de la caméra.
Le réalisateur Stephen Weeks, bien qu’ayant fait de Sean Connery son chevalier vert dans Sword of the Valiant, avait passablement trahi l’esprit de la légende arthurienne. Un tort que The Green Knight vient réparer, restituant avec force et justesse l’âme philosophique et symbolique du poème original. L’honneur est sauf.
En salle
Drame fantastique
The Green Knight
David Lowery
Avec Dev Patel, Alicia Vikander, Joel Edgerton
2 h 05
The Green Knight | Au-delà des lames, l'âme de la légende - La Presse
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