Quand j’ai vu le documentaire La parfaite victime (d’Émilie Perreault et Monic Néron), j’ai exprimé aux deux réalisatrices mon grand malaise : j’avais très peur que ce documentaire, très sombre, décourage les victimes de porter plainte.
Manifestement, je ne suis pas la seule à penser ça.
UN DOCUMENTAIRE SUBJECTIF
Me Rachel Pitre est procureure en chef adjointe au DPCP, à la tête d’une équipe de 13 procureurs qui ne s’occupent que de dossiers de violence sexuelle. Elle a vu le film lundi soir.
« En dépeignant sans nuance le système de justice, en ne pointant que les échecs, on décourage les victimes. Si on déserte le système, on n’aura jamais de condamnation et les agresseurs seront impunis », m’a-t-elle dit.
Elle ajoute : « Les victimes peuvent sentir qu’elles doivent être parfaites, mais c’est faux de dire que les policiers et les procureurs exigent qu’elles donnent un témoignage “parfait”. S’il y a une quête de perfection chez les procureurs, c’est celle de l’accompagnement des victimes pour faciliter leur passage dans le système ».
- Écoutez le commentaire de Sophie Durocher au micro de Danny St Pierre sur QUB radio:
Me Pitre a été stupéfaite par une statistique véhiculée dans le film selon laquelle seules 2 causes sur 10 présentées au DPCP mèneraient à des accusations.
Elle a fait une compilation manuelle des dossiers de violence sexuelle pour l’année 2020 et affirme au contraire que le DPCP a autorisé 7 causes sur 10 !
« Je m’interroge sur la rigueur du processus journalistique [du film], car véhiculer ce chiffre de 2 sur 10, c’est faux. »
Me Pitre (qui n’a jamais été contactée par les réalisatrices) a un malaise avec l’affiche du film montrant un avocat qui « muselle » une victime. « Ça ne reflète pas la réalité du terrain. On n’est pas dans la nuance. »
Elle déplore que le documentaire laisse entendre que la notion de « doute raisonnable » est floue. « C’est la norme nécessaire pour s’assurer qu’on ne condamne pas un innocent », précise-t-elle.
UN AUTRE SON DE CLOCHE
Me Michel Lebrun est président de l’Association québécoise des Avocats et Avocates de la Défense (AQAAD).
Il s’indigne qu’on ait interviewé Claude F. Archambault, présenté comme « ex-criminaliste ».
« Il s’agit d’un avocat radié de la profession depuis plus de 10 ans, après des années de procédures entreprises par le Barreau du Québec. C’est comme si dans un documentaire sur le journalisme, vous interviewiez François Bugingo comme expert. »
Au sujet de la bande-annonce, il ne comprend pas que les deux réalisatrices/journalistes aient laissé passer une affirmation de Me Patrick Davis qui dit n’avoir jamais perdu une cause d’agression sexuelle, laissant l’impression qu’il est facile pour un agresseur de s’en tirer s’il engage un avocat-vedette. Or, une recherche sommaire sur internet permet de découvrir que l’affirmation de Me Davis est fausse...
Les deux journalistes n’ont pas vérifié la véracité de cette déclaration ?
UN FILM BIAISÉ ?
Pourquoi le film ne parle pas plus des cas qui se soldent par des condamnations ?
Pourquoi ne pas informer le public que le sadique sexuel François Dulude (dont la victime témoigne dans le film) a reçu l’étiquette de délinquant sexuel dangereux, le régime le plus draconien prévu par le Code criminel ?
Me Pitre se demande si la conclusion du film n’était pas tirée d’avance.
Je me pose la même question.
La parfaite victime? Vraiment? - Le Journal de Montréal
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