Dimanche après-midi de décembre. Après de multiples appels sans réponse aux propriétaires, on ose franchir les portes du 6956, rue Saint-Denis. À l’étage, pas de doute : nous sommes dans une ancienne salle de cinéma. Or, entre la scène et les rangées de sièges, des acrobates s’élancent sur des trapèzes. C’est normal puisque nous sommes dans les locaux de l’école Château de cirque, autrefois appelée Trapézium.
Au rez-de-chaussée, c’est la grande rencontre dominicale de la communauté du Centre chrétien métropolitain, mais on ne pourra pas aller plus loin que le hall d’entrée.
L’ancien cinéma Le Château est l’un des « palaces de quartier » les mieux préservés à Montréal. En se baladant rue Saint-Denis ou rue Bélanger, tout près du marché Jean-Talon, on peut toujours admirer la façade de l’immeuble classé patrimonial.
Ce ne sont toutefois pas des films qui sont à l’affiche sur la marquise. On peut y lire : « Jésus a dit venez à moi vous tous qui êtes fatigué et vous trouverez le repos ».
Plusieurs anciens cinémas ont été reconvertis en lieux de culte un peu partout au Québec, souligne Pierre Pageau, auteur du livre Les salles de cinéma au Québec : 1896-2008. Plus au nord, au 8610, rue Saint-Denis, juste au sud de l’autoroute Métropolitaine, ce fut aussi le cas de l’ancien cinéma Crémazie.
Des cinémas « scopes » aux palaces
Autour des années 1915, les cinémas de type « scope » de quelque 200 places commencent à céder la place à des établissements plus luxueux et plus vastes : les « palaces ».
Le Château a ouvert en 1932. Il s’agissait d’un cinéma de type « palace de quartier ». Il était pratiquement voisin d’un autre cinéma, Le Rivoli, qui comptait quelque 1500 places (aujourd’hui occupé par une succursale de Pharmaprix). « Le phénomène des cinémas jumeaux, que j’appelle bessons, était très fréquent à l’époque », souligne Pierre Pageau. Au coin de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent, on retrouvait par exemple pratiquement « collés » les cinémas Crystal et Midway.
Dans Rosemont–La Petite-Patrie, on retrouve aussi pas très loin du Château et du Rivoli, dans la rue Saint-Hubert, un autre cinéma, le théâtre Plaza, ouvert en 1922. Le cinéma Beaubien ouvrira ses portes plus tard, en 1937.
La Confederation Amusements Limited était propriétaire du Château et aussi du Théâtre Outremont. Les deux salles de style Art déco sont l’œuvre de l’architecte René Charbonneau et du grand décorateur Emmanuel Briffa. Ce dernier a posé sa marque sur plus de 150 cinémas en Amérique du Nord, dont l’Empress, le Rivoli, le Rialto et le Théâtre Snowdon.
En 1937, on compte 59 salles de cinéma à Montréal. Après les palaces – qui, eux, seront divisés – seront construites des salles plus modestes comme le Cinéma de Paris. L’arrivée de la télévision va changer les habitudes des gens, si bien que des cinémas nicheront leur programmation avec des films de répertoire ou… érotiques !
Le Château fait partie des nombreux cinémas qui ont présenté des films osés dans les années 1970, souligne Pierre Pageau. Il a fermé en 1982 pour rouvrir sous le nom d’Espace 9.
On y présentera notamment des films de Disney et La guerre des tuques, mais les projections ont cessé en 1985, et l’édifice a été acquis en 1989 par le Centre chrétien métropolitain.
Quant au Rivoli, il a fermé ses portes en 1982.
Dans les années 1980, plus de salles ferment qu’elles n’ouvrent. « En 1983 arrive Super Écran. Pour une première fois, on peut se brancher sur un poste de télévision qui ne présente que des films. »
Aujourd’hui, Pierre Pageau souligne qu’on assiste à une renaissance « de petites salles de films québécois et de répertoire ». Il cite les cinémas Moderne et Public, et Station Vu, dont il assure la programmation.
Qui sait, peut-être que reviendra l’époque où les « cinémas étaient au centre de tout ».
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