Cunk on Earth, Netflix
Difficile de résister à l’irrévérence de cette jouissive série documentaire parodique. L’actrice Diane Morgan est fantastique dans la peau de la journaliste arriviste Philomena Cunk. Naïve et mal informée, celle-ci reçoit un aréopage d’experts — de vrais de vrais, ceux-là ! — pour nous raconter le monde à la manière d’un docu de la BBC. Le choc entre ses raccourcis et a priori et leur science pétillante d’intelligence et d’à-propos produit des flammèches puissantes, drolatiques et irrésistibles.
La candidate, Tou.tv
L’aiguillon de cette réjouissante série est l’élection surprise de Ruth Ellen Brosseau, mais la suite appartient tout entière à la piquante Alix Mongeau. L’actrice Catherine Chabot est géniale en mère célibataire appelée à embrasser un métier, celui de député, pour lequel elle n’a pas du tout été préparée. L’apprentissage de cette candidate poteau dégourdie épate en faisant appel au coeur autant qu’à la tête. C’est drôle, touchant, vrai, à l’image de tout ce que touche l’autrice Isabelle Langlois.
L’air d’aller, Télé-Québec
On pourrait résumer ce bijou (Prix des étudiants de la meilleure série courte à Canneseries) par les tribulations de quatre jeunes adultes à bout de souffle : le quatuor partageant non seulement une amitié, mais une même condition, la fibrose kystique. Cela ne dirait toutefois rien de la profonde originalité de cette série née du regard oblique de l’auteur Jean-Christophe Réhel, auquel la réalisatrice Sarah Pellerin répond avec un délicieux décalage plein de finesse et de poésie crue.
Succession 4, HBO
Dieu qu’on a pris plaisir à suivre la cour en déroute du magnat médiatique Logan Roy ! Un plaisir malin, sinon coupable. C’est qu’elle remue jusqu’aux tréfonds, cette série irrésistible qui raconte les sombres disputes que se livre la descendance malheureuse de ce patriarche inflexible pour le contrôle du puissant conglomérat familial. Infusée de tragédie shakespearienne, cette ultime saison réussit le prodige de tout remonter d’un cran. La finale est à l’avenant : brutale, terrible, parfaite.
The Last of Us, HBO
La transposition du populaire jeu vidéo postapocalyptique a donné lieu à un véritable phénomène télévisuel. À raison. Derrière l’implacable avancée du cordyceps, ce champignon qui transforme les gens en zombies, il y a des humains, trop humains, auxquels on a dessiné des arcs narratifs bouleversants, à commencer par le duo improbable formé par les acteurs Pedro Pascal et Bella Ramsey. Mention spéciale à l’épisode « Long, Long Time », vrai monument d’humanité, qui résonne comme une ode à l’amour.
Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits), Crave
La comédie de Jean-François Rivard et Mathieu Cyr, inspirée de l’existence mouvementée de son interprète principal, l’épatant Nicolas Pinson, aborde un thème rarement exploré à notre petit écran, et qui pourtant nous touche presque tous d’une façon ou d’une autre : les dépendances. Et elle le fait de façon déstabilisante et originale, autant dans sa forme, avec son noir et blanc somptueux, que dans la manière de faire évoluer ses héros maganés et imparfaits, qui déçoivent, émeuvent et font rire et réfléchir.
Avant le crash, saison 2, Radio-Canada et Tou.tv
La première saison de ce « thriller existentiel » suivant des amis et collègues, requins de la finance, dont les quêtes professionnelles et personnelles révélaient les angles les moins reluisants mais aussi les plus vulnérables, nous a laissés dans l’expectative d’une suite qui appelle une certaine rédemption. Or la suite n’élude pas complètement ce thème, mais déjoue heureusement nos attentes en nous entraînant encore plus loin dans les couloirs sombres des pouvoirs économique et politique et les dilemmes moraux de ses personnages.
Désobéir : le choix de Chantale Daigle, Crave et Noovo
On a souligné avec raison la pertinence de la minisérie, au moment où le droit à l’avortement est en péril chez nos voisins du Sud. Au-delà de la reconstitution fort réussie de l’époque et de la bataille juridique, il faut saluer la façon dont la production illustre les raisons profondes qui ont motivé le choix de Mme Daigle d’interrompre sa grossesse, raisons qui avaient été alors un peu occultées. Les performances habitées et convaincantes d’Éléonore Loiselle et d’Antoine Pilon jouent pour beaucoup dans la réussite de cette mise en contexte, et de la série tout court.
Beef, Netflix
Un banal épisode de rage au volant, suivi d’une spectaculaire poursuite dans les rues des banlieues de LA, constitue la prémisse de cette formidable comédie noire portant le sceau distinctif de la boîte de production A24. Mais cette chronique de l’escalade de bravades entre un entrepreneur paumé d’origine coréenne et une prospère femme d’affaires d’origine sino-vietnamienne (Steven Yeun et Ali Wong, parfaits) dépasse largement le simple exercice de style pour dresser un fascinant portrait de la société américaine en crise.
Après le déluge, Noovo
Les apparences sont parfois trompeuses, et la série de Mara Joly n’échappe pas à l’adage. Après le déluge est en effet une série captivante sur la société québécoise plutôt que sur la diversité — oui, les équipes devant et derrière la caméra sont en majorité non blanches, et alors ? Quant à la brutalité, elle est moins mise en scène dans les arts martiaux mixtes que pratiquent les personnages que dans un système jalonné de discriminations. Saluons au passage la révélation de diamants bruts, comme l’actrice principale Penande Estime et Erika Suarez.
Pourquoi tu restes, Télé-Québec
La violence psychologique au sein d’un couple est une violence conjugale comme une autre. Cette série documentaire animée par Schelby Jean-Baptiste décortique ainsi de façon simple et efficace les signes annonciateurs de comportements problématiques qui mènent à des relations toxiques. Parce que ça n’arrive pas qu’aux autres, Pourquoi tu restes souhaite sensibiliser à un problème complexe, et il le fait avec une grande clarté grâce à des témoignages de personnalités, d’anonymes et d’experts.
The Bear, saison 2, Disney+
Un pur plaisir ! Le retour de The Bear sur nos écrans aura marqué les esprits par son audace savamment dosée et ses touchants coups d’éclat. On se délecte notamment de voir Cousin enfin trouver sa place et s’épanouir, Carmy se montrer vulnérable, mais impitoyable, Tina et Marcus suivre leur passion et, bien sûr, d’assister à l’éclosion de la grande cheffe Sydney. Mention spéciale pour l’épisode clé du repas de Noël chez les Berzatto et la délicieuse participation de fantastiques comédiens invités.
Dead Ringers, Prime Video
Au revoir le male gaze, bonjour l’empouvoirement. Alice Birch met le Dead Ringers de Cronenberg au goût du jour dans une minisérie explosive. Ici, les jumeaux gynécologues Elliot et Beverly Mantle — merveilleuse Rachel Weisz qui succède à Jeremy Irons — sont des jumelles, et plutôt que de donner à voir des « monstruosités » féminines, la cinéaste opte pour des thèmes aussi actuels que le consentement, les femmes porteuses, etc., dans un esthétisme radical, mais sans effacer le côté tordu du film original.
Pamela, A Love Story, Netflix
2023 aura été l’année de Pamela Anderson, et le passionnant documentaire qui lui est consacré n’y est pas étranger. Si, en lisant des extraits de ses journaux, elle revient sur son histoire d’amour avec Tommy Lee, sur la maternité et sur la célébrité, la Canadienne partage surtout avec nous son propre récit de l’affaire de la sextape avec son ex-mari, dans laquelle elle s’est vue privée de tout droit sur son corps et sur son intimité par une industrie médiatique perverse dans une époque misogyne.
The Diplomat, Netflix
L’affiche était alléchante : un thriller porté par une intrigue géopolitique fictive complexe faisant écho à un conflit armé bien réel (en Ukraine), créé par une « showrunneuse » qui a fait ses classes sur la série The West Wing. Cette chronique d’une crise internationale, dont l’issue semble dépendre d’une diplomate d’expérience (Keri Russell, excellente), s’avère un plaisir pas du tout coupable, malgré quelques invraisemblances et raccourcis. Les derniers épisodes et les promesses de la suite à venir rachètent l’ensemble.
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