Benjamin Lavernhe incarne avec justesse l’abbé Pierre devant la caméra de Frédéric Tellier, dans un film biographique sur ce prêtre humaniste, engagé et tourmenté. Un homme qui a consacré sa vie aux sans-abri et aux miséreux. Et l’une des personnalités préférées des Français dans les années 1950 et 1960.
L’abbé Pierre disait qu’on donne du sens à sa vie en réalisant le bonheur des autres. « La vie, c’est un peu de temps donné à ses libertés, pour apprendre à aimer et à partager avec autrui. »
Né Henri Grouès à Lyon en 1912, dans une famille riche et bourgeoise, l’abbé Pierre va faire le vœu de pauvreté et entrer chez les capucins à 19 ans, avant d’en sortir pour aider à mettre un baume sur la misère humaine. En 1949, il fonde le Mouvement Emmaüs, toujours actif dans 350 communautés et 41 pays dans le monde.
À la fois prêtre et tribun, homme de foi et de cœur, l’abbé Pierre est une figure de solidarité, connue et aimée en France et ailleurs. Un personnage que Benjamin Lavernhe ne pensait pas incarner un jour au grand écran.
J’ai été très surpris lorsque [le réalisateur] Frédéric Tellier m’a contacté. C’était un projet casse-cou. Je joue l’abbé de 25 à 94 ans, pour montrer les étapes fondatrices de sa vie romanesque. Il ne fallait pas que ce soit grotesque ni qu’on abîme le message de l’abbé Pierre.
Benjamin Lavernhe, acteur
« Il y avait une responsabilité vis-à-vis de ses héritiers, sa fondation et le mouvement Emmaüs. Or, le scénario, qui expose ses doutes et ses zones d’ombre, m’a beaucoup rassuré. »
Vieillir à l’écran
Le tournage du film a duré 12 semaines en deux parties (à l’hiver et à l’été 2022), entrecoupées par deux engagements au théâtre pour l’acteur de la Comédie-Française. Un tournage long et épuisant, avec des séances de maquillage qui pouvaient durer six heures, alors que le comédien prêtait son visage aux mains des concepteurs des ateliers d’effets spéciaux, avant d’aller sur le plateau.
Par-delà le jeu, la composition ou la vraisemblance vocal et physique, ce qu’il a retenu en travaillant ce rôle, c’est la grande ambivalence de l’abbé Pierre.
Il n’est jamais dans la certitude. Il est à la fois tourmenté, sensible et dévoré par ses ambitions. Il a aidé et logé les pauvres et les sans-abri. Son legs est immense, mais à la fin de sa vie, il juge qu’il n’en a pas fait assez pour changer le monde.
Benjamin Lavernhe, acteur, à propos de l’abbé Pierre
De l’Assemblée nationale aux bidonvilles
Capucin, résistant, sous-officier, député à l’Assemblée nationale, cofondateur d’Emmaüs avec Lucie Coutaz (jouée par Emmanuelle Bercot), sa grande complice dans ses combats, l’abbé Pierre a été tout ça. Avant de se faire connaître à travers l’Europe lorsqu’il lance son appel à la solidarité à la radio, en 1954, durant l’hiver le plus froid enregistré en France. La puissance de son discours en fait instantanément une vedette : « Il avait un talent d’orateur et de tribun. La foule recevait ses paroles comme un électrochoc. Au plus fort de sa popularité, il était comme une rock star qui attirait les foules, dont plusieurs femmes, sous son charme. »
« Lorsqu’on nous a proposé d’aller à Cannes, on s’est posé la question si, éthiquement, un film sur l’abbé Pierre a sa place au Festival de Cannes, un endroit de luxe et de glamour. Mais on s’est dit que l’abbé Pierre se serait précipité là-bas pour faire passer son message. Parce que c’est un des évènements médiatiques les plus couverts sur la planète. »
Avec environ 800 000 entrées en cinq semaines en France, L’abbé Pierre – Une vie de combats est un beau succès pour le comédien. Il espère que le film aura autant de succès de ce côté-ci de l’Atlantique. Benjamin Lavernhe était déjà venu à Montréal, à l’été 2017, pour jouer au TNM dans la pièce de Victor Hugo Lucrèce Borgia, avec les membres de la Comédie-Française. Il aurait aimé accompagner le film à l’ouverture du Festival de Rouyn-Noranda, en octobre, mais il était en pleine promotion en France.
À ses yeux, il est important de réhabiliter la figure de l’abbé Pierre aujourd’hui, afin de le faire connaître aux jeunes. « On a besoin de lumière et d’espoir dans un monde où l’on se sent impuissant. Dans une société inégale où la jeunesse est désenchantée, un peu perdue, la question de l’engagement prend tout son sens. Face à toutes les urgences actuelles, on ne peut pas rester à ne rien faire, en se disant c’est chacun pour soi. Si le cinéma peut aider à réveiller les consciences et encourager les gens à s’impliquer, à agir, tant mieux ! »
En salle le 22 décembre
Benjamin Lavernhe | Le prêtre superstar | La Presse - La Presse
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