Ajouter des personnages jeunes
Pourrait-on garnir les séries dites « pour adultes », celles diffusées en soirée, à heure de grande écoute, de quelques protagonistes âgés de 12 à 17 ans ? L’ancien vice-président aux contenus originaux de Québecor, Denis Dubois, croit qu’il s’agit d’une option intéressante. En guise d’exemples de fictions grand public populaires auprès des jeunes, l’homme de télévision mentionne Les bracelets rouges, cette adaptation d’un format espagnol qui dépeint le quotidien d’un groupe d’adolescents hospitalisés. Il signale également Fugueuse, cette série de Michelle Allen qui caracolait au sommet des cotes d’écoute en 2018, en brossant le portrait d’une jeune fille victime d’exploitation sexuelle.
On doit faire des séries qui intègrent les jeunes. On doit leur donner la même place qu’aux adultes.
Denis Dubois, spécialiste en développement, production et diffusion télévisuelle
« S’ils voient une émission avec des gens de leur âge, ils ont plus de chances de s’y intéresser », signale Christiane Asselin, première directrice, contenu et programmation, webtélé, ICI Tou.TV et Jeunesse.
Adapter le langage
Pour éviter tout risque de décalage et s’assurer d’offrir des séries qui dépeignent la réalité des adolescents et surtout, qui emploient leur langage, les diffuseurs doivent les consulter. « Il faut leur parler, souligne Christiane Asselin, Directrice principale, ICI Tou.TV et Jeunesse à Radio-Canada. Il faut prendre des classes complètes, des enfants de différents milieux… Pas seulement “l’enfant d’untel”. Il faut leur poser des questions, leur demander ce qu’ils veulent voir… »
De son côté, la comédienne Sarah-Jeanne Labrosse, qui apparaissait au générique du Chalet, une série populaire auprès des jeunes sur VRAK de 2015 à 2019, suggère aux auteurs de fictions pour adolescents de faire confiance aux acteurs qui voudraient « se mettre le texte en bouche ».
« Il va y avoir des anglicismes et quelques expressions un peu nichées. Les réseaux vont devoir accepter ça. Mais au moins, les jeunes vont pouvoir se reconnaître et s’entendre. »
Faire preuve d’audace
La télévision pour ados doit sortir des sentiers battus, estime Nathalie Chamberland, directrice des émissions jeunesse de Radio-Canada. « Il faut oser les sujets, il faut montrer les choses. »
Mais jusqu’où doit-on pousser l’audace ? Loin, estime Karine Vanasse, qu’une bonne partie du public jeunesse a découverte en 1998 comme coanimatrice des Débrouillards, un magazine scientifique présenté à Radio-Canada. L’actrice mentionne Euphoria, cette série américaine du réseau HBO qui s’adresse aux adolescents et terrifie leurs parents en abordant de manière frontale une panoplie de thématiques : sexe, drogue, alcool et violence.
C’est naïf de penser qu’après Euphoria, les jeunes vont vouloir regarder une série québécoise plus bonbon. Il faut être conscient du genre de public qu’ils sont rendus maintenant. Les séries internationales vont loin. On ne peut pas leur donner n’importe quoi.
Karine Vanasse, actrice
Doit-on accoter le niveau d’« audace » d’Euphoria pour capter l’attention des jeunes Québécois ? Non, croit Nathalie Chamberland. « Premier trio n’est pas une série choquante, mais elle aborde plein de sujets qui touchent les gens. Et c’est un gros succès sur ICI Tou.TV », répond-elle.
Engager des vedettes des réseaux sociaux
Vous cherchez de jeunes comédiens pour combler la distribution d’une série ? Prenez en considération des acteurs populaires auprès des adolescents qui comptent de nombreux abonnés sur Instagram, Facebook, TikTok et compagnie. Ce n’est pas pour rien que STAT, qui met en vedette Ludivine Reding et Lou-Pascal Tremblay, récolte autant de succès auprès des jeunes. Et adoptez la même stratégie pour dénicher des animateurs. « Les adolescents ont leur star-système, note Nadine Dufour, vice-présidente des contenus à Télé-Québec. Les réseaux sociaux nous donnent des indicateurs de popularité. Pourquoi est-ce qu’on s’empêcherait d’en tenir compte ? Ce n’est pas en allant chercher des gens entre 30 et 50 ans qu’on risque d’aller chercher le jeune public. »
Investir plus d’argent
Plus facile à dire qu’à faire, étant donné les moyens financiers somme toute limités des diffuseurs québécois. Mais n’empêche. Les adolescents veulent du choix. « Ça nous prend une masse critique de contenus, indique Nadine Dufour, de Télé-Québec. Parce qu’on se bat dans une mer de productions étrangères. Les Netflix, Disney+ et YouTube sortent des émissions en quantités incroyables. Pour s’illustrer, on doit faire plus. Pour convaincre les 13-17 ans d’aller sur Télé-Québec, on doit avoir plus qu’une émission qui s’adresse à eux. On doit avoir deux, trois, quatre, cinq séries… Et avoir une récurrence, pour leur donner une raison de fréquenter Télé-Québec chaque semaine. »
La question pécuniaire est également primordiale pour Karine Vanasse. « Il faut qu’on mette l’argent, souligne l’actrice. On ne peut pas leur présenter quelque chose qui n’est pas peaufiné. Parce qu’ils ont accès à plein de séries internationales. »
À l'écran | La Presse - La Presse
Read More
No comments:
Post a Comment