« Ça me touche beaucoup de voir autant de gens. Je craignais que ce soit trop tôt, mais nous avons l’habitude de nous coucher tard ! », jubilait Rita Baga alors que des gens faisaient la file pour lui parler.
Un défilé de quelque 75 artistes drags un samedi matin à 10 h 30 au Palais des congrès ? Avec un heureux mélange de familles, de groupes d’amis et de fervents admirateurs au look flamboyant ?
Si c’était impossible d’être là de mauvaise humeur, reste que c’était un évènement impensable il y a 35 ans, quand Michel Dorion s’est inscrit à un concours de ce qu’on appelait à l’époque des travestis ou, au mieux, des personnificateurs. « Les choses évoluent », lance celui qui a fondé la première agence québécoise spécialisée dans les artistes drags.
Ce week-end, Michel Dorion et Rita Baga sont fiers de présenter au Palais des congrès les Rendez-vous de la drag, le tout premier évènement d’envergure consacré à la culture drag dans la francophonie.
On attendait 1500 personnes samedi et encore davantage dimanche.
« Merci pour votre soutien constant à notre communauté », a dit Rita Baga à la foule après le défilé d’ouverture où des stars locales et internationales comme Miss Butterfly, Lolita Banana, Icesis Couture et Drag Couenne ont foulé un long tapis rose.
Échanger avec le public en toute convivialité
Rita Baga et Michel Dorion rêvaient depuis plusieurs années que Montréal présente un « DragCon » comme à Los Angeles et Londres. « Pour y avoir participé, ce que j’aime est la rencontre avec le public, explique Rita Baga. Les drags travaillent dans des lieux limités à un public et c’est souvent le soir. Ici, c’est accessible à tout le monde, et les gens peuvent découvrir toute la variété de drags. Il y a des drag kings, des drag créatures, des gender benders… »
Un tel évènement aurait été illégal dans l’État du Tennessee si la fameuse loi visant à interdire les spectacles de drags en dehors des cabarets pour adultes n’avait pas été bloquée par un juge. Pour Rita Baga, cette « loi transphobe déguisée » est bien entendu troublante. Or, si la culture drag fait à ce point jaser et a des détracteurs, c’est un signe qu’elle devient de plus en plus populaire et accessible, notamment grâce à l’émission de télé RuPaul’s Drag Race et à toutes celles qui ont suivi.
Autre exemple plus près de nous, au Québec : le jour où des personnes ont manifesté sur la Rive-Sud devant la bibliothèque où la drag queen Barbada devait faire l’heure du conte à des enfants, Mona de Grenoble a remporté la troisième saison de la téléréalité Big Brother Célébrités.
Rita Baga rappelle aussi que Gisèle Lullaby est la première drag queen québécoise à avoir remporté l’émission Canada’s Drag Race l’an dernier.
« Les drags n’ont jamais vendu autant de billets de spectacles. Je suis rendue à 50 000 », fait valoir celle à qui on a confié l’émission La drag en moi. Michel Dorion est quant à lui au cœur du docuréalité L’Agence, présentée sur Moi et Cie, où on présente l’envers du décor de son agence Midor. En d’autres mots, les drags font désormais partie de la culture grand public.
Un véritable star-système
À voir la file qui s’est formée devant le stand de Ra’Jah O’Hara, un véritable star-système s’est aussi créé. « Je shake », a lancé Mylène Guindon. « C’est impressionnant de la voir en vrai », a renchéri son amie Joannie Daviau.
En décembre dernier, Ra’Jah O’Hara a été couronnée à Montréal grande gagnante de Canada’s Drag Race – Canada vs the World, devant Rita Baga parmi les finalistes. Depuis, un lien fort s’est créé entre l’Américaine et la Québécoise. « Quand Rita m’appelle pour un évènement, je dis toujours oui ! »
En plus du grand spectacle qui a été présenté samedi soir, un Gala des drags aura lieu dimanche soir. Les Véronique Cloutier, Varda Étienne, Caroline Néron, Joe Bocan, Mathieu Dufour et Richardson Zéphir seront de la festive remise de prix. « Je me suis fait aller le carnet d’adresses et ils ont tous dit oui. C’est fantastique. Ils font tous ça bénévolement », souligne Rita Baga.
En journée, les ateliers et les conférences au programme pendant les Rendez-vous de la drag se poursuivent. Si on y dévoile des secrets de coiffure et maquillage, on y fait tout autant la promotion de la tolérance et de l’égalité des droits.
Comme le dit si bien Rita Baga, les voix des artistes drags sont « plurielles ». « Mais notre message demeure le même, souligne Ra’Jah O’Hara. Un message d’amour et d’acceptation. »
La vie, la ville | Assemblée drag au Palais des congrès - La Presse
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