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Wednesday, September 13, 2023

«Messe glagolitique»: cette étrange Messe qui ouvre la saison de l'OSM - Le Devoir

Pour l’ouverture de saison de l’Orchestre symphonique de Montréal, cette semaine et à partir de mardi soir, Rafael Payare associe au Sacre du printemps de Stravinsky une oeuvre singulière et fascinante : la Messe glagolitique de Janáček.

« C’est davantage une orgie qu’une messe ! » s’exclamait Milan Kundera. La Messe glagolitique, plus qu’une oeuvre tchèque, émane de Moravie, partie orientale de la République tchèque.

Le lieu de naissance de Leoš Janáček (1854-1928), le village de Hukvaldy, est distant de 275 kilomètres de celui de Mahler, Kaliste, au centre du pays. Entre les deux, la capitale de la Moravie : Brno, ville de naissance de Milan Kundera.

Comme Béla Bartók, compositeur et ethnomusicologue, Leoš Janáček a brossé des tableaux sonores de sa région natale, regroupant, en 1898, des chansons pour « faire revivre le rayonnement » de ce coin de pays, « des montagnes vers la vallée ».

Janáček, l’homme, nous parle de sa terre. L’aspect tellurique, la rugosité, les couleurs et le tranchant des accents de sa musique sont une part primordiale de son art et influencent son interprétation.

Vieil alphabet

 

La Messe glagolitique est ainsi nommée, car elle est écrite en vieux slave, ou slavon, langue liturgique de l’Église orthodoxe. Un dérivé du vieux slave, appelé le slavon d’église, en vigueur en Russie, en Ukraine et en Biélorussie, étant aussi parfois utilisé par les Églises catholiques orientales situées dans les pays slaves, notamment en Croatie et chez les Ruthènes catholiques, l’un des peuples qui formèrent la Tchécoslovaquie.

Le slavon d’église était écrit en alphabet glagolitique (« glagol » voulant dire « mot », « parole »). Cet alphabet, qui précède le cyrillique, fut inventé par les moines byzantins Cyrille et Méthode au IXe siècle. Cyrille et Méthode sont, selon l’Église orthodoxe et l’Église catholique tchèque et slovaque, les deux saints égaux aux apôtres.

Janáček, qui n’aimait pas les églises (« C’est la mort concentrée : des cryptes sous le dallage, des ossements sous les autels, partout des images de torture et de mort. Rien à faire avec cela », disait-il), avait précédemment, en 1908, abandonné l’idée d’une messe en latin. L’idée d’une messe a donc ressurgi en 1921, lorsque lui fut remis le texte en slavon. C’est en 1926 que Janáček s’attela à la tâche.

Fidélité à la Nation

Comme le compositeur trouvait non seulement les églises, mais aussi les messes, trop tristes, il tenait à dépeindre un peuple qui s’adresse à Dieu dans la joie. Sur ce se greffe une autre vocation : lumineuse et festive, la Messe glagolitique est aussi le cri d’un peuple réuni dans une nouvelle république, la Tchécoslovaquie, constituée en 1918. Janáček destinait sa Messe au 10e anniversaire de celle-ci.

Ce « portait de la fidélité à la Nation sur une base non pas religieuse, mais morale, qui prend Dieu à témoin » (dixit le compositeur) a été présenté pour la première fois à Brno le 5 décembre 1927 et repris à Prague en avril 1928, quatre mois avant la mort du compositeur.

Il n’y a donc aucun hasard au recours à l’alphabet de Cyrille et Méthode : c’est le patriote qui parle, ici, comme le peuple parle dans sa langue avec sa fierté, sa force et une croyance reliée à sa terre. Car il faut distinguer Église et croyance, une croyance panthéiste, qui repose sur le miracle de la nature, preuve d’une puissance divine. La Messe glagolitique, reconnaissance des hommes pour le miracle de la vie et acte de foi envers la nation tchèque, se déploie donc logiquement dans une salle de concert, pas dans une église.

Le résultat musical, qui réserve une part spectaculaire à l’orgue, est incomparable, unique, comme est unique le Psalmus Hungaricus de Kodály ou, en plus mystique, le Requiem allemand de Brahms. La Messe s’ouvre même par une introduction orchestrale qui est un véritable « appel au peuple ».

On notera au passage qu’alors que Janáček n’est que 13 ans plus jeune que Dvořák, il apparaît très clairement comme un musicien du XXe siècle.

On espère que Rafael Payare s’en tiendra à la partition ultime de cette oeuvre créée en 1927 et éditée après sa mort, et non à l’une des diverses révisions récentes embrouillant les perspectives en prétendant restaurer de supposées intentions initiales du compositeur, mais destinées avant tout à prolonger des droits de reproduction qui tombaient dans le domaine public.

À écouter

Messe glagolitique

Concert d’ouverture de la saison de l’OSM et Le sacre du printemps. Avec Camilla Tilling, Rose Naggar-Tremblay, Ladislav Elgr, Matthew Rose et Jean-Willy Kunz. Direction : Rafael Payare. Maison symphonique, mardi, mercredi et jeudi, 19 h 30.

À voir en vidéo

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