La première des trois journées du festival Osheaga s’est conclue par l’invitation à danser faite par l’orchestre australien Rüfüs Du Sol, et la foule y a répondu en grouillant à la belle étoile sur les rythmes dance-pop préfabriqués – n’est pas Underworld qui veut… – du populaire trio. Doux départ pour cette seizième édition de l’événement insulaire dont l’intensité, si on se fie sur l’affiche, ira en crescendo. Samedi, on attendra la jeune sensation Billie Eilish en tête d’affiche, puis le plus doué des rappeurs américains de sa génération, Kendrick Lamar, le lendemain.
C’est bien gentil, Rüfüs Du Sol, ça se danse tout seul, boum boum boum avec les arpèges de synthés eurodance / trance si prévisibles, Tyrone Lindqvist portant joliment les mélodies des chansons du groupe. Ça s’écoute la brise soufflant au visage de cette journée miraculeusement belle – dire qu’en début de semaine, on annonçait encore un week-end complet d’averses. Osheaga a gagné le gros lot météo : ni orage, ni canicule ne sont au programme, la sécurité omniprésente sur le site peut souffler.
Gentil, Rüfüs Du Sol n’aura cependant pas déclassé ni Charlotte Cardin, venue en renfort de la star française Aya Nakamura, portée malade, ni des Américains de The Flaming Lips, le clou de notre journée. Sur la grande scène de la Rivière, au moment où le soleil se couchait derrière le centre-ville, les vétérans du rock cosmique ont resservi quasi intégralement, et les chansons dans le bon ordre, l’album qui les a rendus célèbre, Yoshimi Battles the Pink Robots, paru il y a vingt ans.
Un pur bonheur, pile poile au moment de la journée où le ciel s’accordait à la musique en se drapant de lumières psychédéliques. Cet album n’a pas pris une ride, c’est ainsi que l’on reconnaît les classiques. Au lever du rideau, Wayne Coyne est dans son ballon chantant Flight Test, puis sert Yoshimi Battles the Pink Robots pt.1 et pt.2, pendant qu’on gonfle derrière lui quatre gros robots roses, les méchants de ce space électro-rock opéra aussi tendre qu’échevelé.
En plus de Coyne et des robots, cinq musiciens, dont deux batteurs pour maximiser le groove, et le toujours efficace Steven Drozd, aux claviers et aux guitares qui sonnent souvent comme des claviers. Tout ce beau monde, aidé de confettis, de baudruches géantes et d’une boule miroir, nous a servi un moment délicieux assorti de refrains qu’on chante en choeur, celui d’Ego Tripping at the Gates of Hell, évidemment celui de Do You Realize ??, son texte d’une telle candeur qu’il provoque encore des frissons, deux décennies plus tard.
Pas une mince affaire pour Charlotte Cardin d’enchaîner ça sur la scène jumelle, elle qui, 48 heures plus tôt, recevait un coup de fil d’evenko pour prendre la relève d’Aya Nakamura. C’était sa troisième participation à Osheaga, sa plus prestigieuse surtout, et elle a livré la marchandise avec une assurance, une aisance sur scène, une autorité qu’elle n’avait pas autrefois et que l’expérience lui a donnée. Cardin a été bien davantage qu’une roue de secours en haut de l’affiche du festival : les fans ont non seulement adoré, mais ils ont eu la primeur de quelques chansons de son prochain album (99 Nights) à paraître le 25 août, à commencer par le slow jam, plus rock que dansant, intitulé Puppy.
À l’usage des festivaliers
À l’autre bout du site se trouvent les scènes Verte et de la Vallée où nous avons attrapé un bout du concert de l’excellent auteur rock Alex G (God Save the Animals, son neuvième album paru l’automne dernier, est un petit bijou). Les habitués d’Osheaga ne seront pas dépaysés, comme sur le site des grandes scènes principales, à la nuance près que vendredi, le sol était constitué d’une boue gazonneuse, ou d’un gazon boueux. C’était en tout cas couleur vert-de-gris salissant les souliers blancs, soyez avertis.
« Dude, why is the turf so wet ? », nous a demandé le joyeux ontarien éméché, à qui nous avons dû expliquer que les pluies abondantes des derniers jours ont gorgé le sol qui n’a pas eu le temps de sécher. Une poignée de mains plus tard, il fonçait dans le mosh pit causé par le rap expérimental de JPEGMAFIA, l’homme-orchestre qui lance ses séquences rythmiques d’un ordinateur portable pour ensuite aller s’époumoner en longeant la scène. Tout seul comme un grand, la voix menaçante, l’attitude punk sur des musiques électroniques complexes, il a donné tout un spectacle, dédiant même une chanson (Bald) à tous les chauves comme lui dans la foule, ce qui nous a vraiment émus.
Or, si les deux principaux sites d’Osheaga n’ont pas changé, il en va autrement de l’aire qui les sépare, et surtout des chemins à emprunter pour voyager de l’un à l’autre. L’administration du parc Jean-Drapeau a entamé des travaux qui privent d’accès l’essentiel de la zone sylvestre, où se trouvait notamment la chouette scène des Arbres. En échange, une seconde passerelle a été aménagée, si bien que deux routes distinguent nous permettent de traverser ; privilégiez le chemin qui longe le fleuve et passe à côté de la scène de l’Île (musique électronique, la même que l’an dernier). Il est plus long, mais moins congestionné. Prévoyez également ajouter au moins cinq minutes de marche au parcours, qui vous fera passer par la nouvelle zone Halte rassemblant tous les commerces, bars et stands des commanditaires qui logeaient autrefois dans le boisé.
La scène des Arbres étant disparue, on l’a remplacée par la scène Sessions Sirius XM. Encore faut-il la trouver ; elle est cachée près de celle de l’Île, mais avant les passerelles. Nous y avons vu Easy Tiger, qui a offert une charmante et rigoureuse performance, en plus de présenter une ou deux chansons nouvelles, à paraître sur son prochain album. Les artistes moins connus y sont programmés, ceux-ci doivent jouer sur une scène nettement plus petite que les installations de la scène des Arbres, mais l’endroit étant un peu à l’écart, on s’y sent comme dans un havre de paix, pendant que les dizaines de milliers de festivaliers occupent le reste du site.
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Osheaga, jour 1: Les Flaming Lips envoûtent, Charlotte Cardin joue les héroïnes - Le Devoir
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