Création du Festival d’opéra de Québec, Messe solennelle pour une pleine lune d’été de Christian Thomas, d’après Michel Tremblay, a enthousiasmé le public présent au Palais Montcalm malgré un sujet très difficile, asséné avec force et impact.
Il s’agissait, lundi, de la seconde représentation de Messe solennelle pour une pleine lune d’été et l’accueil de la production mise en scène avec une grande efficacité par Alain Zouvi ne trompait pas. Nous étions à plusieurs encablures au-dessus de la création mondaine mi-figue mi-raisin de la saison dernière sur Marguerite Yourcenar.
La raison était simple : des personnages qui, tous, existaient venaient de déverser leur mal-être pendant 90 minutes en un concentré de misère humaine. Ça secoue de recevoir autant de purin existentiel dans la face en si peu de temps, mais cela amène aussi à réfléchir, ce qui est précieux.
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La phrase clé du livret se trouve dans la partie finale, Ite missa est (La messe est dite) : « J’ai transvidé le trop-plein de mon âme dans l’immensité du ciel. » Une chaude soirée de pleine lune d’été. Six balcons. Six histoires. Le jeune couple qui folâtre. Le couple gai, dont l’un a trompé l’autre et a attrapé le sida. Une veuve qui pleure son mari en se rappelant ses nuits torrides où elle le mordait au sang. Un homme manchot accidenté du travail il y a 15 ans qui a réduit sa fille en esclavage et l’agresse sexuellement. Un couple de lesbiennes dont l’une use de violence envers l’autre, notamment quand elle a bu. Une mère célibataire dont le fils, qui a quitté sa famille pour aller vivre avec un homme, vient de se faire larguer. On vous avait dit que c’était dense et intense. Il y a 27 ans, tout ce monde disait ses malheurs. Maintenant, il les chante.
Le sel et le génie de Tremblay sont l’idée de la messe, c’est-à-dire de communion. La grand-messe (les épisodes sont structurés selon des titres, tels que Dies irae ou Libera me) est un partage, chacun, sur son balcon, dans la chaleur et sous la pleine lune, entendant le malheur des autres. Cette lumière projetée sur la souffrance permettra d’une certaine manière de mieux vivre avec la noirceur de l’existence.
Remarquable équipe
Le travail de Christian Thomas a été de porter le message autrement, de le renforcer par le chant. La musique n’est pas intrusive ; elle assure une pulsation permanente. On a beaucoup de grands monologues où les états d’âme explosent. Le ton en est naturel. L’orchestre est placé à l’arrière. Jamais il n’apparaît moteur de quoi que ce soit : il soutient discrètement. Des percussions placées en hauteur servent de temps en temps, et l’orgue ponctue la sortie de la messe. Le chef a un rôle d’arbitre qui veille à tout cadrer.
Si Messe solennelle pour une pleine lune d’été a touché autant de gens, c’est aussi parce que les personnages sont majoritairement incarnés par des chanteurs possédés par leurs rôles. Figures tutélaires, Lyne Fortin en veuve et Alain Coulombe en manchot ont une emprise immédiate. Chantal Parent, Jessica Latouche, Ariane Girard et Priscilla-Ann Tremblay font aussi preuve d’une superbe solidité vocale. Ce qui va de soi pour le jeune couple formé par Magali Simard-Galdès et Jean-Michel Richer.
Seul Dominic Lorange, bon acteur, a une technique vocale, disons, un peu « différente », Dominique Côté (en malade du sida) et Patrice Côté (en jeune homme abandonné et perdu) tiennent impeccablement leurs rôles. Ces solistes savent aussi se fondre dans de nombreux ensembles à géométrie variable conçus par le compositeur pour donner du relief et de l’étoffe au projet musical.
Il reste une représentation, mercredi, pour découvrir cette version musicale de Messe solennelle pour une pleine lune d’été servie par un dispositif scénique de Jean Bard d’une précieuse ingéniosité et justesse.
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