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Thursday, August 24, 2023

Charlotte Cardin, 99 nuits et 12 chansons pour ne pas suffoquer - Le Devoir

99 Nights. C’est la chanson-titre du nouvel album, qui paraît vendredi. On pourrait dire : 99 nuits plus tard. Une marque de durée. C’est le temps qu’il a fallu à Charlotte Cardin. Pas tant pour enregistrer ce deuxième album que pour traverser une période particulièrement intense, confuse, paradoxale, voire étouffante.

Le temps nécessaire d’une quête identitaire. Qui suis-je ? Que suis-je devenue ? Qui est cette Charlotte Cardin mégavedette planétaire dont Spotify étale l’image à grandeur de Times Square ? Qu’est-il arrivé à la grande jeune fille qui s’est rendue en finale de La voix il y a dix ans ? Dix ans ! Vertige. Une altitude à en perdre le souffle. Comment ne pas suffoquer au sommet ?

« Sick of your suffocation / You pushed me over the edge / I’m holding on to the ledge », chante-t-elle d’entrée de jeu. Dès Puppy, elle veut être (ou redevenir) ce petit être qui, la tête par la fenêtre, reçoit en plein le bon air. L’air libre ! « Because tonight’s my last night gasping for air. » Une fois à Next to You, la douzième et dernière chanson de l’album, collaboration Charlotte Cardin-Patrick Watson, il est encore question de se remplir les poumons, pour continuer : « Now I have to leave, just so I can breathe […] I’m just looking for a better me. »

Dans les bureaux de Cult Nation, dans le Mile End, les mots de Charlotte résonnent dans l’écho naturel du vaste lieu, dans sa tête et dans les chansons. « Ce sont 99 nuits métaphoriques, qui correspondent à un été où je vivais plein de choses, à un niveau personnel et à un niveau professionnel. Une période où j’ai cherché à comprendre ce qui m’arrivait. Ce n’est pas un hasard si la première et la dernière chanson de l’album expriment le besoin de grandes respirations. Tout l’album est mû par le désir de se libérer. De la perception qu’on a de soi-même, des ambitions démesurées, de ses propres contradictions, de tout ce qui nous empêche de nous remplir les poumons. »

La chanteuse est nombreuse

 

Le constat est là, à travers l’album et à travers la vie : ce n’est pas simple de se trouver un chemin vers une vérité profonde quand on est… multiple. Dans Looping, elle évoque les « Voices / Voices / Voices / In my head ». Dans Confetti, sur un ton léger, ça ne manque pas de gravité. Presque en deux colonnes, elle affronte les Charlotte, affirme une chose et son contraire : « Always been loud in a quiet way / I always feel alone in a crowded place / I always wanna stay, wanna go […] I know everyone, I got no friends. » L’écart entre le feu roulant d’un vedettariat stratosphérique et une normalité plus terre à terre ne va pas diminuant, et gérer la confusion finit par ressembler à une gestion du risque… de folie.

Beau symbole, en cela, que cette chanson au titre parlant d’emblée très fort de ce qui se passe dans un cerveau qui tilte : Jim Carrey. « It’s like my dreams are turning on me / I’m my worst ennemy / This may be the end of me / I got so many personalities / Jim Carrey, will you marry me ? » On se demande toujours si, en privé, ce faciès élastique est aussi mobile : comment survit-on à la surchauffe quand on est un Jim Carrey ? Ou une Charlotte Cardin ?

Femme sur la Lune

 

L’intéressée commente volontiers le sujet, elle l’a manifestement beaucoup creusé : « Jim Carrey a donné beaucoup de conférences et d’entrevues dans lesquelles il parle de la place de l’ego et de comment notre ego nous retient et nous empêche de prendre les opportunités de grandir qui passent. Ce qu’il dit sur la déconnexion entre la vraie personne et la personne qu’on veut être dans les yeux des autres, c’est très éloquent. À un niveau de célébrité extrême, où l’on nous demande notre opinion sur tout, où les gens nous suivent, la question se pose forcément : en quoi suis-je capable de mieux répondre que n’importe qui d’autre ? »

La conversation bifurque du côté d’Andy Kaufman, le comédien qui s’est perdu dans ses incarnations jusqu’à en mourir. Il a été le sujet de la chanson Man on the Moon de R.E.M., puis le personnage que joue Jim Carrey dans le film du même titre. Tout ça se tient, les fous se reconnaissent. « C’est incroyable, hein ! Tout est lié. Ce qui devient dangereux, ce sont les attentes que l’on crée : il faut demeurer conscient de ce qu’on veut et de ce que ça implique. » Charlotte, femme sur la Lune.

Décollage imminent

 

Alors qu’elle s’apprête à repartir pour une autre tournée mondiale, Charlotte Cardin est moins fébrile que prudente. « Je sais à partir de quel moment la fatigue va arriver. J’ai appris à me préserver. » Elle a appris à chanter de manière « moins polie, moins lisse », s’est permis beaucoup de « premières prises où parfois [sa] voix brise », et c’est ce parti pris de liberté dans le format très contraignant de la pop moderne qui la rassure pour la suite. « Quand j’ai fait Next to You avec Patrick Watson, j’ai vraiment eu la sensation que j’avais laissé mon ego à l’entrée et que je m’abandonnais à un monde de possibilités. Que j’étais bien, que j’étais dans un lieu aux fenêtres très ouvertes, avec un très sain courant d’air. » Vivement la suite ? « J’y suis déjà. »

99 Nights

Charlotte Cardin, Cult Nation. Disponible dès le 25 août. En spectacle les 30 et 31 août à l’amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières et en tournée mondiale jusqu’en 2024.

À voir en vidéo

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