Des vidéos de 15 secondes qui promettent un enrichissement facile. Immobilier, crypto, Bourse : tout y est. « J’ai 22 ans et je suis millionnaire. T’es pas encore riche ? Arrête de niaiser ! Suis-moi sur TikTok ! »
Pendant que les plus de 40 ans sont occupés à cliquer sur des liens louches qui promettent un iPad gratuit en échange d’informations bancaires (j’attends le mien d’un jour à l’autre), les jeunes de la génération Z sont bombardés par ces vidéos qui fouettent la peur de rater une occasion de gagner de l’argent rapidement.
« Mes fils de 16 ans ne sont pas capables de m’écouter 15 minutes ou de mettre une assiette dans le lave-vaisselle, mais ils peuvent passer deux heures sur TikTok à écouter des influenceurs », ironisait Antoine Bédard, directeur principal de l’assistance aux clientèles de l’Autorité des marchés financiers (AMF), récemment, dans le cadre de la 10e Journée éducation financière organisée par l’AMF à l’Université McGill.
Formés à coup de vidéos virales, de plus en plus de jeunes sont convaincus par exemple qu’il est impossible de perdre de l’argent avec les cryptomonnaies.
« Chez les influenceurs, on a du très bon, du moyen et du très ordinaire », a résumé M. Bédard, qui présentait le groupe d’experts sur la question des influenceurs financiers, ou « finfluencers » en anglais.
L’objectif des influenceurs financiers est de créer une familiarité avec leur auditoire, a noté Sandrine Prom Tep, professeure au département de marketing de l’ESG UQAM.
« L’influenceur financier se présente comme quelqu’un qui veut nous aider. Il joue là-dessus. Le message, c’est : “Je suis comme vous, vous êtes comme moi. Je suis capable de faire un million, et vous aussi” », a-t-elle dit, ajoutant que c’est difficile pour un jeune de ne pas être séduit par un tel message.
Étant donné sa position, le conseiller financier, lui, impose une « distance », qui rend le message beaucoup moins accrocheur. « Surtout si le jeune est un peu rebelle, il va être davantage sensible au message de l’influenceur qu’à celui du conseiller financier. »
Julien Brault, président de la société HardBacon, a expliqué qu’avec TikTok, n’importe quel jeune de 17 ans peut devenir un média de masse. « Il y a quand même un danger. Les gens font la promotion de différents produits d’investissement, peut-être sans réaliser qu’il faut un permis de l’AMF pour faire ça au Québec », a-t-il dit.
Le fait que l’argent est « le dernier sujet tabou » permet à des influenceurs d’occuper cet espace souvent laissé vacant dans la vie des gens, a dit Chantal Lamoureux, présidente-directrice générale de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).
Les sportifs, les vedettes, tout le monde parle de sa santé mentale. Entre amis, dans un souper, on peut se confier des choses très intimes... Mais on ne se racontera pas combien on a dans notre REER, ou bien si on a perdu de l’argent... Si on détabouisait notre rapport à l’argent, on aurait déjà une partie de la solution.
Chantal Lamoureux, présidente-directrice générale de l’Institut québécois de planification financière
Marianne Spear, étudiante en finance et animatrice à l’émission Parler d’argent c’est pas stressant, ne s’oppose pas aux influenceurs financiers, mais déplore que certains mettent de la pression sur leur auditoire.
« Je sens beaucoup de culpabilité, de honte et de gêne chez les gens dans la vingtaine ou la trentaine qui suivent ces influenceurs-là [mais qui ne sont pas riches]. Ils veulent faire une passe d’argent assez rapidement, ils sont vulnérables. »
Elle a dit de ne jamais voir le nombre d’abonnés d’un influenceur financier comme un « gage de confiance » par rapport à ses compétences.
Un bon influenceur financier, dit Marianne Spear, est une personne qui parvient à déclencher une réflexion. « Personnellement, c’est comme ça que je vois mon rôle. J’essaie de pousser la réflexion plus loin, mais je n’arrive pas nécessairement avec une réponse. »
L’Everest en patins à roulettes
La semaine dernière, je vous ai demandé si vous essayiez de battre les rendements du marché boursier.
Des dizaines de lecteurs m’ont fait part de leurs mésaventures à la Bourse.
« J’ai commencé à investir au printemps 2020, m’écrit Michel. Très bonne période. Très rentable et intéressant la première année. Zoom, Lightspeed, Nuvei, Lion Électrique... J’avais vraiment l’impression d’avoir gravi l’Everest en patins à roulettes, tout cet argent avec si peu d’effort... Trois ans plus tard, je me retrouve avec un portefeuille négatif en Bourse. »
Quelques lecteurs m’ont dit avoir battu le marché depuis un certain nombre d’années, allant de 3 ans à 14 ans.
Plus de 64 000 entreprises ont été cotées en Bourse dans le monde entre 1990 et 2020. De ce nombre, 2,39 % ont été responsables de la totalité des gains des marchés durant cette période, selon les calculs de Hendrik Bessembinder, de l’Université de l’Arizona. C’est donc dire que ces lecteurs ont réussi à en sélectionner quelques-unes.
Je suis persuadé que certains vont poursuivre sur leur lancée. Mais n’oublions pas : une vie d’investisseur peut s’étirer de l’âge de 18 ans jusqu’à 98 ans, une période de 80 ans.
Un investisseur qui sous-performerait dans une seule de ces huit décennies pourrait voir son actif fondre de moitié, voire davantage, par rapport à la personne qui ne fait qu’acheter le marché. Ce n’est pas pour rien que 95 % des pros ont sous-performé sur une période de 20 ans.
De tels risques ne vous effraient pas ? Bravo, vous investissez à visière levée. Je vous souhaite bonne chance dans les marchés.
La question de la semaine
Que pensez-vous des influenceurs financiers qui s’adressent aux jeunes ?
L'argent et le bonheur | S'enrichir à l'ère TikTok - La Presse
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