L’excitation était à son comble samedi soir au premier des deux concerts que livrait Angèle au Centre Bell, où elle s’était déjà produite en 2019. La musicienne belge s’en souvenait : « C’est un de mes meilleurs souvenirs du Brol Tour », a-t-elle confié à ses fans avant d’interpréter Le temps fera les choses, en plein milieu d’un généreux tour de chant de plus de deux heures, entourée de six danseurs et d’un petit orchestre de quatre musiciens. L’excitation était à son comble, mais Angèle l’a contenue au fil d’une soirée portant l’atmosphère plus réfléchie de son second album Nonante-cinq, paru il y a un an et demi.
C’était anticipé, mais tout de même frappant : hier, ce n’était plus tout à fait la même Angèle qu’avant la pandémie. Plus la même que l’Angèle de 22 ans qui goûtait pour la première fois au succès de masse grâce aux bombes pop de son premier album Brol (2018). Cinq ans, ça paraît peu, mais c’est un siècle d’expérience de scène et de vie que décante l’autrice-compositrice-interprète dans l’album Nonante-cinq, nettement moins joyeux et vigoureux que le précédent.
Elle nous l’a rappelé au fil de ces deux longues, et parfois longuettes, heures marquées par une abondance de ballades pop à saveur R&B. Plus de sens et Pensées positives en ouverture (avec « Tu me regardes », de la seconde édition de Brol, entre les deux) ont campé le décor, sobre lui aussi, reposant sur des jeux d’éclairage et un écran DEL en arrière-plan, employé avec une telle parcimonie qu’on oubliait parfois d’y porter attention. Ce qui a le mérite de nous permettre de nous concentrer sur Angèle et les excellents danseurs l’accompagnant — bravo pour les chorégraphies —, qui formaient de jolis tableaux.
Tôt dans la soirée, Angèle a balancé non pas « ton quoi », mais deux autres bombes du premier album, Oui ou non et l’impeccable Tout oublier. Le Centre Bell est alors devenu un gigantesque karaoké, la foule enterrant la voix de la chanteuse, qui n’avait qu’à tendre le micro pour entendre ses propres mots. Ce samedi soir, le spectacle était autant au parterre et dans les gradins que sur scène : accompagnées de leurs parents ou de leurs grands-parents, une majorité de jeunes filles assistaient visiblement à leur premier show d’envergure, celui dont elles se souviendront toute leur vie.
Or, après Tout oublier, l’énergie a baissé d’un cran ou deux, alors que la musicienne enchaînait les compositions reflétant l’introspection et les remises en question qui ont marqué sa pandémie et — soyons lucides — celle de pas mal tout le monde aussi. C’était joli, le groove électro-pop très (trop ?) fidèlement articulé par ses musiciens (un batteur, un guitariste, deux claviéristes), incarné par les danseurs et par Angèle, qui ne manque pas de charisme, mais sans débordements, sans défoulements.
Au moment de s’installer seule au petit piano qu’on avait roulé sur le devant de la scène — « pour rester dans le thème des chansons tristes », a-t-elle confié —, Angèle a offert, notamment, une riche interprétation de Taxi. Pour Tempête, la pluie ruisselait sur un rideau diaphane nous séparant momentanément de la star, alors qu’un éclat d’éclairs fissurait l’écran en arrière-scène. Ça faisait son effet.
La Belge s’est ressaisie en fin de parcours, offrant un bouquet de chansons plus rythmées et plus dansantes, parmi lesquelles l’incontournable duo avec Dua Lipa intitulé Fever, et l’hymne féministe Balance ton quoi, une autre de celles qu’elle n’avait même plus besoin de chanter, les fans la connaissant par coeur.
Moins pétillante que lors de la tournée Brol, mais plus tendre et réfléchie, Angèle — qui a passé un moment avec ses fans en après-midi samedi, dans une boutique de souvenirs éphémère installée rue Saint-Denis — nous a fait passer une belle soirée, à laquelle il manquait toutefois cette touche de folie et d’audace qu’elle exprimait si vivement à ses débuts.
À voir en vidéo
[Critique] Angèle fait du Centre Bell son karaoké - Le Devoir
Read More
No comments:
Post a Comment