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Tuesday, December 20, 2022

Tournage d'un film d'horreur à Montréal | Un homme accusé d'avoir terrorisé le réalisateur - La Presse

La police de Montréal a arrêté un cinéphile qui aurait selon elle pris trop au sérieux la série de films d’horreur Scream, notamment le sixième volet, dont la bande-annonce a été dévoilée la semaine dernière. L’homme est accusé de s’être inspiré de la trame narrative sanglante de l’œuvre pour tourmenter l’équipe de production pendant le tournage du long métrage au Québec l’été dernier.

Lorsque le tournage de Scream 6 s’est amorcé à Montréal, l’été dernier, les responsables de la production ont commencé à voir passer sur les réseaux sociaux des messages agressifs, menaçants. Des publications faisaient référence aux lieux de tournage et à certains personnages de la série, notamment le fameux Ghostface, ce tueur au masque de fantôme qui assassine de jeunes amateurs de films d’horreur.

Lorsque les publications étaient signalées, les sociétés de réseaux sociaux les retiraient. Mais de nouveaux comptes apparaissaient, et les messages reprenaient. Le ou les auteurs montraient clairement qu’ils étaient là, tout près, pendant le tournage. Les photos des lieux qu’ils égrenaient sur le web ne laissaient pas de doute.

« Le suspect fait des publications Twitter et Instagram dans lesquelles il suit les déplacements de l’équipe de production du film Scream 6, Radio Silence, à Montréal », a écrit à l’époque un sergent-détective du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Henley Coulombe, dans une demande d’ordonnance judiciaire déposée au palais de justice de Montréal.

« Le 6 juin 2022, le suspect publie différentes menaces sur Twitter et sur Instagram à l’effet qu’il vengera des personnages du film, publications auxquelles il ajoute un émoji couteau », poursuit l’enquêteur.

Scream a inspiré des masses de fans particulièrement enthousiastes depuis le lancement du premier film dirigé par le réalisateur Wes Craven, un des maîtres du genre, en 1996. La production avait révolutionné le genre et cartonné au box-office. Les personnages rigolaient des clichés des films d’horreur alors qu’ils étaient pourchassés par le sinistre tueur Ghostface, amateur de films d’épouvante lui aussi.

À Montréal, l’équipe de tournage qui travaillait sur le sixième film l’été dernier avait été avertie que certains fans pouvaient faire peur, selon ce qu’ont confirmé deux travailleurs à La Presse.

Ceux-ci ont demandé à s’exprimer sous le couvert de l’anonymat, car des engagements contractuels les empêchent de discuter de l’affaire.

« On a été informés. Il fallait faire attention sur les lieux de tournage. C’est quand même un film avec certains fans assez spéciaux », affirme l’un des travailleurs en entrevue.

Dans la salle avec eux

Le 6 juin, le réalisateur Tyler Gillett, membre du collectif cinématographique Radio Silence, décide de prendre une pause. Il se rend avec deux de ses collaborateurs au cinéma Banque Scotia, rue Sainte-Catherine, assister à une représentation de Top Gun : Maverick en version IMAX. Une fois dans la salle, les membres de l’équipe de production regardent leur téléphone. La terreur s’empare d’eux lorsqu’ils constatent les nouvelles publications de leur harceleur. Il semble les avoir suivis. Il dit être dans la salle, avec eux, pour voir le film.

« Ghostace aime Radio Silence lui aussi… lorsqu’ils sont six pieds sous terre. Dites bonjour à l’adjoint du shérif Dewey pendant que vous y êtes », disait l’un des messages, suivi d’émojis représentant un couteau, un cercueil et un drapeau américain. L’adjoint Dewey est un personnage récurrent de la série qui est mort dans Scream 5, premier film de la série dirigé par Tyler Gillett.

M. Gillett l’ignorait à ce moment, mais selon la police, son harceleur avait eu l’audace de s’asseoir dans le siège directement à côté de lui pendant le visionnement de Top Gun.

De quoi susciter l’inquiétude : dans la scène d’ouverture de Scream 2, des spectateurs sont poignardés à mort au cinéma pendant qu’ils assistent à la première d’un film d’horreur.

À ce moment, « les trois membres quittent la salle par crainte pour leur sécurité », écrit l’enquêteur du SPVM dans son résumé déposé à la cour.

« Ils ont vraiment eu peur »

« Quand il est venu au cinéma, ils ont vraiment eu peur », raconte l’un des membres de l’équipe de tournage contactés par La Presse.

Le harceleur publie ensuite un nouveau message révélant que l’équipe de réalisation s’est enfuie après seulement un quart du film d’écoulé. Le réalisateur et ses collaborateurs alertent immédiatement la police. Celle-ci prend l’affaire très au sérieux.

« Le sergent-détective Coulombe veut localiser le suspect rapidement pour protéger la vie des différents employés sur les sites de tournage de Scream 6 à Montréal », précisent les documents judiciaires déposés à la cour.

Dès le lendemain, l’auteur des publications, qui vient de publier une photo du square Berri sur son compte Instagram, est localisé et arrêté par les patrouilleurs du SPVM. Il est identifié comme étant Aret Mazmanyan, un résidant de la région de Toronto âgé de 36 ans qui travaille comme agent de probation pour le ministère du Solliciteur général de l’Ontario et voue un culte à la série Scream.

« Lors de son interrogatoire, M. Mazmanyan admettra s’être trouvé dans la même salle de cinéma que M. Tyler Gillett, […] M. Mazmanyan admettra également qu’il était assis à côté de M. Tyler Gillett, soit le siège voisin », résume le sergent-détective du SPVM dans sa requête judiciaire.

L’homme est libéré le temps de conclure l’enquête, mais il doit s’engager à respecter de nombreuses conditions, notamment ne plus contacter le réalisateur et ne plus s’approcher de lui. Toujours selon le SPVM, il enfreint ces engagements le jour même. Sa photo a été distribuée à plusieurs membres de l’équipe de tournage, à qui la direction a renouvelé ses appels à la prudence, selon nos sources. L’homme a finalement comparu le 8 août dernier devant un tribunal montréalais.

Accusations criminelles

M. Mazmanyan, qui réside aujourd’hui au Texas, fait face à des accusations criminelles de harcèlement et de non-respect des conditions. Son dossier doit retourner devant la cour le 19 décembre, mais aucune date n’a été fixée pour son procès jusqu’à maintenant. La preuve amassée contre lui n’a pas été testée par les tribunaux. Ses conditions de mise en liberté lui interdisent de faire référence à Tyler Gillett ou aux accusations portées contre lui sur les réseaux sociaux.

Son avocate, MDiana Sitoianu, n’a pas voulu donner plus de détails sur le dossier lorsque La Presse l’a jointe. « Nous n’avons pas de commentaires à formuler », a-t-elle répondu.

La maison de production Paramount Pictures n’a pas répondu à une demande d’entrevue de La Presse.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse

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