Exit les idées reçues autour de Tchaïkovski, Van Gogh, Nelligan, Sylvia Plath, Amy Winehouse et les autres : non, il n’est pas nécessaire de souffrir pour créer. Qu’on se le dise, l’art ne puise pas forcément sa source dans la souffrance. Inversement, la créativité peut drôlement contribuer au bien-être en général, et à la santé mentale en particulier.
C’est ce qui ressort d’une conférence présentée ces jours-ci à la Société des arts technologiques (SAT), laquelle interroge ces liens mécompris (galvaudés ?) entre création et santé mentale. Baptisée « En équilibre », la conférence, qui se veut immersive, réunit deux personnalités bien connues du public pour explorer cet existentiel sujet : la chanteuse Florence K, qui fait ces jours-ci un doctorat en psychologie, ainsi que le réalisateur et youtubeur Émile Roy (de la première édition d’Oasis immersion, au Palais des congrès), à qui l’on doit plusieurs projets sur l’anxiété, dont un moyen métrage (L’anxiété au 21e siècle). C’est à l’organisme Relief (OBNL offrant des services en santé mentale) que l’on doit l’initiative de les réunir.
« La santé mentale n’est pas nécessairement sexy ou glamour, malheureusement. Le fait de faire ça dans le dôme de la SAT rend ça plus vivant. […] Cela crée une bulle autour de nous, on se sent dans un univers différent ! », a lancé Florence K, en marge de la générale, présentée plus tôt cette semaine, où elle a livré un témoignage à la fois transparent et convaincant (mention spéciale à son bref chant a cappella pour nous prouver l’effet apaisant et confédérant de la musique).
D’une durée de 1h15, la présentation débute par un court atelier de méditation, bien-être oblige. Les spectateurs, confortablement installés dans des poufs de circonstance, sont invités à faire quelques courts exercices de respiration, encadrés par une coach virtuelle, projetée dans le dôme.
À noter : ici s’arrête toutefois le volet immersif de l’expérience, la présentation principale étant par la suite plutôt conventionnelle dans sa forme. Ce qui n’enlève rien à sa pertinence, faut-il le préciser.
Un mythe à déboulonner
La conférence alterne ensuite entre retours (survols) historiques, explications psychologiques et témoignages personnels. Parlant de témoignages, Florence K lance le bal, rappelant son parcours particulier : de sa naissance dans une famille d’artistes (elle a appris à lire les notes avant l’alphabet) à son diagnostic de bipolarité en passant par son « trou » en dedans, ses hauts, ses bas, « canalisés » dans la musique, sa carrière, puis ses pensées suicidaires, et finalement son hospitalisation. « J’ai décidé de tout faire pour ne pas rechuter, et c’est pour ça que j’ai étudié en psychologie… »
Ce n’est pas parce qu’on souffre qu’on crée ni parce qu’on crée qu’on souffre !
Florence K, artiste, chercheuse et conférencière
Ce fameux mythe (qui remonterait à Platon), certes déconstruit par la science depuis plusieurs années (la santé mentale relevant d’éléments multifactoriels, dits « biopsychosociaux », martèle ici Florence K), a tout de même la vie dure. « Et c’est un gros problème en clinique, parce que beaucoup d’artistes ne veulent pas de traitement, parce qu’ils ont peur de perdre leur flamme créatrice ! » On aurait aimé l’entendre approfondir son propos, mais l’essentiel n’en demeure pas moins : « Il est important d’aller chercher de l’aide ! », résume-t-elle.
Quant à Émile Roy, de son ton énergique qu’on lui connaît (sa chaîne YouTube compte plus de 160 000 abonnés), il choisit de « renverser » le problème, et ce, en quête de solutions. « Quand on souffre, une des réponses, c’est de créer », dit-il, exemples, poèmes et autres citations à l’appui. « Parce que c’est ça aussi, le legs de l’anxiété, cela vient avec la nécessité de s’exprimer ! » Et cette expression fait le plus grand bien. Florence K en sait quelque chose, elle monte justement ces jours-ci une chorale avec des gens aux prises avec des troubles psychotiques. « Et il y a des liens qui se créent qui font du bien, tout simplement ! »
Morale ? « L’art, c’est un exutoire qui permet d’exprimer ce qu’on ne peut pas exprimer autrement, conclut Émile Roy. Il faut trouver une façon de faire sortir ce qu’on traîne avec nous et qui nous pèse… » En entrevue, le jeune homme en remet : « Je vois la création comme remède à la souffrance. C’est ce qui ressort de mes recherches, de mes rencontres avec des psychologues. Cela revient beaucoup. L’art, pour exprimer ce qu’on ne peut pas exprimer autrement. […] On n’est pas impuissants ! »
« En équilibre » est présentée dans le dôme de la SAT les 12 et 13 novembre, ainsi que les 10 et 11 décembre.
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