« Il n’y a rien de beau si vous n’êtes pas ici ». C’est ce que le blogueur saoudien Raif Badawi a répondu à sa famille qui lui demandait comment il trouvait la vie, quand il a été libéré après dix ans de prison.
Cette phrase m’a crevé le cœur. Comme les deux heures et demie du documentaire En attendant Raif, qui prend l’affiche aujourd’hui.
Pendant huit ans, les caméras des réalisateurs Patricio Henriquez et Luc Côté ont suivi Ensaf Haidar, la femme de Raif, depuis son installation à Sherbrooke jusqu’à son combat pour la libération de son mari.
Mais ce qui crève aussi le cœur, c’est de voir que le Canada a continué à vendre de l’équipement militaire à l’Arabie saoudite qui se moque des droits de la personne.
Honte au Canada
Il y a dans le documentaire En attendant Raif des images insoutenables : une caméra cachée a filmé une partie de la flagellation de Raif Badawi, condamné à 1000 coups de fouet pour avoir critiqué le régime saoudien.
On y voit aussi les quelques secondes avant une décapitation, dans cette dictature sanguinaire où les exécutions se font sur la place publique.
Après avoir vu ces images, comment comprendre que le Canada ait continué à faire affaire avec l’Arabie saoudite comme si de rien n’était ? Un journaliste interviewé dans le film rappelle que le gouvernement canadien est allé devant les tribunaux pour empêcher la divulgation des contrats pour la vente de tanks, le plus gros contrat militaire de l’histoire du Canada.
Le documentaire est très habilement monté : d’un côté, on suit Ensaf Haidar qui parcourt la planète pour rencontrer des politiciens et des organismes en dénonçant la détention de son mari et de l’autre, on voit le Canada faire des salamalecs devant le régime saoudien !
Vous allez sortir du visionnement de ce documentaire en ayant :
1. beaucoup d’admiration pour Ensaf Haidar et sa résilience et...
2. beaucoup de colère contre Justin Trudeau qui multiplie les selfies mais ne se sert pas de son téléphone pour appeler les Saoudiens.
J’ai été bouleversée par la force d’Ensaf qui offre à son mari un soutien indéfectible et qui est souvent plus confiante que lui. Vous allez craquer quand Raif Badawi dit à sa femme : « Tu es trop optimiste ».
C’est un drame humain sans nom : cet homme courageux n’a pas pu prendre sa femme et ses enfants dans ses bras depuis dix ans et il n’a pas le droit de sortir d’Arabie saoudite pour les dix prochaines années.
En voyant la timidité de la réaction canadienne à ce scandale, on ne peut qu’éprouver un sentiment de honte.
Ce Québec-là
Ce qui m’a frappée dans ce documentaire, c’est de voir les trois enfants Badawi grandir à l’écran (ils ont été filmés pendant huit ans) et de voir ces jeunes néo-Québécois s’exprimant dans un français impeccable.
On voit aussi les vigiles, tous les vendredis, organisées par des Sherbrookois pour réclamer la libération de Raif Badawi. Il y a eu 376 vigiles du vendredi : c’est formidable de solidarité !
Ce Québec-là, accueillant à bras ouverts une famille de réfugiés et épousant sa cause avec bienveillance, pourquoi on n’en entend pas plus souvent parler ?
Serait-ce parce que Ensaf Haidar se prononce régulièrement pour la laïcité et contre le voile ?
N'oublions pas Raif Badawi ! - Le Journal de Montréal
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