Les Montréalais avaient conflué en nombre vers le Stade olympique pour le concert Aux couleurs des Amériques concocté par Rafael Payare et l’OSM, destiné à « célébrer la richesse du répertoire musical présent sur le territoire américain depuis des siècles, du Canada au Venezuela ». Finalement, la soirée fut déconcertante, passablement terne et sans élan ou ferveur, malgré quelques éclats.
Sauf erreur, c’était le 9e concert gratuit de l’OSM à l’esplanade du Stade olympique. Il faut bien dans le lot un moins bon millésime. Eh bien, c’était celui-là ! Pas forcément sur le plan de l’assistance. Le plein avait été fait en 2014 et en 2015 avec 40 000 spectateurs. Les années 2016 et 2017 en avaient vu 30 000 venir au stade, une assistance tombée à 25 400 en 2019 en raison d’une météo menaçante. C’était assurément meilleur mercredi, possiblement entre 25 000 et 30 000, l’OSM se contentant de dire par la voix de Pascale Ouimet, responsable des relations médias, n’avoir « pas de chiffres outre que c’était plein ». Une comparaison avec le timelapse de 2015 publié sur le site Facebook du Stade et que l’on trouve encore sur Internet, permettrait de chiffrer cette plénitude.
Une soirée avec enjeu
On doit à l’institution musicale phare d’avoir instauré ici ce grand rendez-vous de masse gratuit. Il est intéressant de le voir débuter la Virée. Sauf que ce début reste très conceptuel, la Virée démarrant 48 heures plus tard. On se réjouissait d’espérer une ferveur, un entrain, une joie en cette soirée. Mais le concert n’a pas levé. Il est resté comme une sorte de « concept sur papier », sans flamme, incapable de générer un élan populaire, inadapté à toucher, simplement et facilement au coeur, sauf lors de la récitation d’un poème et la présentation d’un chant autochtones par Natasha Kanapé Fontaine et Jeremy Dutcher. Au vu de l’ambition du programme, une oeuvre d’un compositeur québécois n’aurait pas été malvenue.
L’enjeu de cette soirée est majeur : c’est la seule fois de l’année où l’institution peut avoir un auditoire de dizaines de milliers de personnes et tenter de les convaincre que cela vaut le coup de s’intéresser à la musique classique en général et à elle en particulier. Alors, certes, nous avons compris que notre nouveau chef est Vénézuélien. Il va devoir cependant déployer un travail titanesque et des trésors d’imagination pour nous convaincre du bien-fondé de la programmation de certaines oeuvres.
Le Concerto pour trompettes variées du Cubain Paquito D’Rivera et le poème symphonique d’Evencio Castellanos fonctionnent sur un modèle éprouvé par ailleurs et qui peut se schématiser ainsi : les 3 dernières minutes sont brillantes, colorées, entraînantes, voire irrésistibles. Le gros problème est : il faut d’abord se farcir un quart d’heure plus ou moins pénible pour y avoir droit . Mais tout cela est tellement mineur, tellement laborieux : pourquoi gaspille-t-on la chance annuelle de réunir des dizaines de milliers de personnes pour promouvoir ces anecdotes musicales ?
Rien contre le répertoire sud-américain évidemment : il y a de petits bijoux (plus court) dans le CD Inca Trail Connections par Miguel Harth-Bedoya chez Naxos, on entendra cette saison la fabuleuse Cantata Criolla d’Estevez, il y a des merveilles chez Camargo Guarnieri et un jour peut être, Payare programmera le Concerto pour piano du Brésilien Hekel Tavares.
Autre registre, même erreur. Avoir à Montréal la miraculeuse soprano Jeanine De Bique est certes merveilleux. Ne serait-ce que pour 5 minutes, car 5 minutes de Jeanine De Bique, ça vaut la discographie de Barbara Hendricks au grand complet ! Mais « The town is lit » du cycle Honey and Rue de Previn, c’est une programmation pour spécialistes endurcis de musique américaine ! Dans un tel contexte, l’air incontournable était Summertime, et tant pis si c’est bateau.
Alors, Rafael Payare, qui a dirigé en début de concert un Finale de Symphonie du Nouveau Monde assez séquentiel et de peu d’entrain, a tenté et réussi partiellement à faire lever le soufflé avec West Side Story, qui s’enchaînait au joyeux petit numéro du trompettiste Pancho Valdes et de son compère Hector Molina, emballant la fin du concerto de Paquito D’Rivera. Mais tout cela était bien insuffisant.
Peut-être qu’une enquête auprès du public permettra d’affiner le ressenti général. En tout cas, premier chantier d’amélioration, il est clair que, pour la musique, la sonorisation du Stade ne vaut pas celle mise en place au mont Royal la semaine passée : niveau criard, graves gonflés, timbres de cordes durs et sommaires. Pour cela, Rafael Payare pourra être un conseiller rêvé, car l’amplification du Rady Shell de San Diego, où il oeuvre par ailleurs, est la perfection même.
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Déconcertante soirée avec l'OSM au Stade olympique - Le Devoir
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