Au plus grand plaisir d’auditoires en mal de rire, Mariana Mazza pratique en humour ce que j’appellerais le « base-jump ».
Le « base-jump », comme le savent les initiés des sports extrêmes, consiste à sauter en parachute à partir d’un point fixe, tel l’édifice de la Place Ville Marie, une falaise ou la tour du CN. Comme les casse-cous du base- jump, Mme Mazza se jette dans le vide, mais sans parachute, à partir d’un point fixe. Un point fixe toujours situé sous la ceinture, côté cour ou côté jardin. Son parachute, c’est l’affection inconditionnelle de ses admiratrices. Celles-ci sont légion, ont moins de quarante ans et sont « fucking » libérées, comme j’ai pu le constater à la première d’Impolie, deuxième spectacle solo de Mariana, à L’Olympia de Montréal.
Est-ce le fait d’être née d’une mère arabe et d’un père uruguayen ? Mariana Mazza réussit le tour de force de transformer les sacres québécois traditionnels en un langage qui lui est propre. Un peu à la manière de Mike Ward, dont les origines sont anglophones. Pour des raisons qu’un sociologue ou un linguiste saurait expliquer mieux que moi, nos sacres usuels prennent dans la bouche de ces deux humoristes une signification qui va au-delà de celle que nous leur prêtons, nous, Québécois pure laine.
LES TEMPS ONT BIEN CHANGÉ
Mariana Mazza n’a aucune retenue. Aucune pudeur non plus. Elle dit tout. Elle ose tout. Aucune femme, mais surtout aucun homme n’oserait comme elle retrousser sa chemise pour exhiber devant une salle comble les bourrelets de sa bedaine en les prenant l’un après l’autre entre son pouce et les doigts. Qui d’autre irait jusqu’à se mettre à quatre pattes sur scène pour illustrer sans équivoque comment on se fait sodomiser ?
Les temps ont changé. Au Québec encore plus qu’ailleurs. En France, une autre humoriste, Blanche Gardin, ose presque tout, elle aussi. Depuis quelques années, elle est devenue la coqueluche du Tout-Paris, parlant de sexe comme Mariana avec les mots crus que l’on emploie dans l’intimité. Blanche Gardin s’est produite au Monument national il y a cinq ans dans un spectacle intitulé Je parle toute seule. Durant son séjour à Montréal, elle a dit qu’elle avait beaucoup appris en assistant aux galas Juste pour rire. Elle avait conclu que « le rire, c’est une question de musique, de mélodie et de mots ».
COMME LES GRENOUILLES !
Le débit de Blanche Gardin est à cent lieues de celui de Mariana. Le tir de l’humoriste québécoise est nourri. Les balles sifflent en rafale et viennent du côté le plus inattendu. Avec Blanche Gardin, on avance avec prudence sur un terrain qu’on sait être miné. Ça finit toujours par exploser, mais on ne sait pas quand. Blanche Gardin attend son heure, mais Mariana tire à l’aveugle. Chez l’une comme chez l’autre, les hommes ne s’en tirent pas indemnes.
Ces deux femmes sont sans pitié. Elles parlent des hommes comme d’une espèce inutile en voie d’extinction. Comme les grenouilles faux-grillon, privées elles aussi de milieux humides ! « Un homme, ça sert à rien ! » répète plusieurs fois Marianna en cours de spectacle. Blanche Gardin exprime la même chose par des silences empreints de dérision.
J’allais oublier de le préciser. J’ai quand même beaucoup ri au spectacle de Mariana Mazza. D’abord avec réserve, puis d’assez bon cœur et, finalement, sans retenue. Comme quoi les hommes – et ils étaient nombreux à L’Olympia – peuvent au moins servir à rire des blagues que les femmes font maintenant sur nous !
L'humour extrême de Mariana Mazza - Le Journal de Montréal
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