Il a beau se dérouler en 1963, le film L’événement est plus d’actualité en 2022 que le fut le livre du même nom à sa sortie, en 2000.
Le drame autobiographique d’Annie Ernaux, qu’a tenu à porter à l’écran la réalisatrice Audrey Diwan, se déroule en France. Anne, une jeune étudiante, rêve de faire carrière en lettres et de poursuivre ses études. Son univers bascule quand elle tombe enceinte. Alors que l’avortement est illégal et dangereux, Anne veut mettre fin à sa grossesse coûte que coûte.
Petite parenthèse pour commencer. Alors que nous avons déjà tenu l’avortement pour acquis, le droit de mettre fin à une grossesse non désirée n’a jamais été aussi menacé par endroits. En Pologne, l’avortement est quasi interdit, tandis qu’aux États-Unis, la Cour suprême se penche sur des lois du Texas et du Mississippi qui veulent réduire fortement le délai durant lequel une femme peut interrompre une grossesse.
Le droit à l’avortement a par ailleurs inspiré la réalisatrice Marianne Farley pour son court métrage Frimas, présélectionné dans la liste de finalistes dans sa catégorie aux Oscars, dystopie dans laquelle le Québec est sous l’emprise d’une sorte de régime autoritaire qui a criminalisé de nouveau l’avortement.
Mais revenons au film L’événement, lauréat du Lion d’or à Venise l’an dernier et qui met en vedette la formidable jeune actrice franco-roumaine Anamaria Vartolomei.
Elle incarne avec brio son personnage, celui d’une jeune femme introvertie mais déterminée. Quand Anne tombe enceinte, il est clair dans son esprit qu’elle ne veut pas de ce fœtus dans son ventre. Comme dans Frimas, sa seule porte de sortie est clandestine.
Les médecins ne peuvent rien pour elle. « Il faut l’accepter. Vous n’avez pas le choix », lui dit le premier qu’elle consulte.
Anne ne veut pas de la vie de ses parents qui tiennent un restaurant et qui n’ont pas fait de longues études. Elle dira avec insolence à sa mère (incarnée par Sandrine Bonnaire), inquiète de ses notes : « Tu y connais quoi, toi, aux examens ? »
Avec le récit ponctué par le nombre de semaines de grossesse d’Anne (en sous-titres), on sent toute l’angoisse et l’urgence vécue par son personnage dans sa course contre la montre.
Résolument intimiste
Anamaria Vartolomei rend bien comment Anne est à la fois ingénue et convaincue. L’actrice a vécu jusqu’à l’âge de 2 ans en Roumanie, où l’avortement était un crime sous le régime communiste. C’était par ailleurs au cœur du film 4 mois, 3 semaines, 2 jours du cinéaste roumain Cristian Mungiu, qui lui a valu la Palme d’or au Festival de Cannes en 2007.
Dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, une étudiante tente de se faire avorter avec l’aide précieuse de son amie. Anne, elle, tarde à parler de sa grossesse à ses proches copines, de sorte que L’événement est un film résolument intimiste. Anne vit son drame de l’intérieur. Elle est seule avec sa détresse et – sans en dire trop – elle est prête à endurer beaucoup de douleur (comme l’a fait Annie Ernaux, ce qui est difficile à imaginer).
Si la réalisation d’Audrey Diwan s’avère assez conservatrice, elle est viscérale puisqu’on vit pleinement de l’intérieur comment Anne est paniquée à l’idée d’enfanter.
La réalisatrice a opté pour une direction artistique loin de l’esthétique du film d’époque, si bien que L’événement a une facture très actuelle, ce qui ajoute à sa force de frappe.
C’est le 22 janvier 1973 que la Cour suprême des États-Unis a reconnu dans son arrêt historique « Roe v. Wade » le droit des Américaines à avorter. Difficile de croire que ce soit remis en question 50 ans plus tard dans certains États.
L’événement a par ailleurs été en vitrine récemment au festival de Sundance, où ont aussi été présentés le long métrage Call Jane et le documentaire The Janes (deux œuvres consacrées à un groupe de Chicago qui aidait les femmes à avorter dans les années 1960). Si autant de films sortent autour du même sujet, c’est que la menace de recul est bien réelle.
En salle
Drame
L’événement
Audrey Diwan
Avec Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein, Luàna Bajrami et Sandrine Bonnaire
1 h 40
L'événement | Retour vers le futur | La Presse - La Presse
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