Pour souligner le 75e anniversaire de naissance de l’icône britannique, le 8 janvier, nous avons demandé à quelques-uns de nos journalistes de nous parler de leur album coup de cœur.
Let’s Dance
J’ai 14 ans au moment de la sortie de Let’s Dance en 1984 : c’est ma première rencontre avec David Bowie, j’aime la pop, mais je n’ai jamais entendu quelque chose comme ça, les rythmes, la voix, le sex-appeal, tout en lui m’hypnotise et me séduit. J’ai dansé et dansé sur Let’s Dance, sur Modern Love, même sur China Girl. Je sais que la décennie 1980 est considérée comme mineure dans la discographie de Bowie, mais je chéris cet album accrocheur où le roi de la contre-culture s’est transformé en pop star, qui ne ressemble à rien et qui m’a menée à lui dans les années suivantes, de la découverte béate de Ziggy Stardust jusqu’à son immense Glass Spider Tour au Stade olympique en 1987. Et reste que l’utilisation de Modern Love dans Mauvais sang, de Leos Carax, en 1986, a donné une des plus grandes scènes de l’histoire du cinéma — même mon fils de 18 ans est d’accord avec moi. La boucle est bouclée.
Low
La vérité, c’est que j’ai surtout écouté des compilations des meilleures chansons de David Bowie plutôt que des albums entiers : ChangesBowie (1990) d’abord, puis Best of Bowie (2002). Du plus élégant iconoclaste du rock, je connais encore et toujours principalement les chansons emblématiques, de Space Oddity à I’m Afraid of Americans, en passant par Life on Mars ?, Heroes et China Girl. S’il me faut choisir un seul album officiel, ce serait Low. Que je n’ai pas usé à la corde, mais dont j’aime les basses qui groovent bizarrement l’élan, la tension et surtout le versant ambiant où Bowie et Brian Eno s’inspirent du krautrock. Dense sans être aride.
Blackstar
Blackstar, le dernier album de David Bowie, paru le jour de son 69e anniversaire, deux jours avant sa mort, est aussi foisonnant qu’inventif dans son mariage de formes musicales inusitées. À l’image de la chanson-titre expérimentale de 10 minutes, faite de rythmes militaires et d’ambiance liturgique. Et de l’incontournable Lazarus, avec son intro de guitare-batterie éthérée, son saxophone indolent, cette voix de crooner élégant au trémolo si familier, et cette première phrase tragiquement prémonitoire : « Look up here, I’m in heaven. » Musique de jeunesse éternelle, actuelle et intemporelle, d’un artiste avant-gardiste. Un album indémodable, comme Bowie lui-même.
Hunky Dory
Hunky Dory est, selon bien des gens, l’album grâce auquel David Bowie a trouvé son style, sa voix, son message. Paru il y a exactement cinq décennies, Hunky Dory est l’album grâce auquel mon amour pour Bowie a vu le jour, grâce auquel j’ai compris l’ampleur de son génie. L’art pop, le folk, le cabaret se côtoient et forment ce chef-d’œuvre sur lequel aucune chanson (aucune !) ne déçoit. Après les tons plus rock du précédent, The Man Who Sold the World, David Bowie a composé une bonne partie de cet album en s’asseyant au piano plutôt qu’avec sa guitare. Le piano est omniprésent, ses mélodies sont le fil conducteur de l’opus, que ce soit pour incarner la mélancolie, installer une cadence dansante ou guider les autres instruments. Les complexes vallées sonores de Hunky Dory, son esthétique éclatée, ses paroles incarnant une phase de transition pour Bowie, en font un objet d’exception.
Let’s Dance
Un Bowie dansant ? Même Nile Rodgers, réalisateur de ce qui allait devenir le plus populaire album de Bowie, était sceptique au départ. Il appert pourtant que cette collaboration entre le compositeur et guitariste du groupe disco-funk Chic et celui en l’honneur de qui Serge Gainsbourg a composé Beau oui comme Bowie pour Isabelle Adjani a mis le feu aux tables tournantes en 1983. L’album commence par Modern Love, titre-culte qu’immortalisera trois ans plus tard Leos Carax dans une scène inoubliable de son film Mauvais sang. China Girl, Let’s Dance, Putting Out Fire (chanson coécrite avec Georgio Moroder, autre dieu de la pop dansante de l’époque), bref, des tubes d’un bout à l’autre. La parution de cet album a aussi coïncidé avec les sorties de deux des films les plus marquants dans lesquels David Bowie a joué : The Hunger (Les prédateurs), de Tony Scott, et Merry Christmas Mr. Lawrence (Furyo), de Nagisa Oshima. La grandiose tournée The Serious Moonlight, organisée dans la foulée, a couronné une année royale.
Station to Station
En 1975, David Bowie pèse environ 80 lb, le genre de risque qui vous guette lorsque vous vous nourrissez exclusivement de poivrons, de lait et de cocaïne (une diète que ni La Presse ni le Guide alimentaire canadien ne cautionnent). C’est dans cet état physique, qui mènerait n’importe qui d’autre directement aux soins intensifs, que le Thin White Duke parvient, lui, à enregistrer un énième chef-d’œuvre. Il dira plus tard ne garder à peu près aucun souvenir de la création de son 10e album, à mi-chemin entre la soul plastique de Young Americans et la réinvention kraftwerkienne de sa trilogie berlinoise à venir. It’s too late to be grateful ? Pas du tout.
The Best of David Bowie 1969/1974
Mis à part Blackstar, entre autres pour les motifs judicieusement exposés par le collègue Cassivi, l’album que j’ai le plus écouté est sans contredit The Best of David Bowie 1969/1974. Eh oui ! Sacrilège, une compilation… Dans la frugalité adolescente, la découverte de classiques — excusez le retard générationnel — se faisait davantage à coup de « best of » abordables que d’albums studio. Cela dit, je me rappelle très bien l’effet vers mes 16 ou 17 ans, conducteur tout neuf dans sa vieille bagnole, de la succession « grichonnante » de Space Oddity, Starman, Ziggy Stardust, Oh You Pretty Things, Changes, The Prettiest Star, Life on Mars ? ou encore All the Young Dudes. Je découvrais en une heure que toutes ces chansons entendues par la bande, que toutes ces chansons acheminées par d’autres voix, que toutes ces chansons créées dans une courte période de cinq ans, c’était l’œuvre d’un seul et même génie.
Se souvenir de David Bowie | La Presse - La Presse
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