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Sunday, January 16, 2022

Le cinéaste Jean-Claude Lord s'éteint à l'âge de 78 ans - La Presse

Hospitalisé depuis le 30 décembre dernier après avoir subi un AVC, le cinéaste Jean-Claude Lord est mort samedi en fin de soirée à l’âge de 78 ans, a annoncé son fils Jean-Sébastien sur Facebook.

Publié à 10h40
Luc Boulanger
Luc Boulanger La Presse

Réalisateur, scénariste, monteur et producteur, Jean-Claude Lord a rayonné tant au cinéma qu’à la télévision depuis ses débuts il y a un demi-siècle. Il s’est inscrit dans l’histoire du cinéma et de la télévision au pays, en signant une quinzaine de films et une trentaine de séries télévisées, documentaires, téléréalités et téléfilms.

À la fois populaire et politique, son cinéma avait souvent un message à livrer. Le réalisateur a touché le public du septième art à travers des œuvres marquantes et accessibles. « J’aime les sujets d’actualité qui peuvent provoquer les gens en les divertissant, aimait-il dire. La réalité dépasse toujours la fiction. Que peut-on y faire ? ! »

« Son engagement social était au cœur de son travail, il aimait déranger, émouvoir, provoquer et raconter des histoires à sa manière. Il se définissait lui-même, non pas comme un artiste, mais comme un “communicateur” qui aimait remettre en question les valeurs de [la] société dans laquelle nous vivons », a écrit son fils Jean-Sébastien, lui-même cinéaste, sur Facebook.

Un réalisateur exigeant et préparé

Dès son annonce, le décès du cinéaste a suscité des réactions du milieu artistique.

« Je ne serais pas devenu l’acteur que je suis aujourd’hui si je n’avais pas croisé Jean-Claude Lord », affirme d’emblée Denis Bouchard, qui incarnait le rôle de Lucien Lulu Boivin dans Lance et compte, dont la première saison a été réalisée par Jean-Claude Lord. « Il a révolutionné la télévision québécoise », dit-il.

« Il travaillait très rapidement. Il fallait que tu sois très bien préparé, il ne fallait pas apprendre ses textes en arrivant sur le plateau. Il était très exigeant. Ils savaient exactement ce qu’il voulait et, surtout, il adorait les acteurs », détaille l’acteur.

Marc Messier, qui incarnait Marc Gagnon dans la série télévisée, abonde dans le même sens. « Jean-Claude était extrêmement préparé, il participait au texte et il savait exactement ce qu’il voulait », dit-il.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Le réalisateur Jean-Claude Lord et les acteurs Marc Messier et Carl Marotte, en 2003

Jean-Claude Lord est à l’origine de plusieurs carrières d’acteurs, comme Marina Orsini estime M. Messier. « J’avais plusieurs scènes avec un personnage qui s’appelait Suzie Lambert. Quand je lui ai demandé qui allait jouer le personnage, il m’avait dit qu’il avait choisi une fille qui était très bonne et intense. C’était Marina Orisini. Il a pris une chance en choisissant une fille de 17 ans qui n’avait pas d’expérience. On voit aujourd’hui l’actrice qu’elle est devenue », dit-il.

Selon l’auteur de Lance et compte Réjean Tremblay, Jean-Claude Lord a légué une grande ouverture à la culture populaire. « On a trop souvent tendance à mépriser le peuple. Lui n’a jamais travaillé pour les élites », dit-il.

« Quand j’allais sur le plateau de Lance et compte, c’était lui le patron. Je me sentais comme un visiteur privilégié, parce que c’était son univers. J’avais un profond respect pour son travail », se remémore-t-il.

Les réactions ont également afflué sur les réseaux sociaux.

Le réalisateur était très critique envers l’autorité, le patronat, les élites culturelles et politiques. À ses yeux, le pouvoir absolu finit toujours par corrompre absolument. « Les plus pourris sont ceux qui sont à la tête du système, de cette espèce d’empire d’argent », témoigne Lord, en introduction à Parlez-nous d’amour, son film culte diffusé sur la plateforme Éléphant. Dans cette charge cruelle et virulente réalisée en 1976, le réalisateur, et son scénariste, un certain Michel Tremblay, dénoncent l’industrie des artistes de variétés à la télévision.

Le film avait été très mal reçu à l’époque, avant de devenir culte des décennies plus tard. « Jamais je n’aurais pu croire que ce film connaîtrait une nouvelle vie, avait confié le cinéaste, en 2014, au critique de cinéma de La Presse, Marc-André Lussier. Je me suis tellement fait massacrer quand il est sorti ! Ce n’est qu’il y a cinq ou dix ans qu’on a commencé à m’en reparler. […] Il y a parfois de ces retours des choses qu’on n’attendait pas du tout ! »

Le premier couple homosexuel du cinéma québécois ?

Issu d’un milieu populaire, Jean-Claude Lord a été influencé dans sa jeunesse par des films grand public avec un aspect sociopolitique, comme la comédie musicale West Side Story ou Z, de Costa-Gavras. Dans l’un de ses premiers films, Délivrez-nous du mal, réalisé en 1966, Lord met en scène un couple d’amants homosexuels interprétés par Yvon Deschamps et Guy Godin. Sans doute l’un des premiers couples gays du cinéma québécois ? Ce qui est exceptionnel pour un créateur hétérosexuel à cette époque, encore marquée par le sceau de la religion catholique au Québec.

Par la suite, il va s’intéresser à un groupe d’étudiants et d’activistes dans Bingo, l’un des plus gros succès commerciaux du cinéma québécois dans les années 1970 ; et aussi à un scandale environnemental, dans le suspense Panique, où une usine verse des produits chimiques dans l’eau du Saint-Laurent, contaminant des milliers d’enfants dans la métropole. On lui doit aussi Les Colombes, en 1972, Éclair au chocolat en 1978, ainsi que le classique jeunesse La grenouille et la baleine, avec la jeune Fanny Lauzier et Marina Orsini, l’une de ses muses.

D’ailleurs, Jean-Claude Lord qui a dirigé Marina Orsini dans L’Or et Lance et compte, a lancé les carrières de plusieurs jeunes actrices québécoises dans les années 70 et 80, comme Isabel Richer, Geneviève Brouillette… sans oublier Lise Thouin, sa conjointe et la mère de ses deux enfants Marie-Noëlle Lord et Jean-Sébastien Lord.

Le passage au petit écran

Après le cinéma, la télévision a été le terrain de jeu de Jean-Claude Lord. Il a réalisé la première saison de la série culte Lance et compte, qui lui a valu un Prix Gémeaux, en 1987. Il va révolutionner la façon de tourner des séries sur les plateaux de télé québécois, mais il va aussi être taxé de populisme. « Ce qu’on me reprochait beaucoup ici, au Québec – ma nature américaine, mon style américain –, c’était un atout [pour Lance et compte], explique-t-il aujourd’hui. Mais ça, je ne le savais pas avant », a-t-il confié au micro de Stéphan Bureau, en mai 2019.

Dans les années 2000, il signe les nombreuses suites de cette populaire série, écrite par Réjean Tremblay, sur le milieu du hockey professionnel. Il a aussi réalisé Diva, Jasmine, Lobby et Quadra, une dramatique qui a lancé la carrière télé de Maxime Denommée, en 2000.

Plus récemment, le cinéaste a fait quelques longs métrages en anglais, dont le thriller d’épouvante Visiting Hours, mettant en vedette William Shatner et Michael Ironside. Lord a aussi tourné des épisodes de 30 vies et de la première saison de District 31, en 2016.

Les honneurs

En 2017, Jean-Claude Lord a reçu le prix Guy-Mauffette pour l’ensemble de sa carrière, un des prix les plus prestigieux décernés par le gouvernement du Québec à un créateur pour sa contribution remarquable au domaine de l’audiovisuel.

Lors des prix Gémeaux en 2017, Gabriel Pelletier, président de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, a décrit ainsi l’apport de Jean-Claude Lord au paysage culturel : « Son plus inestimable legs à la vie culturelle québécoise aura été de réaliser des œuvres divertissantes qui, pour la plupart, nous auront également fait réfléchir. »

Durant plus d’un demi-siècle, malgré les obstacles qui se sont dressés devant lui, Jean-Claude Lord s’est toujours battu pour porter à l’écran ses convictions sociales. « Je suis quelqu’un qui sait se battre pour ses idées et qui a réussi à en concrétiser au moins une douzaine, ce qui justifie selon moi près 55 ans de métier », a-t-il déclaré en novembre 2017, en recevant son Prix du Québec.

Les cérémonies pour commémorer sa vie auront lieu ultérieurement « au moment où les conditions sanitaires pourront se prêter à un rassemblement plus significatif », a écrit son fils Jean-Sébastien sur Facebook.

Avec Alice Girard-Bossé, La Presse

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