À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Saviez-vous que de nombreux artistes originaires de Laval éprouvent une certaine honte à provenir de cette ville ?
Quand j’ai entendu l’émouvante nouvelle chanson de Luc de Larochellière qui parle de son enfance à Laval-des-Rapides, ça m’a étonné. En fait, c’est un album entièrement voué à Laval, avec références au pont Viau et au Centre Laval, que lançait l’artiste cette semaine.
Beau Dommage a depuis belle lurette immortalisé en chanson des quartiers de Montréal ; en comparaison, artistiquement, Laval n’existe pas. Comme si la vie sur l’île Jésus se limitait au Collosus et au (défunt) Fuzzy, aux centres commerciaux sans âme, aux boulevards déglingués, aux quartiers sans histoire où il ne se passe rien, et qui n’inspirent rien. « Si je me disais de Laval, les gens souriaient... Laval, c’était une coche en dessous de Longueuil », raconte Luc de Larochellière, arrivé à Montréal dans les années 1980.
La mal-aimée
L’idée de chanter Laval ne lui effleurait pas l’esprit. « Michel Rivard a commencé sa carrière en chantant le quartier de son enfance. Moi, j’ai dû attendre la maturité de mes 54 ans pour y arriver. »
Au lancement de son album Rhapsodie lavalloise au Cabaret Lion d’or, j’ai convié deux jeunes artistes qui se revendiquent de Laval.
La poète Ariane Gagnon, 33 ans, avoue avoir renié son île natale pendant ses études en création littéraire à l’UQAM. À la fin de la vingtaine, non seulement elle s’est rapatriée, mais elle a dédié son recueil intitulé Dissection d’un dégoût à « Laval, ma ville palindrome mal aimée ».
Quant au musicien Marc Gravel, 33 ans également, c’est un pur. Parce que ses camarades au cégep de Saint-Laurent se moquaient de son origine, il a décidé de surenchérir en adoptant le nom d’artiste « Marc Gravel de Laval ».
« Fabriqué à Laval »
Pendant trois ans, M. Gravel a proposé à sa ville d’identifier dans ses bibliothèques les livres ou albums faits à Laval. Et il s’est retrouvé le porte-parole de cette initiative appelée « Fabriqué à Laval ».
Récemment nommé aux Gémeaux pour la musique de la série Le dernier felquiste, M. Gravel va lancer un album le printemps prochain. Comme Luc de Larochellière, même ce militant de la « lavallité » risque de devoir faire ça... à Montréal !
« Laval compte 440 000 habitants, mais il n’y a pas de salle convenable pour un lancement d’artiste émergent, et ça contribue au problème », déplore-t-il.
« Je n’ai pas pu lancer mon recueil dans mon quartier parce qu’il n’y a pas de librairie à Sainte-Rose », ajoute Mme Gagnon.
Tête de Turc
Je m’explique mal les raisons du snobisme anti-Laval. « Le modèle culturel et urbanistique de Laval incarne l’opposé de ce que représente le Plateau ou Rosemont ou Villeray et, à cause de sa proximité et de cette différence, Laval sert de repoussoir, d’anti-modèle », explique l’essayiste Mathieu Belisle, dont l’essai Bienvenue au pays de la vie ordinaire explore l’univers de la banlieue.
Selon M. Belisle, Laval aura peut-être la paix parce que Montréal s’est trouvé une nouvelle tête de Turc. « Le nouveau repoussoir des quartiers branchés de Montréal, c’est Québec et ses radios poubelles, qui font rire et qui suscitent le mépris. »
Faut-il encore avoir honte de venir de Laval? - Le Journal de Montréal
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