La présence de Daniel Lanois, jeudi soir sur la scène principale du Festival de jazz, a fait l’effet de l’accolade d’un ami retrouvé. Et par une douce soirée de fin d’été, arrivent vite les souvenirs. Les premiers sont venus d’Acadie, album bilingue enregistré en 1989 en compagnie de Brian Eno et d’Adam Clayton (U2), entre autres. De Stormy Sky, plus précisément : « He Bebette, danse avec moi », a doucement déposé le chanteur.
« On a commencé avec une chanson francophone », a mis en relief le Québécois de naissance, qui possède des studios prisés à Los Angeles et à Toronto.
Veston doré sur les épaules, foulard triangle au cou, bandana et chapeau noirs sur la tête, le chanteur originaire de Hull a tôt fait de convier Jolie Louise, question de se représenter : « Mon nom est Jean-Guy Thibault-Leroux, I come from East of Gatineau ».
Le public écoutait religieusement. Il aurait pu le faire davantage si Daniel Lanois avait choisi de s’attaquer à son plus récent album, le très gospel Heavy Sun (2021). Or, il y a seulement pioché Every National — l’histoire d’un Micmac de la Nouvelle-Écosse qui cherche du travail à Toronto – et Power, pièce exaltante à forte teneur dub durant laquelle Lanois est allé bidouiller à la console de son.
Sans doute parce qu’il devait voyager léger, ou bien parce qu’il en avait envie, le producteur-chanteur a plutôt grugé le répertoire folk-rock d’Acadie et de Shine (2003). JJ Leaves L.A., qui y figure, a donné lieu à un instant solennel, alors que le chanteur s’est installé derrière la pedal steel, devant une foule captive.
Plus tôt, l’interlude semi-improvisé de The Maker avait aussi créé un instant de complicité mémorable entre Lanois et son guitariste et bassiste, Jim Wilson. Kyle Crane, en retrait, se chargeait de la batterie et des percussions avec sobriété.
« C’est la première fois que nous jouons en deux ans. Mon français est très brisé ce soir, alors je vais devoir speak English », avait averti Lanois, qui a tout de même été salué pour ses efforts. Chaque fois, par la bande, le public applaudissait aussi un producteur québécois qui a écrit l’histoire de la musique — et continue de le faire — avec U2, Bob Dylan, Peter Gabriel, Neil Young, Willie Nelson et tellement d’autres.
« Merci beaucoup, tout le monde à Montréal, à bientôt ! », a promis Daniel Lanois en fin de spectacle. Parions que beaucoup voudront le revoir pour un vrai concert de Heavy Sun. Tous ont néanmoins retrouvé un ami et sa valise à souvenirs. C’est déjà beaucoup.
Teke::Teke
Un court passage au concert de Teke::Teke a permis de capter l’essence du collectif aux influences punk-psycho-noise-shoegaze-et-bien-plus. Aux influences nippones, surtout, puisque les musiciens ont d’abord été soudés, en 2017, par leur amour pour le guitariste surf-rock Takeshi Terauchi.
La performance s’est ouverte avec un bref monologue théâtral en japonais, qui a fait place à l’introduction instrumentale des huit musiciens, parmi lesquels le guitariste Serge Nakauchi Pelletier, le bassiste Mishka Stein et l’hypnotique Maya Kuroki, dont les prestations vocales s’accompagnent d’un évident bagage théâtral.
L’essentiel des compositions auxquelles nous avons pu prêter l’oreille jeudi était tiré de Shirushi, paru en mai 2021 sous le prestigieux label Kill Rock Stars. Il était prévu que ce premier opus, où les guitares distordues concourent avec des instruments traditionnels du pays du Soleil levant, allait trouver toute sa pertinence et sa valeur sur scène. L’échantillon glané jeudi a fait foi de confirmation.
« Ça fait un an et demi qu’on n’a pas joué à Montréal, a lancé le collectif. Vous nous avez manqués. » Nous les reverrons avant longtemps.
Plants and Animals
Le trio de rock indé Plants and Animals, adopté par Montréal et habitué du Jazz, a offert jeudi quasi intégralement son déroutant Jungle (2020). L’album a beau compter huit titres et durer une grosse demi-heure, seule Bold n’a pas fait le voyage jusqu’à la scène principale.
Matthew Woodley à la batterie, Nicolas Basque au clavier, Warren Spicer à la guitare : tout était en place pour ouvrir, conformément à l’album, avec la pièce-titre aux allures de jam psychédélique. Un départ un peu timide a été positivement interrompu par Sacrifice, qui a électrifié la scène – Basque avait alors récupéré sa guitare — et électrisé la foule.
Autre dose d’adrénaline grâce à Faerie Dance, pièce déterrée de Parc Avenue (2008). « On va jouer une chanson qui vient de notre jeunesse », avait annoncé en français Warren Spicer, peu loquace, mais visiblement de belle humeur sous sa chevelure luxuriante.
Ceux qui ont contribué à forger le « son de Montréal » reviendraient à cet album inaugural pour la ballade À l’orée des bois, qui se conclut en français. Un joli clin d’œil à la foule presque uniquement locale, pandémie oblige.
« Ça fait longtemps que je n’ai pas vu autant de personnes, sauf à la SAQ », a lancé Spicer, avant que la douce voix d’Adèle Trottier-Rivard se joigne à la délicate Le Queens.
En fin de piste, le rock stroboscopique de House Is Burning, défendu par trois guitares, a démontré que le trio sait encore mettre le feu.
Si les fans de la première heure n’ont pas pu chanter en chœur Bye Bye Bye et d’autres classiques unificateurs, Plants and Animals a prouvé que Jungle tenait la route en concert. Il faudra peut-être encore un peu de temps pour que le public, plutôt discret jeudi soir, s’approprie ce répertoire récent, moins pop, plus exploratoire.
Festival de jazz | Daniel Lanois, un ami retrouvé - La Presse
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