Drôle, fantasque et fragile: l’actrice américaine Kristen Stewart réussit son pari périlleux d’incarner la princesse Diana, décédée il y a 24 ans, dans « Spencer », un film signé Pablo Larrain présenté vendredi au festival de Venise.
Cette icône, disséquée dans moult documentaires, séries et films, a-t-elle encore quelque chose à dévoiler? En presque deux heures, le cinéaste chilien répond par l’affirmative en universalisant l’intimité de cette femme qui ne réussit plus à respirer, étouffée par le protocole corseté des Windsor mais refusant de renoncer à sa liberté.
«Une fable tirée d’une tragédie»: l’incipit du film donne le ton. C’est Noël et la famille royale se réunit au grand complet au château de Sandringham, posé au milieu d’impeccables jardins à la française très photogéniques mais propices à la mélancolie.
Tout est réglé en cordeau mais c’est compter sans Diana, qui débarque au volant de sa Porsche décapotable après l’arrivée la reine, quasiment un crime de lèse-majesté. Tel un chien dans un jeu de quilles, elle n’arrive pas à se plier au carcan des règles quasi-militaires qui régissent la vie quotidienne des Windsor: repas à heures fixes avec les vêtements de circonstance étiquetés pour chaque occasion.
Ce ballet bien ordonnancé se craquèle sous les coups de boutoir de Diana, qui de son côté perd pied peu à peu: les infidélités de son mari avec «elle» (Camilla, celle dont on ne prononce pas le nom), le regard des autres et les troubles alimentaires qui la tenaillent n’arrangent rien. Elle rejette cette vie et repense avec nostalgie à la liberté de son enfance.
«Nous ne voulions pas seulement créer sa réplique, mais utiliser le cinéma et ses outils pour donner vie à un monde intérieur qui trouve le juste équilibre entre le mystère et la fragilité de son personnage», a expliqué Pablo Larrain, qui s’est dit fasciné par son «mystère» et son «magnétisme», «des éléments parfaits pour un film».
La présence de Diana/Kristen irradie l’écran, au point de totalement éclipser les personnages secondaires, qui gravitent comme d’importuns papillons autour d’une ampoule incandescente: tout comme sur les photos prises de son vivant, on ne voit qu’elle. Servie par des costumes impeccables et une musique mêlant classique et jazz, Diana mène ou subit la danse, mais reste toujours au centre, pour son plus grand désespoir.
Une domestique lui glisse un sage conseil: «Ils ne changeront pas, vous devez changer, vous» Peine perdue! Elle ne se fait non plus aucune illusion sur sa «beauté, inutile comme un vêtement» et qui la condamne à vivre «sous un microscope comme un insecte auquel on coupe la tête et les pattes».
Elle se voit comme une nouvelle Ann Boleyn, l’une des épouses qu’Henry VIII trompera et finira par faire décapiter. La scène où Diana et Charles, séparés par une très symbolique table de billard, tentent de s’expliquer, résume parfaitement le dialogue de sourds entre ces deux personnalités incompatibles qui finiront par se quitter.
«Le plus triste dans cette histoire, c’est que nous ne saurons jamais qui elle était vraiment, et pourtant c’était tout ce qu’elle voulait, raconter elle-même son histoire», a observé Kristen Stewart devant la presse.
À travers «Spencer», le nom de jeune fille de Diana, Pablo Larrain a voulu «approfondir le processus à la base des choix de Diana, qui oscille entre doute et détermination et finit par choisir la liberté», «une décision qui a défini son héritage».
Surfant sur le «miracle» de la performance de Kristen Stewart (dixit Larrain!), «Spencer» réussit brillamment à échapper aux écueils sur lesquels avait fait naufrage en 2013 «Diana», avec Naomi Watts dans le rôle titre, à la fois le plus cher des films ayant été consacré à la princesse et l’un des plus mauvais, de l’avis général.
Le journal The Guardian était allé jusqu’à écrire que seize ans après la mort de Diana à Paris en 1997, à 36 ans, dans un accident de voiture, le film signait «une nouvelle mort horrible» de la princesse.
24 ans après sa mort, Diana renaît dans la peau de Kristen Stewart - TVA Nouvelles
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