L’homme accusé d’avoir assassiné sans raison une parfaite inconnue dans une bijouterie des Galeries St-Hyacinthe au début du mois a déjà été une étoile du baseball au Québec, ce qui lui avait d’ailleurs valu d’être repêché par les Orioles de Baltimore. L’espoir a toutefois connu ensuite une brutale descente aux enfers, sombrant dans la drogue et vivant dans la rue depuis de nombreuses années.
À l’été 1998, Marc-André Houle était pourtant le point de mire de ses coéquipiers. À peine âgé de 20 ans, le lanceur venait de se faire remarquer par des recruteurs du baseball majeur. Sa sélection au 39e tour du repêchage a permis au colosse de 6 pi 3 po d’encaisser un boni de 12 500 $ US à l’époque.
« Il était talentueux. Il avait un bon bras, un bon physique », se souvient le dépisteur Alex Agostino.
Comme plusieurs, il est tombé des nues d’apprendre que celui qui fut autrefois un athlète d’élite s’était retrouvé à la rue, puis tout récemment accusé de meurtre prémédité.
Reconnus par ses proches
Ceux qui ont côtoyé Houle sur des terrains de baseball se souviennent d’un jeune homme calme, gêné et discret.
Un portrait à mille lieues de l’individu agressif aperçu sur les images captées par des caméras de surveillance d’un centre commercial de la Montérégie où une inconnue a été assassinée le 11 août dernier.
Sur la courte vidéo, on y aperçoit un homme muni d’un couteau qui se dirige au pas de course vers la bijouterie Brunelle. Il sort du cadre de la caméra à peine cinq secondes puis réapparaît en marchant calmement vers la sortie. Entre les deux séquences, Manon Savoie, 54 ans, a été poignardée à mort.
L’enquête a établi qu’il n’y avait aucun lien entre la victime et le suspect. Par la suite, Houle avait volé un camion de déménagement et avait été pourchassé sur 80 km par les policiers avant d’être arrêté.
« Dès que j’ai vu les images [des caméras de surveillance], je l’ai reconnu, juste comment il se déplaçait », lance Jean-François Guimond, qui a connu Houle à 15 ans.
D’autres anciens coéquipiers ont aussi confié avoir reconnu sa démarche, la même qu’il avait il y a 20 ans lorsqu’il quittait le monticule, d’un pas rapide et un peu penché vers l’avant.
« Ç’a été la plus grosse surprise. On ignorait où il était rendu. C’était vraiment un bon gars », raconte Éric Charron, qui a joué dans les rangs mineurs avec Houle, avant d’être repêché par les Expos de Montréal en 1999.
Envié par ses pairs
Houle, un athlète droitier, s’était fait remarquer dans les mineurs pour sa « balle rapide ». Un de ses lancers avait même déjà atteint une vitesse de 92 milles à l’heure (148 km/h).
« J’étais présent ce soir-là, un dépisteur avait calculé ça avec un radar ! Il n’y avait pas grand monde au Québec qui avait atteint cette vitesse. Marc-André n’était pas le genre de personne à se vanter, mais je me souviens du sourire qu’il avait dans la face après », raconte Stéphane Lepage, responsable du programme sport-études à l’école Édouard-Montpetit à Montréal.
Être repêché par les Orioles de Baltimore avait une saveur toute particulière pour Houle, qui avait porté les couleurs du club junior des Orioles... d’Ahuntsic, à Montréal.
« Écoutez, il s’en allait jouer pour l’équipe qu’on a suivie toute notre jeunesse, celle qui a inspiré l’identité de notre club junior, j’étais vraiment content pour lui », lance son ancien coéquipier et ami, Ron Trudel.
En 1998, Houle a joué pour un collège américain à Des Moines, en Iowa, puis il s’est rendu à Sarasota, pour évoluer au sein de la ligue des recrues en Floride. Il y est resté jusqu’en 2000, même s’il se plaignait d’être peu rémunéré et du régime strict auquel il disait être soumis : réveil à 6 h, entraînement jusqu’à 11 h 30, le tout suivi d’un match en journée.
Sans nouvelles
« Quand il est revenu, il m’a parlé de ces années-là. Il disait qu’il mangeait des sandwichs au beurre d’arachides et à la confiture tous les jours parce qu’il n’était payé que 850 $ par mois pour jouer », se rappelle aussi Jean-François Guimond.
« Ça n’a pas été les performances attendues. J’ai l’impression qu’il a trouvé ça difficile », se souvient M. Trudel.
À son retour des États-Unis, Houle a poursuivi sa carrière chez les juniors, pour les Élites de Montréal, puis il a joué dans le senior quelques années.
« À ce moment, il faisait un peu de coke. Il chiquait son tabac dans son coin, il ne parlait à personne », dit M. Guimond.
Après 2005, plus personne n’a eu de ses nouvelles. Son ami Ron Trudel dit l’avoir cherché, en vain. Au printemps, il a appris que Houle avait depuis connu une lente descente aux enfers.
« J’avais entendu dire qu’il n’allait pas bien et que son père s’ennuyait de lui. Mais j’ignorais si c’était vrai », ajoute M. Trudel.
Il en a eu la confirmation il y a trois semaines, après l’arrestation de Houle pour le meurtre à Saint-Hyacinthe. On a alors appris que l’homme de 43 ans vivait dans la rue depuis 10 ans, qu’il était maintenant connu pour ses sautes d’humeur et sa toxicomanie.
Les problèmes de l’ancien espoir des Orioles avec les forces de l’ordre ont débuté en 2015, d’abord pour de petits crimes tels des méfaits ou ivresse sur la voie publique. En juin 2020, il a par contre été accusé de vol de véhicule, voies de fait sur des policiers et vol d’un cinémomètre laser lors d’une intervention qui a dégénéré.
Besoin d’aide
« Il prenait beaucoup de speed. Il pouvait être une dizaine de jours sans dormir », raconte une amie de Houle, qui a demandé à ce qu’on taise son nom.
Elle l’a connu en 2018. L’homme allait parfois se réfugier chez elle, « pour se reposer ». Puis au bout de quelques jours, il repartait. Sinon, il dormait dans la rue, ou à la Maison du Père, sur René-Lévesque, à Montréal.
Au début de la pandémie, elle l’avait mis dehors de chez elle puisqu’il ne respectait pas les mesures sanitaires et craignait qu’il ne l’infecte. Elle ne l’a pas revu.
« Je l’ai tellement cherché, je pensais qu’il était décédé. Quand j’ai appris pour le meurtre, mon cœur a failli arrêter », lance-t-elle.
Si elle accepte de parler de sa relation avec Houle, c’est qu’elle déplore le manque d’aide aux itinérants et toxicomanes. Mais aussi parce qu’elle se sent coupable.
« Pour la madame [qui est morte] et pour lui. Si j’en avais fait un peu plus pour l’aider, peut être que tout ça ne serait pas arrivé. », souffle-t-elle.
Lorsqu’il était à Montréal, Marc-André Houle avait l’habitude de quêter de l’argent au coin des rues Ontario et Papineau.
« Ça faisait des mois que je ne l’avais pas vu. Il était à la campagne, mais il est revenu il y a trois semaines », lance Steve Béland, qui avait l’habitude de partager avec Houle le « spot le plus payant » pour quêter.
« Il a dit qu’il allait à Saint-Hyacinthe aller-retour. Quand on a vu ça [le meurtre] aux nouvelles, on a su que c’était lui », se désole Paul Gagné, qui côtoyait Houle au parc coin Ontario et De Lorimier.
Arrêté à Montréal la veille
Le 10 août, Houle a été arrêté à Montréal pour des méfaits sur des pancartes de la Ville, survenus il y a un an. Il a comparu à la cour municipale le jour même. La poursuite ne s’était pas opposée à sa libération sous caution, mais avait suggéré qu’il intègre un programme d’accompagnement en santé mentale. Il devait résider à l’Inter-Mission, à Saint-Hyacinthe, où il venait de compléter une thérapie en toxicomanie.
Il a ainsi été relâché. Le lendemain, il se serait rendu aux Galeries St-Hyacinthe pour y commettre un geste insensé et irréparable.
– Avec Michaël Nguyen, Andrea Valeria et Jonathan Tremblay
Brutale descente aux enfers: d'espoir du baseball majeur à itinérant accusé de meurtre - Le Journal de Montréal
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