Incapables d’avoir tout le personnel nécessaire, des hôteliers se voient forcés de refuser des clients en pleine saison estivale. Une situation qui plombe la relance dans l’industrie, alors que les établissements tentent de se refaire une santé financière.
La fin de semaine du 3 juillet, la chaîne Les Hôtels JARO a notamment dû fermer environ 600 chambres sur ses quelque 1200 à travers son réseau de sept hôtels et auberge, étant incapable d’assurer l’entretien ménager.
Le lundi 5 juillet, à titre d’exemple, la direction des Hôtels JARO a raconté que 82 chambres devaient être nettoyées à l’hôtel Lindbergh. Personne n’était toutefois disponible pour cette tâche.
«Nous n’avons jamais vu ça! [...] Là, nous avons la chance de reprendre nos activités et on ne peut pas louer, car nous n’avons pas assez de monde», s’inquiète Nancy Robitaille, gestionnaire pour Les Hôtels JARO, essoufflée par la situation. «Les buanderies ne sont même pas capables de nous livrer les linges, soit les serviettes et la literie», poursuit-elle.
La pénurie de travailleurs va faire perdre des centaines de millions à l’industrie, selon une étude (voir autre texte).
Cette dernière chiffre à environ «200» le nombre de travailleurs qu’il manque dans son organisation ainsi que chez ses fournisseurs de service. Elle fait affaire avec un sous-traitant notamment pour l’entretien des chambres.
Mme Robitaille dit avoir analysé la possibilité d’utiliser plus de travailleurs étrangers pour répondre à ses besoins, mais en raison de la paperasse nécessaire, cette option n’est pas possible dans un délai à court terme.
«On ne sait plus sur quel pied danser. [...] C’est la catastrophe, il n’y a personne qui veut travailler», avance-t-elle, concédant qu’il y a aussi «une chasse aux salaires».
Le groupe Germain Hôtels a également dû limiter le nombre de chambres disponibles dans certains établissements, la fin de semaine du 3 juillet, en raison du manque d’employés. La situation affecte aussi certains services de restauration de la chaîne, notamment dans Charlevoix.
«On vit cette situation plus au Québec qu’ailleurs au Canada», confie la coprésidente Christiane Germain
«Bien sûr, c’est inquiétant. [...] Imaginez-vous, ça fait un an qu’on en arrache. Là, nous avons la possibilité de remplir nos hôtels et nous ne sommes pas capables de le faire», ajoute-t-elle.
Les hôteliers estiment que la Prestation canadienne de la relance économique nuit à leurs efforts de recrutement.
Propriétaire de quatre hôtels dans le Vieux-Québec, Michelle Doré doit s’improviser serveuse certaines journées. Elle a aussi été contrainte récemment de fermer des chambres.
Sur six entrevues prévues en une journée au début juillet, quatre candidats ne se sont pas présentés et les deux personnes embauchées ne se sont jamais pointé le bout du nez à leur premier quart de travail, déplore-t-elle.
Mme Doré va même jusqu’à discuter avec des passants dans la rue pour trouver des employés.
Les propriétaires d’hôtels avec qui Le Journal a discuté sont d’avis que la Prestation canadienne de la relance économique nuit à leur industrie.
Plusieurs candidats potentiels préfèrent encore rester à la maison.
Un point de vue qui est partagé par la direction de l’Association Hôtellerie Québec (AHQ)
Photo courtoisie
«Pour nous, c’est en enjeu majeur. Cela n’aide pas du tout», dit le PDG, Xavier Gret.
Certains hôteliers estiment aussi que les programmes du gouvernement pour aider les gens touchés par la pandémie à se requalifier ont eu comme effet d’augmenter la rareté de la main-d’œuvre dans certains secteurs.
Quels sont les critères qui permettent aux gens de réclamer la Prestation canadienne de la relance économique? Voici un aperçu.
- Baisse de 50 % du revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente.
- Vivre et avoir un domicile au Canada.
- Avoir plus de 15 ans.
- Ne pas avoir quitté son emploi ou réduit ses heures de façon volontaire après le 27 septembre 2020, sauf pour des raisons valables.
- Être à la recherche d’un emploi pendant la période.
- Ne pas refuser un travail raisonnable pendant la période de 2 semaines visée par la demande. Sinon, on s’expose à des pénalités.
- Le montant des paiements aux deux semaines est de 600 $ avant impôts.
Source : Gouvernement du Cana
La rareté de la main-d’œuvre pourrait priver l’ensemble des hôteliers du Québec de revenus se chiffrant entre « 776 et 958 millions $ » d’ici 2023, selon une étude fournie au Journal par l’Association Hôtellerie Québec (AHQ).
«Ce sont des revenus considérables. On trouve cela catastrophique», s’inquiète le PDG, Xavier Gret. Ces derniers mois, plusieurs établissements hôteliers partout dans la province sont sortis dans les médias pour faire part de leurs craintes concernant les impacts du manque de personnel durant la saison estivale. Aujourd’hui, ces prévisions s’avèrent, malheureusement, concrètes pour plusieurs.
Le manque d’employés en cuisine force des hôteliers à limiter leur nombre de clients lors des repas, la rareté du personnel en entretien ménager oblige des propriétaires à fermer des chambres, et les difficultés de recrutement pour les services à la réception entraînent de plus longs délais d’attente.
Selon un scénario pessimiste de l’étude des groupes Agéco et Dameco, les recettes à risque en raison du manque de personnel dans le secteur de l’hôtellerie s’élèvent à 221 M$ en 2021. Le scénario optimiste prévoit des pertes de 252 M$ et le scénario de base prévoit un gouffre de 242 M$.
Selon les prévisions, ces montants devraient continuer d’augmenter, au cours des deux prochaines années, et ce, de plusieurs millions de dollars.
Par ailleurs, en 2021, l’industrie devrait compter entre 1823 et 2087 salariés en moins, entre autres en raison des nombreux changements de carrière. Ces chiffres devraient également grimper jusqu’en 2023. C’est pourquoi l’AHQ demande aux gouvernements de valoriser rapidement davantage certains métiers dans les cuisines et à l’entretien ménager, notamment avec de la promotion et des incitatifs fiscaux.
Ces derniers mois, plusieurs métiers de la restauration, comme cuisiniers et chefs, ont été retirés de la liste des professions admissibles au traitement simplifié pour le programme de travailleurs étrangers temporaires. L’AHQ aimerait que le gouvernement Legault revoie sa position.
«Le métier d’entretien ménager ne se retrouve pas sur cette liste et pourtant c’est un métier en forte pénurie de main-d’œuvre», avance M. Gret.
Pénurie d'employés en pleine saison estivale: les hôtels obligés de fermer des centaines de chambres - TVA Nouvelles
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