Depuis la découverte de centaines de tombes d’enfants autochtones près de pensionnats partout au pays, on a l’impression que le Canada s’ouvre les yeux. Pourtant, ces horreurs étaient connues depuis bien longtemps.
Le réalisateur Guy Lampron m’a écrit la semaine dernière pour me conseiller de visionner son documentaire, On nous appelait les sauvages, réalisé il y a six ans.
Dans ce film coup de poing, cinq victimes devenues adultes racontent les humiliations, le mépris, les sévices et les viols commis à répétition par les frères et les sœurs catholiques et protestants. Ça vous glace le sang.
INSOUTENABLE VÉRITÉ
Monsieur Lampron m’a précisé : « Ce documentaire de 107 minutes a été produit par la communauté de la réserve de Wendake à Québec avec les Fonds fédéraux pour la réconciliation. Tiré du livre biographique du chef algonquin Dominique Rankin du même titre, le film fut créé spécifiquement pour la jeunesse amérindienne, afin qu’elle découvre la source de la douleur de leurs parents et grands-parents.
Le film fut diffusé, à partir de 2016, dans l’ensemble des réserves amérindiennes du Canada. L’objectif était de faire visionner le film dans des classes de jeunes amérindiens de dix, douze ans et plus (vu la nature du sujet), en présence toujours d’un psychologue. »
Le choc psychologique est en effet immense.
Les trois hommes et les deux femmes racontent : qu’ils étaient transportés vers le pensionnat dans la boîte d’un camion, comme du bétail ; qu’on leur faisait manger du savon quand ils parlaient leur langue autochtone ; que certains enfants étaient violés, dès leur arrivée, dans la douche ; qu’après avoir été violés, les enfants étaient méconnaissables, recroquevillés au sol comme un bébé...
Que les missionnaires faisaient la ronde tous les soirs pour choisir qui serait leur victime du jour ; que les sœurs n’étaient pas mieux que les frères et agressaient aussi les petites filles autochtones ; qu’on leur faisait manger leur vomi quand ils étaient malades en mangeant de la nourriture à laquelle ils n’étaient pas habitués...
J’avoue que j’ai dû appuyer sur « pause » à plusieurs reprises pour reprendre mon souffle entre les confidences de ces adultes qui pleuraient en racontant les blessures profondes qui remontaient à la surface. « On ne vit plus, on survit », raconte l’une des victimes. « Je pensais que tous les Blancs étaient des violeurs, des abuseurs d’enfants », raconte un autre.
Dans ce documentaire étonnant, Dominique Rankin, chef algonquin qui a été violé tant par des hommes que des femmes, raconte que les aînés de sa communauté lui ont dit qu’il fallait qu’il voie ses agresseurs comme « des hommes et des femmes malades ». Il affirme qu’à partir de là, il a pu leur pardonner.
RÉVEILLEZ-VOUS
J’ai demandé à Guy Lampron (qui est allochtone) quel avait été l’impact du tournage de ce documentaire sur lui et son équipe.
« C’est sûr que cette plongée dans l’univers des pensionnats m’a beaucoup bouleversé, surtout lors du tournage des témoignages des cinq victimes. L’équipe de tournage, tout comme moi, avions régulièrement la larme à l’œil tellement c’était déchirant, de la maquilleuse au preneur de son », m’a-t-il écrit.
« L’éveil provoqué par ces exactions absentes de notre histoire collective fut brutal, je ne vous le cache pas. »
Le film est disponible gratuitement sur Viméo. Vous n’en sortirez pas indemnes.
On les appelait «les sauvages» - Le Journal de Montréal
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