Neuf ans après "Holy Motors", Leos Carax fait son grand retour : sur les écrans et à Cannes, pour lancer la 74ème édition avec "Annette". Une comédie musicale folle, belle et puissante, avec Adam Driver et Marion Cotillard.
ÇA PARLE DE QUOI ?
Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.
"Annette" réalisé par Leos Carax - Avec Adam Driver, Marion Cotillard… - Présenté en ouverture et en Compétition
TOUT LE MONDE SE LÈVE POUR ANNETTE
Vingt ans après Moulin Rouge !, c'est une autre comédie musicale qui donne le la du Festival de Cannes. Et si cette 74ème édition est au diapason de son film d'ouverture, celle-ci devrait sans aucun doute rester dans les mémoires. Car Annette est un spectacle vibrant, chantant, dansant, surprenant et parfois déconcertant, dans le bons sens du terme. "Une expérience de cinéma absolue", nous dit la bande-annonce qui ne mentait pas sur la marchandise.
Ou alors elle atténuait l'ampleur du long métrage. Là où Holy Motors, précédent long métrage du très rare et secret de Leos Carax, se présentait comme un hommage au cinéma et aux rôles que les acteurs endossent, Annette évoque plusieurs formes d'art : la chanson, l'opéra, le stand-up ou encore, de nouveau, le cinéma. Le tout dans une fable qui se penche sur la célébrité, le désir de reconnaissance et le rapport au public, en multipliant les références aux contes de fées.
Si les connaisseurs du metteur en scène, qui signe là son sixième long métrage en l'espace de trente-huit ans, sont au fait de son goût pour les couleurs éclatantes, ils risquent eux aussi d'être subjugués par la beauté plastique de cet opus dans lequel le rouge, le vert, le jaune et le bleu dominent. Mais Annette n'est pas qu'un régal pour les yeux, car nos oreilles sont aussi gâtées par les chansons signées par les Américains de Sparks, Ron et Russell Mael, à qui l'on doit également l'histoire.
Après avoir entendu l'une de leurs chansons dans Holy Motors, les deux frères ont fait mieux que remercier Leos Carax : ils lui ont offert son projet suivant, avec ce qui devait initialement être un album, avant que l'impossibilité de tourner dans le monde avec la même troupe d'acteurs ne les incite à changer leur fusil d'épaule. Ainsi est née Annette, comédie musicale qui marie le savoir-faire de Sparks à celui du réalisateur des Amants du Pont-Neuf.
Dès le numéro d'ouverture, le bien nommé "So May We Start" (que l'on peut traduire par "On peut commencer ?"), le long métrage donne le ton et annonce la couleur : alors que le metteur en scène supervise lui-même l'enregistrement du nouveau tube de Sparks, tout ce petit monde, très vite rejoint par les comédiens, sort du studio en chantant. Et nous donne littéralement un aperçu de ce qui nous attend pendant plus de deux heures, en brouillant la frontière entre fiction et réalité, et en évoquant "un budget conséquent mais pas suffisant", une équipe "pas assez préparée" et un monde conçu pour nous.
Et à l'écran, ce monde est d'une richesse qui nécessitera sans doute plus d'un visionnnage pour en saisir toutes les nuances, tous les symboles. Un univers qui assume son artificialité, mais n'oublie pas de s'ancrer dans la réalité avec une séquence qui fait écho à #MeToo. Un récit dont les couleurs éclatantes cachent une noirceur dans la manière de dépeindre le milieu du spectacle, et où les sentiments (l'amour en tête) sont exacerbés. Et des chansons, enregistrées sur le plateau par les comédiens, qui n'interviennent pas de manière traditionnelle, comme dans la majorité des comédies musicales.
Où s'arrête l'apport de Sparks et où commence celui de Leos Carax dans ce film dédié à sa fille et où l'on peut remarquer plusieurs renvois à son histoire personnelle et professionnelle ? Quand Annette nous montre par exemple à quel point la célébrité peut prendre des allures de montagnes russes, avec ses hauts et ses bas. Peut-être pas au point de voir ce long métrage comme une catharsis, mais force est de constater qu'il donne tout et ne se refuse rien.
Certaines choses fonctionnnent moins bien que d'autres. Des parti-pris de mise en scène peuvent désarçonner au sein de ce récit déstructuré. La suspension d'incrédulité est encore plus nécessaire que pour la majorité des comédies musicales. Et il y a peut-être des choses qui nous ont échappé.
Mais qu'importe : on pardonne sans aucun mal les défauts d'un film aussi beau et puissant que celui-ci, au romantisme échevelé et dans lequel Marion Cotillard et, surtout, Adam Driver, font des merveilles et nous enchantent.
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