Benedetta, de Paul Verhoeven
Une sorcière pas comme les autres
Premier « film-évènement » présenté dans la compétition officielle depuis Annette, Benedetta arrive sur la Croisette précédé d’une réputation sulfureuse, acquise non seulement grâce à la nature de son sujet, mais aussi à cause de la signature qu’il porte. Cinq ans après Elle, écarté du palmarès, mais digne d’un grand succès international, le cinéaste néerlandais Paul Verhoeven revient à Cannes avec une adaptation cinématographique d’un livre que Judith C. Brown a publié il y a plus de trois décennies. Dans Benedetta, entre sainte et lesbienne, l’autrice relatait le véritable procès d’une religieuse au début du XVIIe siècle, à Florence, où l’on accusa cette dernière d’avoir commis le péché de la chair avec une autre femme. Apparemment, ce procès s’est révélé unique dans l’histoire du christianisme.
Personne ne s’étonnera de l’intérêt qu’a pu porter à cette histoire un réalisateur dont les films, The Fourth Man et Basic Instinct notamment, tournent souvent autour du désir et des pulsions. Benedetta permet en outre au cinéaste chevronné de proposer un ambitieux cocktail de sexe, de sang et de mort, parfois surfait mais toujours percutant, où l’hypocrisie des uns et des autres se heurte aux convictions d’une femme dont on ne sait si elles relèvent de l’hallucination sincère ou du mensonge.
Alors que la peste se propage en Italie, Benedetta, enfant aussi allumée que pieuse, entre au couvent de Pescia, en Toscane, et montre déjà des signes de dons particuliers. Devenue adulte et « épouse de Jésus », la jeune femme, interprétée adulte par Virginie Efira, est saisie de visions qui laissent croire à des miracles, et commence progressivement à exercer le pouvoir que ce statut lui confère. Jusqu’au jour où arrive Bartolomea (Daphne Patakia), une jeune fille battue dans sa famille, régulièrement violée par son père et ses frères, qui supplie la mère supérieure (Charlotte Rampling) de lui donner refuge au couvent.
Décelant rapidement chez Benedetta une vulnérabilité, Bartolomea aura tôt fait de faire découvrir à cette dernière une facette de la vie humaine qu’elle n’avait encore jamais explorée. Grâce à des images sublimes, signées Jeanne Lapoirie, Paul Verhoeven offre ici une œuvre incandescente en prenant même un malin plaisir à jouer avec les symboles religieux. Mais ce n’est pas tant sur le plan du sexe que ce film donne dans l’excès. En faisant parfois évoluer Benedetta comme si elle était habitée par la voix du diable – ou celle d’un Jésus vraiment très en colère –, le cinéaste emprunte parfois de trop gros traits. En revanche, le portrait qu’il offre d’une femme de pouvoir, dans une société où les femmes ne pouvaient en exercer aucun, même pas sur le plan intime, est puissant. Virginie Efira se consume d’ailleurs dans le rôle avec un bel abandon. Aucune date de sortie n’est prévue au Québec pour l’instant. Dossier à suivre…
La fracture, de Catherine Corsini
Une société en crise
Elle nous a habitués à des films à caractère intime, mais Catherine Corsini (Un amour impossible) change de registre pour entraîner le spectateur au cœur de la crise des gilets jaunes, crise qui a précédé celle de la pandémie en France.
Grâce à deux actrices remarquables, Valeria Bruni Tedeschi et Marina Foïs, la cinéaste peut même se permettre une liberté de ton qui s’harmonise parfaitement au chaos général provoqué par l’effondrement de l’ensemble des services publics, particulièrement ceux liés à la santé.
Le récit a principalement pour cadre les urgences d’un hôpital parisien. C’est là que se retrouve d’abord Raf (Valeria Bruni Tedeschi) après avoir fait une chute dans la rue en tentant de rejoindre sa conjointe Julie (Marina Foïs), qu’elle voulait convaincre de ne pas la quitter. Puis, Yann (Pio Marmaï), un gilet jaune, s’amène après avoir reçu un explosif lancé par les policiers au cours d’une manifestation. Cette manifestation, qui a tourné à l’émeute, se déroule au pied de l’hôpital.
En filmant le tout avec une caméra nerveuse, Catherine Corsini fait écho à tout ce que doit subir le personnel soignant – les crises, les impatiences des patients, l’absence de ressources adéquates, le manque flagrant d’effectifs – et brosse un portrait très réaliste, très humain, de la situation. Les engueulades entre les deux femmes, ou entre Raf et Yann, deux êtres de classes sociales différentes, sont souvent excessives, mais elles donnent lieu parfois à des scènes cocasses, fort bienvenues quand tout s’écroule autour.
Vingt ans après La répétition, Catherine Corsini est en lice pour la Palme d’or une deuxième fois. Aucune date de sortie n’est encore prévue au Québec pour La fracture.
74e Festival de Cannes | Vus sur la Croisette - La Presse
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