(Cannes) Les stars du rock font ponctuellement leur apparition dans le cinéma de Todd Haynes. D’abord dans Velvet Goldmine, un film de fiction au cœur duquel figurait un personnage largement inspiré de David Bowie et de l’époque du glam rock. Vint ensuite I’m Not There, brillante évocation de différentes facettes d’un immense artiste : Bob Dylan. Le réalisateur de Far From Heaven et Carol avait jusqu’ici utilisé les ressorts de la fiction pour rendre justice aux artistes, mais voilà que pour la première fois, il se frotte au genre du documentaire afin de retracer le parcours de The Velvet Underground, groupe emblématique de la culture new-yorkaise des années 1960. Et c’est très réussi.
Indissociablement lié à Factory, l’atelier d’artiste du maître du pop art Andy Warhol, le destin du groupe, duquel ont fait partie Lou Reed, John Cale, Sterling Morrison, Moe Tucker et, pendant un moment, la chanteuse Nico, est ici remarquablement décrit. De fait, l’excellent travail de réalisation et de montage fait en sorte que le spectateur a l’impression d’être téléporté plus de 50 ans en arrière, grâce à une approche immersive rendant cette visite dans le passé incroyablement vivante. Pour les besoins de ce long métrage, tout simplement intitulé The Velvet Underground, Todd Haynes a obtenu plus de 600 heures de matériel visuel et sonore, fourni notamment par Laurie Anderson, veuve de Lou Reed, mais aussi, principalement, par le Museum of Modern Art et le New York Public Library.
« Ça semble énorme et ardu, mais il est fantastique de pouvoir faire ce travail de spéléologue parce qu’on sait que cette matière est en train de se détériorer, peu importe où elle se trouve, a fait remarquer le monteur Adam Kurnitz, présent lors de la conférence de presse tenue jeudi.
Ode à la culture new-yorkaise
Fidèle à son habitude, le cinéaste s’est par ailleurs fait un point d’honneur d’éviter les écueils du biopic traditionnel et n’a voulu en rien exploiter les aspects plus « salaces » de l’histoire du groupe. « Ce n’est pas un film de sexe, drogue et rock and roll, ni un film à potins, a-t-il dit. Quelqu’un pourrait en faire un et ce serait probablement amusant et intéressant, mais nous souhaitions surtout rendre hommage à la vie culturelle de New York, à sa complexité, sa profondeur, sa beauté, et illustrer comment le cinéma d’avant-garde nous a permis de visualiser tout cela. »
À cet égard, l’utilisation des écrans divisés, de successions d’images en accéléré, et l’emploi judicieux d’interviews des protagonistes de l’époque encore vivants aujourd’hui, font de The Velvet Undergound un documentaire musical très riche. Les témoignages de Maureen « Moe » Tucker et de Mary Woronov sont particulièrement intéressants, notamment sur le traitement des femmes et leur détestation des hippies. On retiendra aussi celui du cinéaste d’avant-garde Jonas Mekas qui, dès le départ, a résumé en une phrase l’influence de tout ce mouvement culturel mis en branle par Andy Warhol et The Velvet Underground : « Nous n’étions pas une sous-culture ni une contre-culture, nous étions la culture. »
Lancée au Festival de Cannes hors compétition, cette production originale d’Apple Films sera offerte sur la plateforme Apple TV+/iTunes le 15 octobre.
Jane par Charlotte : Un portrait intime et pudique
Pour sa toute première réalisation, Charlotte Gainsbourg a choisi un titre en forme de clin d’œil – et d’hommage – à Jane B. par Agnès V., le film qu’Agnès Varda avait consacré à Jane Birkin en 1988. Jane par Charlotte n’est pas tant le portrait d’une artiste qu’une conversation entre une fille et sa mère, toutes deux comédiennes, à la fois semblables et pourtant si différentes. Les deux femmes arpentent ainsi des chemins intimes avec franchise et pudeur. Cet équilibre délicat rend l’exercice particulièrement émouvant.
Amorcé à Tokyo il y a trois ans, alors que Jane y présentait son spectacle consacré aux chansons de Serge Gainsbourg avec un orchestre symphonique, Jane par Charlotte passe aussi par New York, mais le récit se déroulant surtout dans la sphère intime, la maison de campagne en Bretagne est ici particulièrement mise en valeur. L’une des scènes clés du film est par ailleurs la visite de la fameuse maison du 5, rue de Verneuil à Paris, pratiquement transformée en musée, où Jane n’avait pas remis les pieds depuis ses 12 années de vie commune avec l’auteur de L’homme à tête de chou.
La table est mise dès le départ alors que Jane évoque l’enfance de Charlotte et la nature secrète d’une fillette qu’elle ne savait trop comment aborder, elle qui, par contraste, a toujours vécu sa vie comme un grand livre ouvert. Parfois plus anodines, souvent plus graves, les conversations tournent autour du vieillissement, du sens de la famille, de la place que chacun y occupe, sans oublier la grande blessure qu’a laissée Kate, fille aînée de Jane, partie pour un autre monde en 2013.
Les admirateurs de l’une et de l’autre n’en apprendront guère plus que ce qu’ils savent déjà, mais Charlotte Gainsbourg a su, dans ce film consacré à sa mère, tracer un portrait vibrant de leur relation.
Sélectionné dans le programme Cannes Première, Jane par Charlotte prendra l’affiche dans les salles françaises à l’automne. Aucune sortie n’est encore prévue au Québec.
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