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Monday, January 22, 2024

Une Montréalaise en lice pour l'Ours d'or - La Presse

Le tout premier long métrage de la Montréalaise Meryam Joobeur, Là d’où l’on vient, a été sélectionné en compétition officielle du 74e Festival international du film de Berlin, qui aura lieu le mois prochain. La Québécoise d’origine américano-tunisienne concourra pour l’Ours d’or de la Berlinale, en compagnie de pointures du cinéma d’auteur mondial telles qu’Olivier Assayas, Bruno Dumont, Hong Sang-Soo, Abderrahmane Sissako et Mati Diop.

Comment se sent-on lorsque l’un des quatre plus grands festivals de cinéma au monde nous fait un tel honneur ? « C’est un peu surréel, pour être franche. Je pense que je ne le croirai vraiment que lorsque je serai sur place avec toute l’équipe », m’a confié la jeune cinéaste, jointe lundi à Paris, où elle termine le mixage de son film, coproduit par le Canada, la France et la Tunisie.

Malgré ses 32 ans, Meryam Joobeur n’en est pas à ses premiers lauriers. Son plus récent court métrage, le troublant et poétique Brotherhood, a été finaliste aux Oscars en 2020. Présenté dans plus de 150 festivals, il a remporté 75 prix internationaux, dont celui du meilleur court métrage du Festival international du film de Toronto, en plus d’être primé au Gala Québec Cinéma.

Là d’où l’on vient, coproduit par Maria Gracia Turgeon et Annick Blanc de la maison de production montréalaise Midi la Nuit (derrière l’excellent court métrage Fauve de Jeremy Comte), met en vedette Salha Nasraoui, Mohamed Hassine Grayaa, Malek Mechergui, Adam Bessa, Dea Liane, Rayen Mechergui et Chaker Mechergui.

La plupart de ces acteurs étaient de la distribution de Brotherhood, qui raconte l’histoire d’un jeune Tunisien de retour dans sa famille, un an après être parti en Syrie combattre auprès du groupe État islamique. Il revient, au bonheur de sa mère et de ses jeunes frères, mais au désespoir de son père, un berger qui digère mal le retour de l’enfant prodigue au bras d’une femme portant le niqab.

Là d’où l’on vient, dont le titre de travail était Motherhood, s’intéresse plutôt au regard que porte la mère sur ses fils aînés partis faire le djihad, lorsque l’un d’entre eux rentre au village avec sa très jeune femme.

PHOTO FOURNIE PAR MIDI LA NUIT

Image tirée du film Là d’où l’on vient

« Je vois les deux films comme le yin et le yang, m’explique l’autrice-cinéaste. Les deux récits sont complémentaires. Le contexte est similaire, mais le traitement de l’histoire, le point de vue, les thèmes sont différents. J’avais l’impression d’explorer un tout autre territoire. »

J’ai changé le titre du film en me rendant compte que la question que je posais depuis cinq ans était : à qui appartient ma vie ? C’est une question qui me touche profondément et qui a guidé la création de ce film.

Meryam Joobeur, réalisatrice

Meryam Joobeur a passé sa petite enfance en Tunisie, mais a grandi aux États-Unis, où elle est née pendant les études supérieures de son père. Elle est arrivée à Montréal en 2009 pour étudier à McGill, puis en cinéma à l’Université Concordia. Elle a décidé de rester, comme plusieurs autres artistes venus de l’étranger qui ont fait des études universitaires chez nous.

« Mon directeur photo [Vincent Gonneville] vient de me texter pour me rappeler qu’il y a huit ans, jour pour jour, nous étions en repérage dans le nord de la Tunisie et nous avons rencontré les trois frères qui jouent dans les deux films. Nous sommes partis en road trip, pour nous inspirer, pour être créatifs, et ça a mené à cette expérience de vie inoubliable. »

Là d’où l’on vient est l’un de seulement deux premiers longs métrages de la compétition officielle de cette 74e Berlinale, qui s’ouvrira le 15 février avec Small Things Like These du Belge Tim Mielants, à propos du traitement des Irlandaises par l’Église catholique dans les années 1980. Le film, produit par et mettant en vedette Cillian Murphy – qui devrait être nommé ce mardi aux Oscars pour son rôle dans Oppenheimer – compte aussi parmi les 20 films de la compétition.

C’est au jury présidé par la comédienne mexicano-kényane Lupita Nyong’o, première personne noire à occuper ce poste, qu’incombera la tâche de décerner le 25 février l’Ours d’or, après celui remis au documentaire Sur l’Adamant du Français Nicolas Philibert, en 2023.

Au nombre des candidats, on retrouve notamment Another End de l’Italien Piero Messina (L’attesa), avec Gael Garcia Bernal et Bérénice Bejo, Black Tea du Mauritanien Abderrahmane Sissako, cinéaste de l’excellent Timbuktu, A Traveler’s Needs du Sud-Coréen Hong Sang-Soo avec Isabelle Huppert, Dahomey, un documentaire de la Franco-Sénégalaise Mati Diop (Atlantique), Hors du temps du Français Olivier Assayas (Les destinées sentimentales), récit autobiographique avec Vincent Macaigne en alter ego du cinéaste, confiné pendant la pandémie avec son frère (le journaliste Michka Assayas), A Different Man de l’Américain Aaron Shimberg, qui a fait sensation au Festival de Sundance la semaine dernière, ainsi que L’empire du Français Bruno Dumont (L’humanité, France), avec Camille Cottin et Fabrice Luchini, annoncé comme un pastiche de La guerre des étoiles…

« Nous sommes particulièrement fiers de la sélection de cette année, qui atteint le meilleur équilibre possible entre des auteurs que nous admirons et chérissons, et de nouvelles voix puissantes dans le paysage du cinéma indépendant », a déclaré lundi le directeur artistique Carlo Chatrian, qui en est à sa dernière année à la tête de la Berlinale.

Chatrian a aussi dévoilé lundi les œuvres de la section parallèle Encounters, dont le premier film de l’écrivaine française Christine Angot, Une famille, documentaire autobiographique autour du thème de l’inceste. Plusieurs autres films ont déjà été annoncés au cours des dernières semaines, dont celui du Québécois Philippe Lesage (Les démons, Genèse), qui présentera Comme le feu dans la section Génération, consacrée au jeune public. Un Ours d’or d’honneur sera par ailleurs remis au maître américain Martin Scorsese.

Meryam Joobeur remportera-t-elle le premier Ours d’or québécois du long métrage depuis The Apprenticeship of Duddy Kravitz de Ted Kotcheff en 1974 ? La Presse sera sur place pour répondre à la question.

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