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Sunday, January 14, 2024

En grande beauté | La Presse - La Presse

Eve Salvail arrive détendue dans notre studio de photographie un matin de décembre. Lorsqu’elle aperçoit Ethné Grimes-de Vienne, son passé de mannequin lui revient en mémoire d’un seul coup. « Ethné, c’est toi qui m’as appris à marcher sur un podium… et c’était il y a plus de 30 ans, lors du concours du magazine Clin d’œil, et on ne s’est jamais revues ! Incroyable ! », lance-t-elle.

Eve Salvail a remporté en 1990 le prix de la photogénie du concours Devenez mannequin, organisé par le magazine Clin d’œil, et elle a eu ensuite une carrière internationale. Reconnue pour son allure très singulière avec son tatouage de dragon sur le crâne, elle a défilé pour toutes les maisons les plus prestigieuses, comme Jean Paul Gaultier, Chanel et Versace. On a aussi pu la voir dans les plus grands magazines de mode partout dans le monde.

  • Eve Salvail au défilé Jean Paul Gaultier, prêt-à-porter femme printemps-été 1993

    PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

    Eve Salvail au défilé Jean Paul Gaultier, prêt-à-porter femme printemps-été 1993

  • Eve Salvail au Festival Mode et Design de Montréal en 2008

    PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

    Eve Salvail au Festival Mode et Design de Montréal en 2008

Quelle époque ! J’avais 20 ans et je venais de Matane ! Je n’étais pas prête pour tout ce succès, et j’étais si seule.

Eve Salvail

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Ethné Grimes-de Vienne, Dominique Bertrand, Julie du Page et Eve Salvail

Aujourd’hui, à 52 ans, elle est ravie qu’on l’appelle de nouveau pour des campagnes de mode. « Il y a un engouement depuis la sortie du Vogue, j’ai reçu des appels de Paris, mais ça ne me manque pas. Je suis flattée de voir qu’on m’engage encore et qu’il y ait des femmes comme moi qui représentent ma tranche d’âge ! La population vieillit, la mode évolue, il y a une plus grande diversité de tailles, de cultures, d’âges. Il y a des femmes plus rondes et il était temps ! », estime Eve Salvail, qui est DJ.

  • Dominique Bertrand dans les années 1980

    PHOTO FOURNIE PAR DOMINIQUE BERTRAND.

    Dominique Bertrand dans les années 1980

  • Ethné Grimes-de Vienne dans les années 1980

    PHOTO FOURNIE PAR ETHNÉ GRIMES-DE VIENNE

    Ethné Grimes-de Vienne dans les années 1980

  • Eve Salvail dans les années 1990

    PHOTO FOURNIE PAR EVE SALVAIL

    Eve Salvail dans les années 1990

  • Publicité Cover Girl avec Julie du Page dans les années 1980

    PHOTO FOURNIE PAR JULIE DU PAGE

    Publicité Cover Girl avec Julie du Page dans les années 1980

Montréal, plaque tournante de la mode

Dominique Bertrand, mannequin dans les mêmes années qu’Ethné Grimes-de Vienne, complimente cette dernière : « Ta démarche, c’était une splendeur sur un podium, tu étais à couper le souffle ! » Elles ont souvent travaillé ensemble dans les années 1980. « On a été découvertes par la même femme, la journaliste Iona Monahan du journal The Gazette [qui a reçu l’Ordre du Canada en 1985]. On faisait tous les défilés et les catalogues, La Baie, Eaton, Simpson, Holt Renfrew et Ogilvy. On travaillait tout le temps, comme des folles, et Montréal était vraiment une plaque tournante de la mode ! », se souvient Dominique Bertrand, devenue autrice.

PHOTO FOURNIE PAR ETHNÉ GRIMES-DE VIENNE

Dominique Bertrand et Ethné Grimes-de Vienne dans une publicité pour Pepsi dans les années 1980

« Je me souviens de toi, Dominique ! Une déesse ! Du haut de mes 15 ans, je me rappelle que j’étais stupéfaite par ta beauté ! J’en ai encore un vif souvenir », confie la comédienne et animatrice Julie du Page, qui a été Cover Girl à 16 ans. Dominique Bertrand rougit presque devant ce compliment.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Dominique Bertrand

La beauté fascine. C’est incroyable ! Mes années de mannequin, ça me colle à la peau 40 ans plus tard. J’ai fait tellement d’autres choses, mais on me renvoie toujours à ça !

Dominique Bertrand

« Vous êtes devant une force de la nature, j’ai dû me battre tout le temps, avec les photographes et les clients, pour trouver et garder ma place. Car à l’époque, une jeune femme noire, mannequin, avec les cheveux très courts, il fallait oser ! », estime Ethné Grimes-de Vienne, originaire de Trinidad.

Elle se souvient de sa première page couverture, pour un magazine des Pays-Bas. « J’ai toujours trouvé ça intéressant que ce magazine pour jeunes filles n’ait aucun problème dans les années 1980 à mettre une jeune femme noire comme moi en page couverture… Ils ont toujours été à l’avant-garde, les Hollandais. » « Ethné, tu étais simplement irrésistible… avec une sacrée personnalité ! », lui répond Dominique Bertrand.

Plus en confiance que jamais

Pendant la séance de photographie qui se déroule dans une ambiance très festive, les échanges sont animés et on évoque évidemment le fait de vieillir. Toutes répondent qu’elles sont plus épanouies et plus en confiance aujourd’hui, et qu’elles vieillissent du mieux qu’elles peuvent. « Chaque âge a son charme et si je n’étais pas bien dans mon âge à 65 ans, je dirais qu’il est plus difficile de vieillir, mais je suis épanouie, lance Dominique Bertrand. Ce n’est pas facile d’être jeune aujourd’hui, vieillir comporte des problèmes de toutes sortes, mais je ne retournerais pas à mes 20 ans ! »

Eve Salvail sait bien qu’elle n’a plus le même visage qu’avant.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Eve Salvail

Je regarde les photos et il y a toujours une forme de déception. La gravité a fait son effet ! Le corps change, mais je ne peux que m’accepter comme je suis. On veut toutes rester jeunes, mais ce n’est pas le regard de la société qui est sévère, mais le regard envers nous-mêmes.

Eve Salvail

Elle parle des soins esthétiques qui ont évolué depuis 30 ans, et qu’au besoin, on peut faire de petites retouches.

« Je trouve ça extraordinaire, mais je ne veux pas en abuser, car je veux juste avoir l’air d’une femme de 52 ans qui a bien dormi ! J’avais la petite peau du poulet qui traînait dans le cou, ça m’énervait, alors je l’ai enlevée ! Je trouve ça moins beau, les femmes qui en font trop et qui finissent par avoir le même visage lisse. Elles ont la même bouche et les mêmes joues. C’est ce que je ne veux pas, surtout que je me suis toujours démarquée, j’ai toujours été très différente. »

« J’aime bien m’habiller de manière jeune, mais je ne veux pas ressembler à ma fille de 19 ans », lance Julie du Page.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Julie du Page

Je trouve ça formidable de vieillir avec grâce, j’assume mon âge. L’an dernier j’ai écrit un texte pour mes 50 ans et beaucoup de gens m’ont mise en garde, car ils estimaient qu’il était risqué pour une comédienne d’avouer son âge… surtout à 50 ans !

Julie du Page

« Je sais bien que lorsqu’on est actrice, on espère être intemporelle pour qu’on nous propose plus de rôles, mais je suis fière d’avoir 50 ans, d’avoir la gueule que j’ai et l’expérience que j’ai. Vieillir est un défi, mais je m’émerveille encore de tellement de choses », dit celle qui est aussi égérie de Lancôme pour le Québec. « Lancôme m’a contactée il y a trois ans, j’avais 48 ans. Plus on va voir des femmes de différents âges représentées dans les médias et la mode, plus ce sera accepté de vieillir. »

Pour Dominique Bertrand, chaque femme sait ce dont elle a besoin, et elle ne juge pas celles qui passent par la chirurgie esthétique. Le problème est dans le dosage, croit-elle. « Quand je vois des femmes qui ont l’air en plastique et qui n’ont plus aucune expression dans le visage, je me dis qu’elles sont allées trop loin. Et ce qui m’horripile encore plus, c’est qu’elles peuvent trouver un médecin pour leur faire ça ! J’ai déjà fait des injections de Botox et j’avais vraiment trouvé une femme de confiance pour le faire. L’idée, c’est de ne pas avoir l’air plus jeune que son âge, mais d’avoir l’air reposée ! nuance Dominique Bertrand.

Je n’ai pas envie d’avoir l’air plus jeune que 65 ans, j’affiche mon âge, j’ai les cheveux gris, et je suis très contente.

Dominique Bertrand

Peut-être est-ce tabou de vieillir ? « Beaucoup de femmes ne veulent pas révéler leur âge, pas juste dans mon milieu, d’ailleurs, parce qu’on a peur de se faire tasser par des plus jeunes et parce qu’on ne valorise pas assez l’expérience », confie Julie du Page.

« Sauf dans le milieu des épices ! », interrompt Ethné.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Ethné Grimes-de Vienne

« Je travaille dans le monde des épices et c’est le contraire ! On veut une femme qui a de l’expérience, qui sait de quoi elle parle, qui a voyagé partout dans le monde et qui a vu et goûté à toutes les épices des différents pays, c’est ça, l’expérience ! »

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