Les stars Vin Diesel et Jackie Chan devaient briller dans le quatrième volet de la saga xXx. Or, cette superproduction est sur la glace, plombée par une mégafraude. De la Californie à… Montréal, des investisseurs japonais se battent devant les tribunaux pour retrouver plus de 20 millions de dollars envolés.
Le conglomérat médiatique Rakuten a récemment reçu l’autorisation de saisir un compte détenu par des producteurs sino-américains à la Banque Nationale, à Montréal : celui-ci contenait 3,5 millions US qui devaient financer le quatrième volet de la saga xXx avant d’être détournés.
Des déclarations sous serment contenues dans une procédure de « saisie avant jugement » en Cour supérieure du Québec à la mi-juillet lèvent le voile sur cette histoire de fraude internationale, qui a elle-même des allures de scénario hollywoodien. Les faits allégués ont fait l’objet d’un « jugement par défaut » – les accusés n’ont pas soumis de défense – devant un tribunal de Californie en 2022, mais celui-ci n’est pas encore reconnu ni exécutoire au Québec.
En 2019, Rakuten, géant nippon des télécommunications et du commerce en ligne, est contacté par les frères Huang, fondateurs de la société de production The H Collective (THC), établie à Los Angeles. L’entreprise derrière le film Brightburn, avec Elizabeth Banks, cherche du financement pour produire la quatrième mouture de la franchise à succès xXx, avec une nouvelle fois D.J. Caruso à la réalisation.
Au terme des négociations, Rakuten accepte d’investir 13,4 millions US, soit 10 % du budget total du film gonflé à la testostérone. En échange, la société obtient les droits de diffusion du long métrage au Japon, un pourcentage des recettes ainsi que la licence exclusive des produits dérivés partout dans le monde, selon le contrat signé par les deux parties.
Le 14 mai 2019, Rakuten dépose les 13,4 millions dans un compte américain de Bank of America qui doit uniquement servir au développement et à la production du long métrage. D’autres projets font aussi l’objet d’une entente, si bien que Rakuten injecte 23 millions US au total dans différentes coproductions avec THC.
Surprise : en octobre 2020, les investisseurs japonais apprennent que les frères Huang ainsi que THC sont poursuivis pour fraude à Los Angeles.
Une société chinoise clame s’être fait vendre les droits dérivés du quatrième film de la franchise xXx pour plus de 6 millions sur la base de « déclarations trompeuses ».
Des Chinois aussi floués
Dans des documents de cour californiens consultés par La Presse, l’entreprise Weying Galaxy (WG), située à Hong Kong, explique que THC lui a assuré détenir 100 % des droits dérivés de la franchise xXx. Or, des documents contractuels montrent que les frères Huang n’ont acquis que 50 % de ceux-ci auprès des Studios Revolution, producteur des trois premiers volets de la franchise, tandis que la tête d’affiche Vin Diesel a conservé l’autre moitié.
« Weying a été trompée en croyant qu’elle payait 6 155 000 $ pour acquérir une participation de 50 % dans 100 % des droits dérivés, alors qu’en réalité, elle n’acquérait qu’une participation de 50 % dans 50 % des droits (c’est-à-dire 25 %) », plaident les avocats dans leur requête déposée à Los Angeles.
Vin Diesel détenait par ailleurs un droit de veto sur la vente des droits détenus par THC, ce que Weying Galaxy, plaide-t-elle, ignorait. L’acteur américain – qui incarne l’agent d’élite Xander Cage dans xXx – n’avait jamais donné son feu vert à la transaction.
Pour les dirigeants de Rakuten, il devient évident que THC lui a vendu des droits qu’elle ne possédait pas, ou qu’en faible pourcentage. Des documents déposés en preuve montrent que les frères Huang, même après leur transaction litigieuse avec Weying Galaxy, ont assuré au conglomérat nippon toujours détenir « 100 % de la propriété intellectuelle de xXx, avec la liberté de conduire toute nouvelle création ».
Face aux récriminations de Rakuten, les frères Huang consentent dans un premier temps à rembourser les 23 millions que l’entreprise a investis dans la production de xXx et d’autres projets audiovisuels. Or, la « facture de remboursement » envoyée à THC en octobre 2020 n’aura pas de suite.
Pire encore, les comptes de Bank of America cofinancés par Rakuten ont été transférés dans un compte unique, puis dans des comptes privés au nom de Kent Huang ou de filiales de The H Collective.
La plainte montréalaise fait état de six transferts de fonds d’une somme allant de 500 000 $ à 1 million US du 14 mai au 23 août 2019, pour un total de 3,5 millions, dans un compte de la Banque Nationale qui serait lié à THC.
Une partie des fonds de production de xXx ont servi à payer « un prêt hypothécaire, des cartes de crédit personnelles, un loyer résidentiel, une voiture BMW pour ce qui semble être un membre de la famille, une assurance vie, des factures d’eau et des frais de câble et de téléphone », liste l’avocate californienne de Rakuten, Me Julie A. Shepard, dans une déclaration sous serment étayée par des relevés de transactions.
La cour de Los Angeles a ordonné le 12 décembre 2022 aux frères Huang et à leurs entreprises de verser plus de 50 millions US en dommages, intérêts et frais d’avocats au géant japonais.
Au 11 juillet 2023, malgré ses tentatives, Rakuten n’a pas été en mesure d’exécuter le jugement californien.
Me Julie A. Shepard, dans un document de cour déposé au Québec
Des comptes vidés
Au fur et à mesure que le plaignant localise des sommes détournées, celles-ci disparaissent, souligne-t-elle. C’est pourquoi Rakuten a souhaité saisir l’un des comptes ouverts par les frères Huang à la Banque Nationale, ici à Montréal, avant même qu’un jugement au Québec reconnaisse la décision du tribunal de Los Angeles.
Me Shepard : « Le modèle de fraude et de transferts systématiques entre une myriade de comptes bancaires pour escroquer Rakuten mis en place par [les frères Huang] me fait croire que, si de l’argent repose toujours dans le compte de la Banque Nationale, il sera transféré dans un autre compte bancaire dès que les défendeurs seront informés de la demande de reconnaissance et d’exécution du jugement californien dans la province de Québec. »
Rakuten a donc demandé à la Cour, avec succès, de pouvoir saisir jusqu’à 72 millions CAN dans le coffre montréalais de l’entreprise incorporée dans le paradis fiscal des îles Caïmans. C’est le cabinet d’avocats Fasken qui pilote le dossier québécois.
Or, le compte de la Banque Nationale, lui aussi, a été vidé, selon un rapport des huissiers qui vient tout juste d’être ajouté au dossier. Comme les millions de xXx 4, les producteurs Huang, qui n’ont pas d’avocats et que La Presse a tenté de joindre, restent introuvables à ce jour.
Un caméo de Jackie Chan
Selon des documents produits par The H Collective et présentés en cour au Québec par Rakuten, le célèbre acteur et spécialiste des arts martiaux chinois Jackie Chan a investi 10 % du budget de production de xXx 4, l’équivalent d’environ 13,4 millions. Il aurait par ailleurs recommandé avec succès que sa disciple et compatriote Zoe Zhang soit retenue pour jouer la principale vilaine dans le film d’action. Chan devait lui-même tenir un petit rôle dans xXx 4 et participer activement à sa promotion dans le marché chinois, le plus convoité par les producteurs.
Margot Robbie convoitée
Outre xXx 4, l’une des productions que devait mener Rakuten et The H Collective au coût de 15 à 18 millions est le film d’horreur The Beast, une réalisation attendue d’Espen Sandberg (Pirates of the Caribbean : Dead Men Tell No Tales) dont la sortie était prévue en 2020. Le synopsis dévoilé par THC ? « Après qu’un avion de ligne s’est écrasé au milieu de l’océan Pacifique, la seule survivante s’échoue sur le rivage d’une île mystérieuse où elle affronte ses pires peurs. » Les producteurs voyaient grand, selon un document présenté au palais de justice de Montréal : Margot Robbie, Emily Blunt, Keri Russell et Alicia Vikander étaient pressenties pour tenir le rôle principal. C’est finalement Morena Baccarin (Deadpool, Homeland) qui, selon des médias japonais, en aurait hérité… avant que le projet ne s’écrase lui aussi.
Fraude internationale | Des millions d'Hollywood détournés à Montréal - La Presse
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