Il est de retour, notre bon Christophe L’Allier (Roy Dupuis), avec son sac messager de marque Cocotte, son vélo de ville, sa Communauto électrique (quand le transport actif s’avère impraticable), ses cheveux ramenés en couette et son empathie à toute épreuve.
Et la nouvelle vie professionnelle du psychoéducateur vedette de Toute la vie ne ralentira pas dans À cœur battant, le téléroman dérivé (le spin-off) de l’œuvre de Danielle Trottier, qui débute le mardi 10 janvier, à 20 h, sur les ondes de Radio-Canada. Comme Toute la vie, À cœur battant, dont j’ai vu les deux premières heures mercredi, s’avère intense, poignant, chargé et difficile à regarder.
Surtout la séquence d’ouverture de la série, où un jeune père de famille, Yoan Bilodeau (Pierre-Paul Alain), manque de tuer sa femme Charlène Dufour (Laurence Champagne) en la battant sauvagement sous les yeux de leur fils de 10 ans, Noa (Jayden Boyd). Le souffle nous coupe, le cœur nous arrête.
C’est dans cet univers toxique de violence masculine qu’À cœur battant nous immergera dans les deux prochaines années, au minimum. Après les mères d’Unité 9 et les enfants de Toute la vie, la scénariste Danielle Trottier complète sa trilogie familiale en s’intéressant aux papas violents : pourquoi se permettent-ils de frapper leurs conjointes ?
Un sujet tristement d’actualité, que l’équipe derrière À cœur battant, la même que pour Unité 9 et Toute la vie, aborde avec intelligence, sensibilité et, oui, les nuances nécessaires. Non, tous les gars ne sont pas des ordures, mais oui, certains d’entre eux causent des ravages énormes.
Alors, six mois après son départ de l’école Marie-Labrecque, qui hébergeait des adolescentes enceintes, Christophe L’Allier se dépose au Centre de prévention de la violence, un organisme communautaire en banlieue proche de Montréal (on pourrait être à Laval ou à Longueuil) qui aide les hommes à briser le cycle vicieux de la violence conjugale ou familiale.
Christophe L’Allier travaille au Centre de prévention avec l’intervenante Roxanne (Catherine Paquin-Béchard) et les deux collègues coaniment des thérapies de groupe, avec café infect et biscuits secs. Ces scènes de travail social renferment des répliques un peu plaquées et didactiques du genre : la violence, ça s’arrête ici. Ce n’était pas nécessaire d’insister autant sur la mission du téléroman, les images et les situations parlent (très fort) d’elles-mêmes.
L’autre personnage pivot d’À cœur battant est la procureure de la Couronne Gabrielle Laflamme (Ève Landry), qui se spécialise dans les dossiers de violence familiale. Infatigable, brillante, intransigeante et en colère, Gabrielle se tue à l’ouvrage pour garder les agresseurs derrière les barreaux.
Très secrète à propos de son passé, Gabrielle Laflamme reste une énigme pour ses proches et elle pige souvent dans le flacon d’anxiolytiques quand la pression grimpe. Christophe L’Allier et elle se battent pour la même chose, avec des méthodes bien différentes. Elle privilégie l’action, la répression et lui, la compréhension.
Leurs visions divergentes s’opposeront rapidement dans le dossier de Yoan et de sa conjointe violentée Charlène, qui pardonne tout à son mari, parce qu’il traverse une mauvaise passe, parce qu’il jure qu’il ne recommencera plus, parce qu’elle l’aime, au fond.
Il y a de beaux personnages dans À cœur battant, à commencer par les grands-parents du petit Noa, campés par Marie-France Lambert et Roc Lafortune. Eux non plus ne comprennent pas pourquoi leur fille s’entête à appuyer et à excuser l’homme qui a failli la tuer. Danielle Trottier, qui planche sur À cœur battant depuis 2019, a révélé mercredi qu’une femme vivra sept cycles de violence avant de s’en extraire. C’est long longtemps.
Parmi les réguliers d’À cœur battant, il y a le sergent-détective Fabien Gauthier (Maxime Mailloux), un policier droit et aimable qui enquêtera sur les agissements d’un collègue flic jaloux et possessif envers son ex-conjointe.
Les deux premiers épisodes abordent des cas de cyberflashing (photos explicites non sollicitées), de la violence verbale d’un semi-retraité (Denis Marchand) ainsi que de l’homophobie d’un opérateur de chariot élévateur, joué par Robert Naylor.
De Toute la vie, seule la famille de Christophe L’Allier le suit dans À cœur battant. Donc, pas de traces de la directrice Tina (Hélène Bourgeois Leclerc) ou de la travailleuse sociale Carolle (Marie-Chantal Perron). Le frère de Christophe, Patrick (Jean-Nicolas Verreault), un trou de cul réhabilité en bon jack, arrive au deuxième épisode et nous révélera des infos sur l’état de santé de leur marâtre Édith (Micheline Lanctôt), qui se pointera plus tard dans la saison. Dans Toute la vie, souvenez-vous, Édith souffrait d’un cancer avancé de l’estomac.
Le fils de Christophe, Rafaël (Félix-Antoine Cantin), se pointera aussi dans À cœur battant. Si vous avez suivi Toute la vie, vous savez également que la petite sœur des frères L’Allier, Julie (Larissa Corriveau), s’est suicidée en prison, abandonnant à la DPJ ses deux jumelles séropositives Élodie et Mélodie.
Christophe avait refusé d’adopter ses nièces et l’auteure Danielle Trottier nous avertit que le psychoéducateur n’aura pas plus de temps dans À cœur battant pour cultiver sa vie personnelle. Constat similaire pour l’avocate Gabrielle Laflamme : le boulot accapare toute son énergie. On jase, là, mais ça ne m’étonnerait pas que le cœur de ces deux-là batte en même temps et sur le même temps. Il serait temps que l’amour prenne son temps, à travers les vents de janvier.
À cœur battant | Sans cœur, batteur de femme - La Presse
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