Chères étudiantes, chers étudiants, bienvenue à votre cours de culture québécoise. Le sujet, ce matin, est madame Dominique Michel, qui célèbre aujourd’hui ses 90 ans.
Je vous parle d’une dame dont les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître toute l’importance de son existence. Et c’est à ça qu’on va remédier immédiatement !
Dominique Michel, née Aimée Sylvestre, a vu le jour le 24 septembre 1932 à Sorel. Son rêve d’enfant n’était pas de devenir une vedette de la télé, parce que la télé n’existait pas. Elle devient d’abord chanteuse. OK, ce n’est pas la voix de Ginette Reno. Ses qualités d’interprète sont ailleurs. Émanent d’elle une douceur, un soleil, une bonté, une tendresse qui vibrent dès les premières notes. Quand on l’écoute, on sent, tout de suite, qu’elle nous aime. Son plus grand succès est En veillant sur le perron, un classique sur lequel joue Quincy Jones. Quand même.
C’est en faisant la comique qu’elle devient le monument qu’elle est. Avec sa partenaire d’humour Denise Filiatrault, une autre légende, elle illumine les nuits de Montréal. Denise, c’est la grande ratoureuse pas reposante, Dodo, c’est la petite naïve pas reposante. Ensemble, c’est l’enfer ! Leur duo se transporte des cabarets à la télé, avec l’émission Moi et l’autre. En 1966, tout le Québec suit les aventures de deux amies célibataires dégourdies et libérées. Les gars dans leur spectacle sont dominés. Le girl power, c’est Dodo et Denise qui l’ont inventé.
Ah, je vois des regards interrogateurs dans la classe. Dodo ? Oui, Dodo. On l’a très rapidement appelée par ce diminutif, comme on le fait seulement pour les gens qui font partie de la famille. On ne peut pas plaire à tout le monde et son père. Sauf Dodo.
En 1972, moi et l’autre deviennent moi sans l’autre, mais leurs destins seront à jamais liés. À la même époque, la revue du 31 décembre devient une tradition aussi ancrée que la dinde de Noël. Tous les Québécois mettent sur pause leur réveillon pour allumer leur télé. Pendant la dernière heure de l’année, nous sommes des millions rassemblés dans le même salon. Et celle qui reçoit la nation, c’est Dominique Michel. Les vedettes se succèdent dans l’émission la plus regardée, mais celle dont on ne se passe presque jamais, c’est elle. Elle fera ses adieux au Bye bye à maintes reprises, et y reviendra aussi souvent. Jean-Pierre Ferland et Tom Brady n’ont fait que l’imiter.
Pourquoi Dodo nous fait-elle tant rire ? Parce qu’elle fait rire pour faire plaisir. Comme une meilleure amie, nous faire rire. Parce qu’elle nous aime. Pas avec des bitcheries, pas avec du méchant.
Il y a dans tous ses personnages une folie douce, une vulnérabilité séduisante, quelque chose de troooop cuuute ! Même son Michel Chartrand (le plus grand leader syndical de l’histoire du Québec, by the way), on a le goût de le prendre dans nos bras.
Il y a dans ses yeux une âme qui n’est pas sans rappeler celle de Charlie Chaplin. Elle est des nôtres. Elle n’est pas au-dessus de nous. Elle est nous.
Quand Dodo fait ses pitreries, on la regarde tous comme un parent regarde son enfant faire le clown. Complètement gaga. Complètement vendu. Le rire naît de la complicité, et on n’a jamais été aussi complice d’une artiste.
En plus de triompher, au petit écran, dans plein de sitcoms, de faire des one-woman-shows, des pubs, la une des petits journaux, Dominique brille aussi au grand écran, tant dans des comédies légères que dans des films primés aux Oscars.
Quand quelqu’un est partout, tout le temps, pendant un an, on se tanne. On le dit surexposé. Dominique Michel a été partout, tout le temps, pendant plus de 50 ans, et on n’en avait jamais assez.
On en voulait encore. On s’ennuie tellement de ses « guidguidihaha » depuis qu’elle s’est retirée.
Ce qui est une unique de sa gloire, c’est qu’aucune autre célébrité n’en est jalouse. Pourquoi ? Parce que personne n’est aussi bienveillant qu’elle sur un plateau de tournage. Parce que personne, dans le milieu, n’est aussi heureux du succès des autres. Dominique a aidé, encouragé, marrainé, mis à l’avant-scène la moitié du bottin de l’Union des artistes.
On est chanceux de l’avoir.
Ça fait 90 ans que Dominique Michel rend ce monde meilleur.
Mes élèves, normalement quand on veut montrer la grandeur d’une étoile, on donne des chiffres, le nombre de disques vendus, de billets vendus, de cotes d’écoute, de trophées remportés… Elle en possède plein de ces records étourdissants, mais la grandeur de cette dame va au-delà. C’est plus profond. C’est l’amour. C’est la sincérité.
Voilà, le cours est fini.
J’espère que vous réalisez tout ce qu’elle représente. Vous n’en serez que plus instruits.
Ma belle Dodo, tu es la reine du showbiz québécois.
La reine de cœur.
Je prépare déjà la suite de cette présentation : il y aura une autre génération à mettre au courant de ton rayonnement, quand tu auras 100 ans.
Joyeux anniversaire !
Je t’aime !
xxxx
La reine Dodo | La Presse - La Presse
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