Gros. Plus gros. Encore plus gros. Toujours plus gros. Cela pourrait être la maxime de la 42e présentation du Festival international de jazz de Montréal (FIJM) qui s’est conclue, samedi soir, sur une époustouflante performance du collectif américain The Roots.
Oui, je sais. En musique, on parle de prestation. En sport, de performance. Mais il n’y a pas maldonne. Ce que la bande du chanteur Black Thought et du batteur Questlove ont offert aux dizaines de milliers de festivaliers massés sur la place des Festivals est à la fois un exploit sportif et artistique.
C’est, bien sûr, Laurent Saulnier, le vice-président programmation du FIJM qui en était à sa dernière soirée en fonction, qui a présenté le collectif et non pas l’animateur Jimmy Fallon avec lequel The Roots travaille depuis 2009 (Late Night with Jimmy Fallon puis The Tonight Show with Jimmy Fallon).
Une fois installés sur scène, le collectif a justifié à merveille son appellation en allant aux racines de tout ce qui s’est fait de mieux depuis les dernières décennies et en l’apprêtant à une irrésistible mixture de funk.
Propulsés par la batterie de Questlove, la section de cuivres bien particulière du groupe a coloré, enveloppé et incendié toutes les offrandes. Je dis « particulière », car si la trompette et le saxophone sont monnaie courante, il n’en est pas de même du soubassophone, un instrument proche du tuba contrebasse. Et Damon Tuba Gooding Jr
Bryson est tout un phénomène.
Durant The Pros, il a sauté côte à côte avec le guitariste « Captain » Kirk Douglas. Pas une fois ou deux… Une douzaine de sauts bien sentis, comme le fait Flea avec les Red Hot Chili Peppers. Vous avez déjà essayé de soulever un tuba, vous? Plus tard durant le concert, on l’a vu valser avec son instrument à côté de ses collègues. Ce type a un cardio vasculaire digne d’un athlète.
Originaires de Philadelphie, The Roots sont de dignes représentants – modernes – de l’école de la Philly Soul qui a vu éclore The O’Jays, The Delfonics, The Stylistics et Harold Melvin and the Blue Notes. Qui plus est, ils connaissent à fond tout ce qui a vu le jour avant eux. Ils peuvent donc puiser autant dans les répertoires de Tupac Shakur, Kool and the Gang et D Train que remettre au goût du jour la musique de Manu Dibango (Soul Makossa), ce qu’avait fait Michael Jackson avec Wanna Be Startin’ Something, sur Thriller.
Par moments, on avait l’impression d’assister à une classe de maître d’un corps professoral qui retraçait les origines du R&B, de la soul, du hip-hop, du funk et du disco dans un cours didactique festif à souhait.
Dieu que ça sautait et que ça dansait à l’écoute de Jungle Boogie, autant appréciée par les amateurs de la première heure de Kool and the Gang que de la génération qui a découvert la chanson dans Pulp Fiction, que durant Got My Mind Made Up ou You’re The One For Me.
Et nous n’en étions qu’aux 20 premières minutes. Ça allait ralentir, forcément... Pas une seconde. Avec sa voix puissante, son phrasé ultra rapide, sa diction précise et un flow du tonnerre, Black Thought accaparait toutes les époques d’antan et la sienne en prime.
Des titres comme Proceed ont mis le hip-hop à l’avant-plan, mais sans que l’apport mélodique des cuivres parfois aussi teinté de jazz que de funk ne disparaisse. Le doublé coup de poing formé de What They Do et Next Movement a porté le concert – comme si c’était possible – à un niveau encore supérieur. Impressionnants depuis le début, le trompettiste Dave Guy et le saxophoniste Ian Hendrickson-Smith ont été fumants, éclatés et frénétiques durant cette séquence qui a même donné lieu à un clin d’œil au ska.
L’intensité, omniprésente, a ensuite graduellement mené à une forme d’éclatement musical. Inspirés, toujours le pied au plancher et sans jamais faire de pause, les musiciens ont enchaîné toutes les chansons, et ce, même en sautant joyeusement d’une époque à l’autre. Passer de Change (Make You Want to Hustle), de Donald Byrd, à Web, une composition du collectif, et à Dance Girl, des Rimshots, c’est faire un aller des années 1970 aux années 2000 et retourner 30 ans en arrière en un clin d’œil.
Le dernier droit a ainsi été débridé, explosif et imprévisible avec des interprétations pétaradantes de Busta Rymes, des J.B.’s, de Curtis Mayfield – légendaire Move On Up – et un segment rock durant lequel le guitariste Kirk Douglas s’est pris pour Prince et Jimi Hendrix.
Derrière tout ce beau monde, Questlove, à la fois métronome et dynamo, a tenu le rythme sans arrêt durant une heure et 40 minutes, bref, jusqu’à la seule et unique pause – de 30 secondes –, avant de boucler l’affaire à 23 h 15. Phénoménal.
Sincèrement, je ne pensais pas qu’on pouvait surpasser – ne fut-ce que de peu – la prestation de Kamasi Washington vue au même endroit samedi dernier. Et pourtant… The Roots ont complètement soufflé le centre-ville de Montréal.
Avec et pour Michel Donato
Quelle soirée!
L’exclamation venait de Michel Donato, quelque part aux deux tiers de son concert au Gésù visant pour célébrer son 80e anniversaire, en début de soirée. Son appréciation avait du mérite. On a essentiellement vu défiler sous nos yeux l’essentiel du répertoire jazz québécois lors de cette soirée qui mettait autant en vedette Donato que ses amis.
Au travers des standards et des compositions originales offertes par les musiciens présents, on aura vu en duo, en trio ou en quartette défiler des pianistes (Pierre Leduc, Lorraine Desmarais, François Bourassa, James Gelfand), des souffleurs (Jean-Pierre Zanella, Yannick Rieu, Ron Di Lauro, Michel Dubeau, Frank Lozano, André Leroux), des bassistes et contrebassistes (Alain Caron, Frédéric Alarie), des batteurs (Paul Brochu, Pierre Tanguay) et un guitariste (Robert Ménard). On espère n’oublier personne…
Il y avait même François Dompierre qui ne se produit presque jamais en concert, venu à la demande de Donato, pour une introduction en solo et quelques souvenirs du temps qu’il a connu Donato… en 1963. Stanley Péan, qui prépare un livre sur la vie du contrebassiste, est venu donner le ton au bouquin en révélant quelques anecdotes au passage. On a hâte de lire ça.
Au fil d’arrivée, c’était à la fois copieux et trop peu tant il y avait de talent sur cette scène, les invités de Donato étant aussi heureux d’être là que le contrebassiste qui aura 80 ans le mois prochain était de les accueillir.
Chronique | The Roots en clôture du FIJM : à couper le souffle! - Radio-Canada.ca
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