Qu’arrive-t-il aux enfants qui vivent avec un parent atteint de maladie mentale ? Pas grand-chose, souligne la série documentaire Les enfants invisibles. Animée par Varda Étienne, l’émission lève le voile sur la réalité de ces oubliés qui souffrent dans l’angle mort du système de santé.
L’entretien tire à sa fin lorsque la voix de Varda Étienne est étranglée par les sanglots. « On devrait aimer nos enfants davantage et les mettre en priorité », articule l’animatrice, bouleversée. Elle dit ça en repensant à certains témoignages qu’elle a récoltés, en imaginant la souffrance, la peur et l’insécurité vécues par ces enfants dont la détresse peut passer sous le radar quand l’urgence est de gérer un adulte en crise.
Varda Étienne ne s’intéresse pas aux enfants de personnes vivant avec un trouble de santé mentale par hasard. L’idée l’habite depuis 10 ans parce qu’elle est directement concernée : l’animatrice, autrice et femme d’affaires a un diagnostic de bipolarité depuis l’âge de 14 ans. Et trois enfants qui ont été témoins et qui ont écopé à des degrés divers de ses crises.
« Mon fils aîné a 29 ans. Ça fait 29 ans que je me sens coupable. Ça fait 29 ans que je pense que je ne suis pas une bonne mère », dit-elle. L’impact de sa maladie sur ses enfants, elle l’a vu notamment à travers leur anxiété et dans le sentiment d’abandon ressenti par son aîné. Les trois – Alexis, Dahlia et Sacha – racontent à l’écran ce qu’ils ont vécu… et tout l’amour qu’ils ont pour leur mère.
Ils ne sont pas les seuls. « Plein de gens, plein d’enfants de différents âges ont voulu témoigner, assure Varda Étienne. Pour des questions de légalité et tout ça, les gens qui témoignent sont tous des adultes, mais il y avait des adolescents qui voulaient témoigner aussi. »
Que les expériences vécues par Mathieu Caron ou l’humoriste François Bellefeuille datent de plusieurs décennies ne change pas grand-chose au portrait, selon l’animatrice. Les enfants qui vivent avec un parent atteint d’une maladie mentale sont encore dans l’angle mort de la société et du système de santé. « Il n’y a rien. Rien de chez rien », insiste-t-elle.
La série Les enfants invisibles parle du tabou de la maladie mentale, bien sûr. Elle met aussi au jour les sentiments déchirants ressentis par les enfants : l’amour inconditionnel pour leur parent… et la conviction intime que ça ne tourne pas rond.
Souvent, sans que rien ni personne ne soit là pour les aider à comprendre ce qui se passe.
Le témoignage de Mathieu Caron, qui a été élevé seul par une mère schizophrène, est particulièrement troublant. À 8 ans, on lui avait attribué la responsabilité de s’assurer que sa mère prenait ses médicaments… À 9 ans, il a appris à l’école, d’une manière particulièrement brutale, qu’elle s’était suicidée.
Varda Étienne croit – « bien humblement », précise-t-elle – qu’elle a rendu service à ces adultes en leur donnant l’occasion de nommer des choses longtemps refoulées. Son objectif est toutefois plus large, bien sûr : montrer cette réalité afin qu’elle ne soit plus ignorée et faire bouger les choses. S’assurer notamment que lorsqu’un appel est fait parce qu’un parent est en crise, l’enfant sera lui aussi pris en charge, rassuré, accompagné. Surtout s’il grandit dans une famille monoparentale.
Au cours de son entretien avec La Presse, Varda Étienne se dira à la fois découragée et optimiste face à la manière dont la société québécoise aborde les problèmes de santé mentale. Les ressources manquent toujours, mais le tabou est moins grand. Elle espère fort que quelqu’un au gouvernement verra la série et se dira : « L’heure est grave, qu’est-ce qu’on fait ? »
Les quatre épisodes de la série Les enfants invisibles seront mis en ligne mardi dans la section Vero.tv d’ICI Tou.tv Extra
Les enfants invisibles | Les victimes oubliées de la maladie mentale - La Presse
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