(Cannes) Le 75e Festival de Cannes a fait le choix de l’éclat de rire corrosif et politique en offrant une deuxième Palme d’or au Suédois Ruben Östlund, pour sa satire acide des ultra-riches et des rapports de classe dans les sociétés occidentales.
Après Titane de la Française Julia Ducournau, c’est un autre genre de punk, bien moins sanglant mais tout aussi décoiffant et volontiers scato, qui remporte le plus prestigieux prix du cinéma mondial.
Östlund, 48 ans, ne s’est pas assagi, cinq ans après The Square, sur le milieu de l’art contemporain, et qui s’inscrivait dans la même veine. Il dénonce cette fois dans le film, par la caricature et l’outrance, les excès de la société de l’apparence et du capitalisme. Et rejoint le club des doubles palmés, aux côtés des frères Dardenne, Ken Loach ou Michael Haneke.
Triangle of Sadness, croisement de Titanic et La Grande Bouffe, a fait exploser de rire la Croisette, avec une histoire déjantée de croisière de luxe au capitaine ivre et marxiste, qui s’échoue sur une île avec ses passagers, rejoints par un couple de jeunes influenceurs.
« Nous n’avions qu’un but : faire un film qui intéresse le public et le fasse réfléchir en provoquant », a déclaré Ruben Östlund en recevant son prix. « Tout le jury a été extrêmement choqué par ce film », a reconnu le président du jury, Vincent Lindon.
Les spectateurs ne sont pas prêts d’oublier la scène de mal de mer généralisé, avec déluges de vomi et d’excréments, lors du dîner sur le bateau en perdition ou la bataille de citations entre le capitaine, communiste, et un oligarque russe.
Laver les « humiliations »
Au-delà de la Palme d’or, le jury où siégeaient notamment Rebecca Hall (Vicky Cristina Barcelona), l’Indienne Deepika Padukone, et les réalisateurs Asghar Farhadi et Ladj Ly, a donné sa deuxième distinction la plus prestigieuse (Grand Prix) ex aequo à la Française Claire Denis, 76 ans, (Stars at Noon) mais surtout à un jeune talent à suivre, Lukas Dhont, 31 ans.
Avec Close, son deuxième film, le Belge s’attaque avec sensibilité aux questions d’identité et au poids de la masculinité, et révèle un acteur, Eden Dambrine, 15 ans, monté sur scène à ses côtés.
Ce dernier a vu le prix d’interprétation lui échapper, au profit de la star sud-coréenne Song Kang-ho, le père de Parasite, cette fois-ci récompensé pour Broker du Japonais Kore-eda.
Côté féminin, le jury a distingué un parcours courageux marqué par « des humiliations », celui de l’Iranienne Zar Amir Ebrahimi, pour son rôle de journaliste enquêtant sur des meurtres de prostitués commis au nom de Dieu, dans le thriller Holy Spider.
« Ce film parle des femmes, de leur corps. C’est un film rempli de haine, de mains, de pieds, de seins, de sexes, tout ce qu’il est impossible de montrer en Iran », a déclaré celle qui a vu sa carrière en Iran interrompue brutalement à cause d’un scandale sexuel, qui l’a poussée à quitter son pays pour la France.
Lauréats belges
La Belgique est l’une des gagnantes du Festival : outre Lukas Dhont, les frères Dardenne, chantres du cinéma social, ont reçu un Prix spécial de cette 75e édition-anniversaire, pour Tori et Lokita, drame social sur de jeunes exilés, et le couple flamand Charlotte Vandermeersch et Felix van Groeningen (Le otto montagne) reçoit le prix du Jury, ex aequo avec l’ovni de la compétition, « EO » (Hi Han), manifeste animaliste sur un âne, réalisé par une figure du cinéma polonais, Jerzy Skolimowski.
Et si la guerre en Ukraine n’a pas été oubliée au cours de ce Festival, ouvert sur un message de résistance adressé, de Kyiv, par le président ukrainien Zelensky, et qui a programmé plusieurs cinéastes ukrainiens, le Russe Kirill Serebrennikov est reparti bredouille.
Devenu le porte-drapeau de l’art russe en exil, le cinéaste en rupture avec le régime avait pour la première fois pu faire le déplacement sur la Croisette pour défendre en personne un de ses films en compétition, Zhena Chaikovskogo.
Hors compétition, le Festival a aussi voulu faire rêver le public en invitant la méga-star Tom Cruise, venue présenter le nouveau Top Gun, et la nouvelle coqueluche d’Hollywood, Austin Butler, dans le rôle d’Elvis pour le biopic-évènement du « King ». Deux films sur lesquels l’industrie du cinéma compte pour ramener les foules en salles, après deux ans de crise sanitaire.
Les récipiendaires
- Sans filtre de Ruben Östlund remporte la Palme d’or
- War Pony remporte la Caméra d’or
- l’Iranienne Zar Amir Ebrahimi remporte le prix d’interprétation féminine
- le Sud-coréen Song Kang-ho remporte le prix d’interprétation masculine
- Claire Denis pour Stars at noon et Lukas Dhont pour Close remportent le Grand Prix à ex aequo
- Heojil kyolshim de Park Chan-wook remporte le prix de la mise en scène
- Boy from heaven de Tarik Saleh remporte le prix du scénario
- Hi-Han de Jerzy Skolimowski et Le otto montagne de Charlotte Vandermeersch et Felix van Groeningen remportent ex aequo le prix du jury
- Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne remporte le prix du 75e Festival
- The water murmurs de Jianying Chen remporte la Palme d’or du court-métrage
- Tom Cruise et Forest Whitaker remportent les Palmes d’or d’honneur
75e Festival de Cannes | Triangle of Sadness remporte la Palme d'or - La Presse
Read More
No comments:
Post a Comment