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Monday, February 21, 2022

The Porter | Un pan méconnu de l'histoire des Noirs à Montréal - La Presse

Une nouvelle série de fiction canadienne-anglaise dévoile un pan méconnu de l’histoire du pays : les porteurs noirs des trains de Montréal du début du XXsiècle.

Publié à 9h00
Marc-André Lemieux
Marc-André Lemieux La Presse

Intitulé The Porter, ce drame en huit épisodes d’une heure est diffusé sur les ondes de CBC ce lundi soir. Il sera également présenté aux États-Unis sur BET+, la plateforme de vidéo sur demande du réseau destiné au public afro-américain.

L’action est située au cœur du quartier Saint-Antoine, aujourd’hui appelé La Petite-Bourgogne, dans l’arrondissement du Sud-Ouest. Elle s’articule autour des réalisations des porteurs noirs de trains des années 1920, qui avaient la tâche de répondre aux moindres besoins des passagers tout au long du voyage, notamment en portant les bagages, en repassant les vêtements, en cirant les chaussures, en préparant les lits, ainsi qu’en servant les repas.

Plus précisément, le scénario relate le parcours de Junior Massey (Aml Ameen) et Zeke Garret (Ronnie Rowe Jr.) qui, après la mort tragique d’un collègue porteur de train, tentent d’améliorer leur sort en empruntant des chemins fort différents.

Le premier essaie de tirer profit d’un système brisé en pourchassant le pouvoir et l’argent en s’adonnant à la contrebande ; le second tente de changer le système de l’intérieur en démarrant un mouvement syndical. On suit également Lucy (Loren Lott), une chanteuse de cabaret prête à tout pour obtenir du succès, et Marlene (Mouna Traoré), une infirmière qui fournit des soins aux patients noirs qui sont refusés ailleurs.

La série célèbre le rôle qu’ils ont joué dans l’établissement des nombreuses communautés noires partout au Canada.

PHOTO SHAUNA TOWNLEY, FOURNIE PAR CBC

Loren Lott (Lucy) dans The Porter

Un puits sans fond

The Porter n’est basée sur aucun roman ou manuel d’histoire. Selon son cocréateur, Arnold Pinnock, il s’agit d’une fiction « inspirée par l’histoire », construite à partir d’une « grande variété de sources ».

« En tant qu’immigrant, j’avais envie d’apprendre sur l’histoire des Noirs au Canada, explique le Canadien d’origine britannique, en entrevue sur Zoom. J’ai commencé à lire des trucs, et j’ai réalisé qu’il y avait un dénominateur commun entre toutes ces histoires, une chose qui revenait souvent : les porteurs noirs de trains. Je ne savais rien à propos d’eux, sauf ce qu’on nous montrait au cinéma américain. J’ignorais qu’il y avait une branche canadienne ! »

PHOTO FOURNIE PAR CBC

Arnold Pinnock, cocréateur de la série The Porter

Intrigué, Pinnock est ensuite tombé dans « un puits sans fond » de récits, d’anecdotes et d’informations concernant cette période.

« Ça m’a inspiré d’apprendre que tous ces hommes et toutes ces femmes, qui venaient non seulement des États du Sud, mais de petits pays des Caraïbes comme la Jamaïque, la Barbade, la Grenade et Trinidad, avaient planté des graines un peu partout en arrivant au Canada, en s’installant à Toronto, Winnipeg, Calgary, Edmonton et Montréal. »

Ils n’ont pas seulement déposé leurs valises dans ces villes. Ils ont uni leurs forces pour changer les choses.

Arnold Pinnock, cocréateur de la série The Porter

The Porter aurait pu être ancrée ailleurs qu’à Montréal. Mais puisque Bruce Ramsay, cocréateur du drame, venait du coin et qu’Arnold Pinnock avait déjà découvert la ville quelques années plus tôt, alors qu’il s’intéressait au Negro Community Centre, un centre culturel, de services sociaux et d’éducation voué aux Afro-descendants montréalais, la décision s’est imposée d’elle-même.

« Il y avait des murales d’Oscar Peterson et d’Oliver Jones, se rappelle Pinnock en évoquant son tour du Negro Community Centre, à l’angle des rues Coursol et Canning. J’étais allé chez le barbier. J’avais rencontré plein de gens. Ça m’avait inspiré. Montréal, ‟le Harlem du nord », ‟la cité du vice », le jazz, la prohibition… C’était le point de départ idéal pour l’histoire qu’on voulait raconter. »

PHOTO FOURNIE PAR PRAIRIE PORTER INC. /SIENNA FILMS PORTER INC.

Scène de la série The Porter

Divertir et instruire

En plus de divertir, The Porter vise à recadrer l’histoire des Noirs canadiens, trop souvent occultée, en mettant en lumière l’importante diaspora noire.

« Notre but premier, c’est de distraire les gens, souligne Annmarie Morais, l’une des auteures et productrices exécutives [showrunner] de l’émission. On veut qu’ils soient investis dans l’intrigue et qu’ils tombent amoureux des personnages. Mais c’est sûr qu’on souhaite aussi qu’ils s’intéressent à l’histoire des Noirs au Canada, qui ne s’est peut-être jamais rendue jusqu’à eux. On ne vient pas juste d’être inventés ! On est partie prenante de l’histoire de cette nation. »

Si, après avoir regardé la série, les gens sont curieux d’apprendre qui étaient les porteurs et ce qui leur est arrivé, c’est génial ! S’ils veulent creuser un peu, c’est encore mieux !

Annmarie Morais, l’une des auteures et productrices exécutives [showrunner] de The Porter

Arnold Pinnock espère que The Porter inspirera d’autres immigrants à faire partager leur vécu. « Il y a tellement d’histoires multiculturelles qui n’ont pas encore été déterrées, qui attendent de voir la lumière du jour. Au lieu de nous séparer, je crois qu’elles vont nous rapprocher les uns des autres. »

Winnipeg en Montréal

Bien que l’action de The Porter se déroule largement à Montréal, la série a été tournée à Winnipeg en raison des crédits d’impôt, nous explique CBC. La tâche de recréer le Montréal des années 1920, plus particulièrement le quartier Saint-Antoine, a été confiée au chef décorateur québécois Réjean Labrie, qui habite aujourd’hui au Manitoba. D’après les producteurs du drame historique, la richesse architecturale de Winnipeg offrait un monde de possibilités à l’équipe de tournage, qui devait également reproduire certains coins de Chicago et de Detroit. De plus, Winnipeg donnait accès au Prairie Dog Central Railway, un chemin de fer patrimonial doté d’un vieux train à vapeur bien préservé, lequel a servi pour plusieurs scènes d’intérieur de cabines.

Pour l’heure, The Porter est uniquement offert en anglais. Une version française atterrira plus tard à Radio-Canada, nous confirme le diffuseur. Aucune date d’entrée en ondes n’est toutefois confirmée.

La série The Porter prend l’antenne de CBC ce soir à 21 h. Elle sera offerte gratuitement sur CBC Gem, la plateforme de vidéo sur demande du diffuseur public.

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