Qu’on se le dise : le film lauréat de la Palme d’or du Festival de Cannes ne fait pas l’unanimité. Qu’on l’encense ou qu’on le décrie, Titane n’appelle aucune tiédeur et ne laisse aucun spectateur indifférent.
La beauté de l’affaire est qu’après avoir tétanisé la planète cinéma avec Grave, un premier long métrage lancé à la Semaine de la critique du Festival de Cannes il y a cinq ans, la cinéaste française Julia Ducournau n’a pas du tout policé son style pour le rendre plus « fréquentable » aux yeux des bonzes des ligues majeures. D’où la joie de voir une œuvre aussi puissante et radicale obtenir la Palme d’or, une distinction très rarement attribuée à un film de genre.
Cela dit, il est difficile de définir le genre de ce thriller dont le propos est justement de tout décloisonner.
Fascinée par les mutations, y compris celles qui peuvent s’opérer à l’intérieur même de l’esprit humain, aussi adepte du body horror, Julia Ducournau nous entraîne d’abord dans l’aventure métallique d’Alexia, une jeune adulte ayant été victime d’un grave accident dans son enfance. Le prologue de ce deuxième long métrage n’est d’ailleurs pas sans évoquer un élément de Grave. Avec une espèce d’arrogance pleinement assumée, Alexia se donne en spectacle à titre de danseuse dans un salon automobile où elle fait corps avec un bolide de feu.
On vous laissera découvrir ensuite les péripéties d’un récit original et survolté, parsemé de sexe, de mort et d’huile à moteur, au cours duquel la jeune femme devra se transformer pour avoir droit enfin à un peu d’amour. Car l’histoire de Titane est aussi celle de Vincent, chef d’un poste de pompiers, qui survit tristement dans un monde où un fils bien aimé est disparu depuis des années, et dont les enquêteurs n’ont jamais retrouvé la trace.
Une ferme volonté de provocation
Parsemé de scènes éblouissantes, Titane fait partie de ces films dont on sent chez l’autrice une ferme volonté de provocation, sans toutefois verser dans l’effet gratuit. C’est un peu comme si le Crash de David Cronenberg, auquel ce film fait inévitablement penser dans sa première partie, s’était allié à la fureur du cinéma de Gaspar Noé dans ses plus beaux jours. Avec, de surcroît, une trame musicale d’enfer, judicieusement utilisée.
Aussi le récit mue-t-il vers autre chose à partir de la rencontre entre deux âmes en perdition, qui se raccrochent comme elles peuvent l’une à l’autre, quitte à se mentir à elles-mêmes. Ce faisant, Julia Ducournau propose un film aussi riche qu’inclassable, libre de toute morale et fluide de genres, qui hante l’esprit du spectateur bien longtemps après la fin de la projection.
Agathe Rousselle, une nouvelle venue, offre d’ailleurs une composition remarquable dans le rôle – très exigeant – d’Alexia, face à un Vincent Lindon qui, dirait-on, ne s’est jamais autant abandonné devant une caméra.
Dans la peau de ce sapeur-pompier qui entretient sa musculature à coup de piqûres de stéroïdes, l’acteur est tout simplement déchirant. Notons aussi la présence de Garance Marillier dans le rôle d’une jeune femme prénommée Justine, même prénom que celui du personnage qu’elle incarnait dans Grave.
Ce petit clin d’œil symbolique indique que Julia Ducournau, la deuxième réalisatrice à recevoir le plus prestigieux laurier du cinéma mondial, 28 ans après Jane Campion pour The Piano, est en train de construire l’une des œuvres les plus singulières et les plus fortes du cinéma contemporain.
En salle
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Titane
Julia Ducournau
Avec Agathe Rousselle, Vincent Lindon, Garance Marillier
1 h 48
Notre choix : Titane | Amour, sexe, meurtres, et… huile à moteur ! - La Presse
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