L’air visiblement dépassé par ce qui venait de se produire devant le tribunal, le comédien Edgar Fruitier a pris le chemin de la prison à l’âge de 91 ans, lundi, après avoir écopé d’une peine de six mois pour avoir abusé sexuellement d’un adolescent dans les années 1970.
« La peine doit envoyer un message clair à l’accusé et au public en général, a souligné le juge Marc Bisson. Dans des dossiers de cette nature, les facteurs de dénonciation et de dissuasion sont importants. »
Le magistrat a martelé à plusieurs reprises que les violences sexuelles à l’endroit de personnes mineures doivent être vivement dénoncées au sein de la société, s’appuyant sur un jugement de la Cour suprême prônant un durcissement des peines pour les abuseurs d’enfants.
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« C’est une erreur de droit que de traiter les contacts sexuels comme étant moins graves que les agressions sexuelles », a cité le magistrat, ajoutant que les gestes de Fruitier sont allés « au cœur de l’intimité » de la victime et ont eu des « effets dévastateurs ».
Edgar Fruitier n’a pas semblé comprendre immédiatement qu’il s’en allait derrière les barreaux. C’est son avocat qui le lui a expliqué, alors qu’un proche lui amenait une petite valise.
Comme un « Grand frère »
C’est à l’été 1974 que l’accusé avait dégoté à sa victime un emploi dans un théâtre d’été, en Estrie.
Il lui avait même offert de l’héberger à son chalet, là où la première agression a eu lieu. Edgar Fruitier, alors âgé de 44 ans, avait attrapé les parties génitales de l’adolescent de 15 ans.
Le garçon considérait alors le mélomane comme son « grand frère ».
Celui qui a prêté sa voix à M. Burns dans la populaire émission Les Simpson a aussi commis des gestes similaires, à deux autres reprises, en 1976, à son domicile de Brossard, où le jeune homme avait été embauchée pour faire du ménage.
Tourner la page
La victime a estimé que le message envoyé par le juge est important pour la protection des enfants et pour ceux qui hésitent à dénoncer, lui permettant aussi de tourner la page.
« Je pense que la société a changé. [...] Ce sont des choses qu’on cachait, on ne voulait pas en parler. On ne dénonçait pas à cette époque, a souligné Jean-René Tétreault », qui avait fait lever l’interdit de publication sur son identité.
Il a avoué que ça lui aurait « fait du bien » qu’Edgar Fruitier prenne la peine de s’excuser, lui qui n’a même pas témoigné durant le procès, comme c’est son droit.
Le juge Bisson a écarté que l’état de santé de Fruitier et son âge avancé posaient problème pour imposer l’emprisonnement.
Menottes aux poignets, le comédien a lentement marché pour se rendre en détention, aidé de deux constables spéciaux.
Ce qu’ils ont dit...
« Je ne suis pas une parfaite victime, comme le film, loin de là. J’ai été bien encadré, tant [par] la police que la couronne. Ça, je veux le mentionner. On a plus affaire à des parfaits agresseurs. Ils savent très bien quoi faire, pour avoir le contrôle »
– Jean-René Tétreault, victime d’Edgar Fruitier
« Le système me faisait peur, c’est une personne connue, aimée. Je voulais juste montrer que faut pas avoir peur de dénoncer et de s’afficher. [...] J’avais besoin de le faire pour les autres victimes. Allez-y, faites-le. Il y en a plus qu’on pense. »
– Jean-René Tétreault
« Le message qui est lancé, c’est que même s’il s’agit d’infractions qui datent, ici des années 1970, une peine d’incarcération s’impose. »
– Me Erin Kavanagh, procureure de la Couronne
« On doit miser sur les facteurs aggravants dans ces dossiers-ci. [...] C’est une peine de 2021. »
– Me Erin Kavanagh
« Malgré ses 91 ans, l’accusé se veut relativement en bonne santé. [...] Aucune preuve n’a été présentée pour établir que les services carcéraux ne seraient pas en mesure de répondre [à ses] besoins particuliers. »
– Marc Bisson, juge
Abus sexuel d'un adolescent: à 91 ans, le comédien Edgar Fruitier prend le chemin de la prison - Le Journal de Montréal
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